Commentaire d'audition de Bernard Accoyer, député

Par le CICNS (avril 2013)  

Audition de novembre 2012 pour la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, rebaptisé dans le rapport : « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger »  http://www.senat.fr/rap/r12-480-2/r12-480-210.html

Bernard Accoyer, créateur de l’amendement qui porte son nom est accueilli en héros par les sénateurs.  Il revient abondamment sur ce qu’il considère comme un combat victorieux. Extraits :

« Le monde des psychothérapeutes « autoproclamés » est un monde qui se tient les coudes (…). M. Bernard Kouchner, alors ministre, y (NDR : l’amendement) était favorable, mais son cabinet fut très vite alerté par l'action de cette meute dont les membres se connaissent et se protègent mutuellement, utilisant même le concours de personnalités connues. (…) Heureusement, le Pr Dubernard m'a aidé. Il connaissait le cas d'un boucher de sa circonscription qui, après avoir consulté un psychothérapeute « autoproclamé », en raison d'une dépression provoquée par la concurrence d'une supérette qui vendait de la viande, était à son tour devenu psychothérapeute...(…) Certains sénateurs défendaient les psychothérapeutes. J'ai alors distribué un document vantant la gestalt-thérapie où il était expliqué que les relations sexuelles avec des patients n'étaient pas illégitimes. J'ai convaincu Jean-Marie Le Guen et l'amendement est passé. »

Ceux qui croyaient qu’un vote de loi était toujours le fruit d’une réflexion sur la base de données objectives seront peut-être déçus…

Nous assistons d’autre part, avec cette audition, au discours d’un scientiste assumé : « Au risque d'apparaître comme un scientiste forcené, je considère que le relativisme est dangereux et contribue à l'essor des médecines parallèles » et d’un antisectes convaincu, qui au nom de la « raison », développe devant un public conquis d’avance des théories qui confinent à la superstition et ne sont étayées par aucune démarche scientifique :

« Les mouvements sectaires se caractérisent par un phénomène d'emprise ayant toujours pour but la domination, la pression, la possession, le bénéfice - financier, physique ou sexuel. Nous croyons souvent que les personnes les plus fragilisées sont les plus concernées, mais ce n'est pas toujours le cas.  L'emprise du gourou se traduit chez sa victime par une perte du discernement, le gourou qui manipule la personne selon son bon vouloir. Il arrive à persuader sa victime d'agir en dehors de toute rationalité. Les sectes et les individus manipulateurs ont la capacité de disqualifier ceux qui cherchent à remettre les adeptes sur le droit chemin ».

C’est, dans ses grandes lignes, le mythe antisectes, qui repose sur l’idée d’une sorte de pouvoir que détiendraient les « gourous de secte » pour s’attacher les services et la soumission de leurs « adeptes ». Il n’y a jamais eu de preuve, ni de caution scientifique crédible à l’existence de tels pouvoirs de « lavage de cerveau » ou de « manipulation mentale » (voir notre dossier à ce sujet). A noter qu’aujourd’hui où le soupçon est porté sur des praticiens qui ne voient leurs patients que quelques heures par mois, la croyance, de plus en plus absurde, est pourtant toujours plus répandue.

La référence à la rationalité et l’intention de remettre les autres dans « le droit chemin » complètent le portrait de l’antisectarisme français.

Une autre facette de la mythologie antisectes est celle de l’infiltration des pouvoirs publics bien illustrée aussi par Bernard Accoyer :

« (…) Leurs syndicats sont puissants et manipulateurs (…) mais dans l'entourage du ministre, il se trouve toujours - comme par hasard - un psychothérapeute ou l'un de leurs ardents défenseurs. (…) De même, il suffit parfois que la femme d'un magistrat soit elle-même une psychothérapeute « autoproclamée » pour influencer l'issue d'un procès. »

Bernard Accoyer n’oublie pas ses autres combats et lance quelques piques, florilège d’amalgames :

Contre l’agriculture biologique : « Récemment, vingt-neuf personnes sont mortes en Allemagne et une en France à cause de graines germées. Pourtant, le scandale a été passé sous silence : dès qu'il s'agit d'agriculture biologique ou de retour au naturel, notre jugement est faussé et nous perdons tout discernement. »

Contre ceux qui luttent contre les émissions hertziennes : « Comment qualifier l'action de l'association Priarterm à cet égard, est-ce une secte ? En tout cas, ses pratiques y ressemblent. »

Pour les OGM : « Certes, tous ne se valent pas, mais les procédures de validation ont été mises en cause sans fondement. Quelles relations entre la science et la démocratie ? Quelles doivent être la place du relativisme et de la vérité ? Celle-ci est-elle d'ordre social ou factuel ? »

Contre les psychanalystes qui défendent la liberté de pratique : « (…) Cette lutte procède par amalgames, autre pratique privilégiée des mouvements sectaires, car elle permet d'occulter les réalités. » (sic)

Le sénateur Yannick Vaugrenard synthétise aussi très bien, probablement involontairement, l’esprit antisectes dans ces deux phrases : «  L'Etat ne peut tout faire mais si la proximité avec une personne peut inciter à prononcer un jugement qui ne va pas dans le sens de la raison, l'Etat doit jouer son rôle. Pourquoi autorise-t-on les organes de presse gratuits à diffuser autant de publicités en faveur des mouvements sectaires sans fondement scientifique ? »

 

 

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