Croire
et guérir, quatre religions de guérison
de Régis Dericquebourg, Editions Dervy
Régis Dericquebourg est Maître de Conférences en psychologie sociale à
l'Université Charles De Gaulle de Lille. Spécialiste des Nouveaux Mouvements
Religieux (N.M.R), il est intervenu à plusieurs reprises dans les colloques du CESNUR.
Plus spécifiquement orientés vers l'étude des mouvements religieux qui
proposent des soins spirituels, les "Religions de guérison", ses
travaux furent sanctionnés par une habilitation à diriger des recherches.
Nous savons la difficulté à conduire de telles recherches dans un
environnement culturel politiquement correct marqué par la désinformation et
une nouvelle forme de discrimination envers les mouvements minoritaires.
Régis Dericquebourg fait son travail de chercheur, c'est-à-dire qu'il se
refuse à juger, condamner ou cautionner, les groupes qu'il observe. Il tente,
avec succès, de mettre au jour des phénomènes sociaux à la fois mal connus,
mal compris et mal perçus.
En préalable, Régis Dericquebourg rappelle la force du lien entre Religion,
maladie et santé, tant dans le domaine des représentations, des croyances que
des pratiques. Toutes les grandes religions font de la thérapie un élément de
la religiosité, plus ou moins périphérique. Quelques mouvements comme
l'Antoinisme, la Science chrétienne ( à laquelle Spencer Lewis fit bien des
emprunts pour écrire l'enseignement de l'AMORC), la Scientologie, ou encore IVI
(Invitation à la Vie) placent la thérapie au centre de leur pratique. Ce sont
ces quatre mouvements que nous présente l'auteur, étudiant les articulations
entre cosmologies, croyances, modèles de la maladie et de la santé et
pratiques thérapeutiques ou spirituelles.
C'est l'occasion pour le lecteur de découvrir ou redécouvrir Mary Baker Eddy,
une femme étonnante, fondatrice de la Christian Science, dont l'influence est
certaine, bien au-delà de son organisation. Régis Dericquebourg dresse également
un portrait précis d'Yvonne Trubert, fondatrice d'IVI, sans doute pour la première
fois. L'Antoinisme est un mouvement tout à fait original par son organisation
rigoureuse et cependant faiblement structurée. Nous ne reviendrons pas sur la
dianétique et la Scientologie, mouvement sur lequel plusieurs études existent.
Régis Dericquebourg isole à travers ces quatre cas les caractéristiques
constitutives d'un sous-ensemble réel et relativement homogène du champ
religieux :
"Ces religions nous enseignent que la recherche d'une guérison peut être
la cause d'un engagement religieux. En principe, la véritable rencontre avec
celles-ci a lieu quand le profane, qui est en quelque sorte un patient, demande
des soins spirituels à cause d'une détresse existentielle ou à cause d'une
maladie. Le traitement évoque une initiation dans laquelle on repère trois étapes
: l'épreuve de la souffrance ou de la crainte de la maladie, la cure qui passe
une expérience-pic de type mystique et par l'attribution d'une signification
religieuse aux troubles et le retour éventuel à la santé."
Mais Régis Dericquebourg remarque un autre aspect du phénomène : "nos
enquêtes ont montré qu'une grande partie de leurs fidèles ne doivent pas leur
adhésion à une maladie ou à un héritage religieux familial. Pourquoi des
personnes non socialisées dans une de ces religions, ayant confiance en la médecine
allopathique et n'ayant pas besoin de soins empruntent-elles des voies de salut
dont l'enseignement est fortement orienté sur la guérison ? Peut-être parce
qu'ils cherchent le sens de l'existence dans une religion qui authentifie sa vérité
par des preuves empiriques ? En tout cas, cette question nous invite à réfléchir
sur la complexité de l'adhésion à une croyance et à l'appropriation de
celle-ci par les individus dans un contexte donné. L'étude des religions de guérison
peut être un révélateur des manières dont les hommes construisent et
recherchent des voies du salut."
Ce livre est aussi l'occasion pour Olivier-Louis
Séguy, avocat à la cour d'appel de Paris, spécialiste de la liberté de
conviction, de faire le point dans une postface, sur l'apologie du soupçon qui
caractérise le traitement français des N.M.R., appelés plus généralement
"sectes", par les institutions comme par les médias. Il étudie
dans ce contexte aigu la situation des religions de guérison sur le plan
juridique.
Voici donc un ouvrage tout à fait intéressant qui met à la disposition du
lecteur les résultats des travaux universitaires sur un phénomène révélateur
de la complexité de notre société.
Editions Dervy, 17 rue Campagne Première, 75014 Paris
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l'interview vidéo
de Régis Dericquebourg
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