Courrier à  l'hebdomadaire La Vie

Lettre à l'hebdomadaire "La Vie", en réponse à un article qui met en cause la neutralité du CICNS et insinue que nous serions à l'origine du tract distribué à Paris par un "comité de soutien à Mme Hidalgo"

Novembre 2005

À M. Max Armanet, Directeur de la rédaction de l'hebdomadaire La Vie, 163, bd Malesherbes 75859 Paris Cedex 17

Monsieur,

Nous répondons à l'article "Opération intox capitale" de votre numéro 3136.

Vous mentionnez le CICNS (Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités) qui a reproduit la carte des sectes demandée par la Mairie de Paris ainsi que le tract de soutien à Mme Hidalgo, qui s'avère être un faux.

Votre texte peut laisser penser que nous regrouperions des membres de la Scientologie et d'autres mouvements controversés.

Vous savez, tout comme nous, l'effet que peut avoir aujourd'hui l'évocation de la scientologie dans l'opinion publique française. C'est pourquoi nous avons précisé sur notre site que nous n'étions pas affilié à la Scientologie, ni à aucun autre mouvement du reste.

Notre regard est donc sans calcul.

Ce regard nouveau présenté par le CICNS englobe toutes les minorités spirituelles quelles qu'elles soient, notre objectif étant de mettre en lumière les discriminations dont elles sont l'objet et dont ni les médias ni les pouvoirs publics ne rendent compte. Nous ne faisons finalement que rappeler les textes de notre constitution et de la loi de 1905 : la liberté de croyance en fait partie et doit s'appliquer aux minorités spirituelles, même si elles ne sont pas des cultes.

Un climat de tolérance ne signifie pas que nous nions l'existence de délits au sein des nouveaux mouvements religieux, comme dans tout groupe humain. Ces délits peuvent et doivent être sanctionnés par la justice, sans qu'il soit nécessaire de définir une législation spécifique à l'encontre de ces mouvements (exemple de la loi About-Picard).

Nous pensons que la justice ne peut s'appliquer de façon efficace et équitable que dans un contexte exempt de discrimination.

Force est de constater que le phénomène des nouvelles spiritualités est déformé par certains de nos responsables politiques et un grand nombre de médias. Nous suggérons quelques points à votre réflexion :

- Le mot "secte" véhicule un amalgame entre spiritualité et criminalité, puisque sous ce mot sont désignés un ensemble de mouvements qui ont été ainsi catalogués sans analyse contradictoire dans le rapport de 1996. Ce rapport "embarrassant" pour les autorités vis-à-vis des organismes de défense des droits de l'homme tend à être remplacé par une liste officieuse de 600 à 800 mouvements (par pudeur, on ne parle plus de sectes) que détient l'ADFI. Lorsqu'une prétendue secte est touchée par un fait avéré ou non, l'ensemble des "sectes" est touché. Mme Hidalgo, dans un de vos articles, parle de "la grande nébuleuse des mouvements sectaires, qui pratiquent la manipulation mentale". Cette grande nébuleuse est bien pratique puisqu'elle permet de mettre tout le monde dans le même sac impunément et d'alimenter la peur de nos concitoyens. La peur bien gérée se transforme assurément en tactique politique.

- L'ADFI affirme publiquement dans des émissions de grande écoute (ex: Ça se discute sur France2 25 Mai 2005) que 500 à 600.000 personnes sont victimes des sectes. C'est dire que toutes les personnes faisant un choix spirituel alternatif sont considérées comme des victimes dénuées de leur libre arbitre. 1% de la population serait ainsi aliéné, sans qu'aucune preuve ne vienne étayer cette théorie. C'est faire peu de cas de ces personnes en les mettant ainsi au banc de la société.

- La politique du gouvernement à l'égard des minorités spirituelles est basée presque exclusivement sur des témoignages d'apostats recueillis par des associations anti-sectes, sans qu'aucune statistique vérifiable n'ait été fournie sur l'importance du phénomène, et cela après plus de 20 années de surveillance. Le rapport 2004 de la Miviludes est vide de ce point de vue. Sur cette absence de preuve, le gouvernement a construit un arsenal anti-sectes unique au monde (dont s'inspire le gouvernement chinois). Combien de délits réellement imputables à une croyance viennent justifier la psychose anti-sectes française ?

- L'ADFI est une des seules sources d'information des pouvoirs publics. Le regard différent de nombreux sociologues et avocats est ignoré : il suffit pour s'en convaincre, de lire l'introduction et la conclusion des colloques "Sectes et laïcité" et "L'avocat face aux dérives sectaires" organisés par la Miviludes.

- L'impact des discriminations envers les minorités spirituelles est complètement passé sous silence. Notre action nous amène à rencontrer de nombreuses personnes aspirant à vivre simplement leur spiritualité et qui, avant toute enquête, sont victimes de critiques, de délation, de diffamation. Certaines ont même subi des assauts de police dignes de ceux réservés aux terroristes, sans raison (nous vous proposons de consulter notre page d'interview : http://www.cicns.net/Video.htm).

Votre dossier ne présente donc qu'une version de la réalité et prive le lecteur de sa propre analyse.

Vous sous-entendez que nous pourrions être les auteurs du tract. Ce ne sont pas nos méthodes.

Nous prenons acte que le tract est un faux. Mais comment exonérer la Mairie de Paris de l'esprit du contenu de ce tract ? Comme en témoignent certains compte-rendus de CICA (Mairie du XIXè, 30 Nov 2004), la Mairie de Paris, l'ADFI et d'autres associations sont d'accord sur la politique à suivre. Or quelles sont les recommandations de l'ADFI si ce n'est d'encourager la délation sur tout comportement "hors norme" ?

Mme Hidalgo propose un grand débat public sur le sujet mais jusqu'à ce jour, rien ne nous encourage à penser que les pouvoirs publics souhaitent réellement un débat équilibré. C'est pourquoi nous avons initié une Commission d'Enquête Citoyenne sur la liberté spirituelle en France (http://www.cicns.net/CEC.htm).

Aucun média à notre connaissance n'a choisi jusqu'à aujourd'hui de regarder cette question avec honnêteté. Nous sommes prêts, si vous le souhaitez, à collaborer avec vous sur ce type de dossier.

Cordialement

Eric Bouzou pour le CICNS


Réponse de "La Vie"

Paris, le 3 novembre 2005

Cher Monsieur,

Merci pour votre lettre et pour vos remarques concernant notre dossier sur "la carte des sectes à Paris". Carte dressée par les services de la Mairie.

Nous suivrons avec attention les résultats de la Commission d'enquête citoyenne sur la liberté spirituelle en France, initiée par le CICNS.

"La Vie" accorde une grande importance au dialogue avec ses lecteurs. Notre "Forum" est un espace de discussion où toutes les opinions peuvent s'exprimer. Nous tenons à cette ouverture. Tous vos courriers sont réunis dans de grands dossiers, transmis à tous les responsables de la rédaction, chefs de service et rédacteurs en chef.

Je conserve une copie de votre lettre pour une éventuelle publication au courrier des lecteurs. Je ne peux vous garantir qu'elle sera finalement retenue. La place disponible est hélas limitée !

En vous remerciant encore de l'intérêt que vous portez à "La Vie", je vous prie d'agréer l'expression de ma considération.

Gérard Desmedt

Responsable du Forum des lecteurs

Haut de page


© CICNS 2004-2015 - www.cicns.net (Textes, photos et dessins sur le site)