Internements psychiatriques forcés

Par Valérie Dole, membre du CICNS  (mars 2006)

Les minorités spirituelles sont souvent perçues comme les refuges de farfelus et de « malades mentaux », de personnes dites « fragiles » en général et dont la capacité à faire des choix sains serait diminuée.

Cette perception, rendue populaire par les médias et quelques personnalités politiques, a incité le CICNS à faire une enquête sur les internements psychiatriques forcés en France.

Le CICNS dénonce au passage cet amalgame pratique qui conduit à ce que toute personne s’intéressant aux débordements de la psychiatrie en France soit associée à la Scientologie.

Voir à ce sujet la lettre de Philippe Bernardet, chargé de recherche au CNRS :

« Depuis une dizaine d’années en effet aucune critique de la pratique psychiatrique ne peut être formulée, en France, sans que l’on soit immédiatement taxé de scientologue. (…) Pourquoi, d’ailleurs, serait-il interdit de discuter avec des scientologues dénonçant certaines pratiques en psychiatrie ? En plus des fous à exclure et des délinquants à enfermer, y aurait-il de nouveaux pestiférés à ne jamais fréquenter, sous peine de risquer soi-même le bûcher ? Est-ce ainsi que l’on envisage de lutter contre les sectes et les églises pour ne laisser subsister que les républicains du club des Jacobins ? » (1)


Des faits qui ne sont pas sans rappeler la fameuse « carte des sectes » de Paris

«Dans un rapport récent, la Cour des comptes s'alarmait de l'explosion du nombre des hospitalisations psychiatriques forcées (en 2000, la Cour a relevé 52 000 hospitalisations forcées soit une augmentation de 45% par rapport à 1988). Parce qu’en France l'administration décide des internements, on peut, à l'occasion d'une querelle entre voisins, d'un divorce ou d'un héritage difficile, d'un conflit de travail, ou pour des raisons politiques, se retrouver enfermé dans un hôpital psychiatrique, « traité » contre son gré, voire maltraité... La France est le seul pays européen à pratiquer l'enfermement administratif, cet implacable engrenage rendu possible par la manipulation de la psychiatrie par l'administration, mais aussi leur connivence. De véritables zones de non-droit existent, comme l'Infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris (I3P). » (Enfermez-les tous !, de Philippe Bernardet et Catherine Derivery, chez Robert Laffont).

« La France, en matière d’internement psychiatrique, reste l’un des derniers pays d’Europe à faire intervenir la police. A Paris, celle-ci dispose de tous les pouvoirs : de celui d’estimer que quelqu’un est « aliéné » jusqu’à celui de le faire enfermer, le placement d’office étant signé par… le Préfet de police lui-même. Mais si la formation de policier inclut l’apprentissage de l’utilisation de la force, elle n’a jamais prévu – et c’est tant mieux – de transformer les gardiens de la paix en psychiatres. Pourtant, les voilà qui interpellent, enferment, remplissent des certificats, voire injectent des drogues, à un rythme effroyable : 3 000 personnes en moyenne chaque année pour Paris et sa banlieue ! Du coup, les abus sont innombrables. »

A propos des hospitalisations d’office (HO) : « La signature du préfet de police, à qui incombe par ailleurs la gestion et la direction de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris validera cette décision impossible à contester, et qui interdit à celui qui en est frappé de s’opposer à son « traitement ». Sans l’appréciation d’un juge, et sur la seule foi du certificat médical délivré par le médecin procédant à « l’audition », la police peut priver quelqu’un de sa liberté sans autre forme de procès, et le forcer à accepter un traitement dont le premier objectif est de briser toutes ses résistances. » (Les Asiles de la Honte, Pascal Colombani, éd. Carnot) 

« Les motifs de la vie quotidienne qui permettent à quelqu’un d'instrumentaliser la psychiatrie et de se servir de l'internement comme d'une arme pour régler un conflit qui l'oppose à un tiers sont : divorce, héritage, conflit de voisinage, conflit scolaire, conflit professionnel... Mais au-delà des éléments circonstanciels et conjoncturels (malveillance des uns, déséquilibre des autres, complaisance, voire complicité médicale), il existe des causes structurelles (législation, exercice actuel de la psychiatrie, pratiques judiciaires et policières...) qui rendent possibles de tels emprisonnements médicaux. Entre autres, un espace d'incarcération particulièrement important est l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (I3P). Cette singulière structure remonte à 1845, date de la création d'un poste de médecine auprès de la préfecture de police. Elle fonctionne depuis en toute illégalité !!! Non seulement parce qu'elle n'a aucune existence, mais parce que les règles qui la régissent sont dérogatoires et contreviennent à de nombreuses dispositions législatives et réglementaires : absence de contrôle, détournement des garanties publiques et individuelles, publicité du passage au sein de cette infirmerie en violation du secret médical... Or ce sont près de 3000 personnes qui chaque année sont amenées à passer de plusieurs heures à plusieurs jours derrière ces barreaux. » (1)

« En 2002, la Société des psychiatres des hôpitaux de secteur de Paris (Somepsy) révélait qu'à Paris, « entre 1989 et 2000, le taux des hospitalisations d’office (HO) passe de 10 à 20 % des patients hospitalisés, ce qui est un chiffre absolument énorme par rapport aux autres départements français (de l'ordre de 1 à 3 %) ».(2)

« Dans le mouvement actuel d'augmentation continue des incarcérations de tout ordre (délinquance, activités syndicales, séjour des étrangers…), l’internement psychiatrique constitue une inquiétude supplémentaire quand on sait la manière dont les régimes despotiques notamment les démocraties dites populaires, ont pu s'en servir pour organiser la répression de leurs opposants. C'est bien une autre face de la réalité carcérale de notre société que dévoilent ces pratiques qui visent à dissimuler, derrière le domaine médical, une activité de police. Certains lapsus ne trompent pas : on a ainsi été amené à parler de « garde à vue psychiatrique ». Le risque, déjà réalisé dans certaines circonstances, de généraliser les situations où le médecin intervient en tant qu'agent de police est réel. Et pourtant il ne semble préoccuper que mollement l'opinion générale, y compris au sein de la profession médicale ! »

« En attendant qu'il soit mis fin aux internements, l'encadrement de ces pratiques passe de manière urgente par le renforcement des droits et garanties juridiques des internés, notamment par la limitation des pouvoirs de la police au profit de celles des autorités judiciaires, peut-être un peu moins enclines (espérons-le) à s'affranchir des droits et libertés publics et individuels. La médecine française a en effet cette particularité d'être celle qui est la plus condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'homme pour des contentieux relatifs à la psychiatrie (33 condamnations au second semestre 2000, par exemple).(1)

Partout en France, les gêneurs sont enfermés

« Près de 2 800 lyonnais ont été internés de force dans un hôpital psychiatrique en 2003, contre 1 600 en 1993, soit une augmentation de plus de 70% en dix ans, et dix points de plus que la moyenne française. Un chiffre impressionnant qui représente 18% des 15 000 hospitalisations psychiatriques à Lyon pour 2003 contre 13% au niveau national.

« L'hospitalisation sous contrainte à la demande d'un tiers (HDT) représente 80% des internements sous contrainte à Lyon l'année dernière. Il suffit d'une lettre d'un parent et de deux certificats médicaux pour obtenir l'internement d'un malade.

A l’origine de ce phénomène : la misère sociale, le chômage, la drogue, l’alcool… Et surtout la solitude. » (…)

« Selon Georges Hron, délégué régional du Groupe Information Asiles, « 15 à 20% des hospitalisations sous contraintes sont abusives. » (GIA est une association d'anciens patients qui considèrent avoir été internés de manière abusive. )

« Il est très rare que le juge estime que l'état du patient ne justifie pas une mesure de contrainte et demande la levée de la mesure : en moyenne à peine un cas par an. "Les juges ne prennent aucun risque. Et si vous avez déjà été hospitalisé, vous êtes présumé malade", affirme Georges Hron. » (Lyon Mag, 1 décembre 2004) (1)

Que dit la loi ?

« 150 ans après la loi de 1838, la loi du 27 juin 1990, motivée par la recherche d'une meilleure garantie des droits des malades, commence par se passer de leur consentement. Elle permet d'imposer deux types d'hospitalisation sous contrainte.

« Ainsi, une personne atteinte de troubles mentaux peut être hospitalisée à la demande d'un tiers (HDT), si ses troubles "rendent impossible son consentement" et si "son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier" . Elle est effectuée sur la base d'une demande d'admission présentée par une personne susceptible d'agir dans l'intérêt du malade (famille ou autre) et de deux certificats médicaux.

« A titre exceptionnel et en cas de "péril imminent" pour la santé du malade, l'admission peut être prononcée sur la base d'un seul certificat médical et de la demande d'admission (cette procédure était utilisée dans 23 % des cas en 1995).

« Les hospitalisations d'office (HO) sont quant à elles prononcées par arrêté, à Paris, du Préfet de police, et dans les départements, des Préfets, sur la base d'un certificat médical pour "des personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes". Ce certificat ne peut émaner d’un psychiatre ayant un lien juridique avec l’établissement d’accueil, par contre il peut être rédigé et signé par un médecin libéral, par un médecin d’un autre établissement ou par un médecin non psychiatre de cet établissement.

Le médecin donne un avis à la suite de ce qu’il a constaté ou entendu concernant la personne malade, lorsqu’il n’a pas pu l’examiner.

« En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le Maire et, à Paris, les commissaires de police, arrêtent à l’égard des personnes dont le comportement relève des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les 24 heures au Préfet qui statue sans délai et établit, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office».

« L'imprécision de la loi fait apparaître un risque d'amalgame entre trouble mental et irresponsabilité. Elle expose à l'arbitraire les personnes auxquelles elle s'applique.
Dans les deux mesures d'hospitalisations sous contrainte, rien ne permet en effet de discriminer ce qui relève de la pathologie de ce qui relève d'un acte conscient et responsable». (3)

« Interner quelqu’un sans raison sérieuse, ça exige la complicité d’un généraliste puis d’un psychiatre, ce qui est impossible » tranche un psy du Vinatier… Selon le Dr Ph. de Labriolle, psychiatre des Hôpitaux, Lyon : « Cette objection était, au moins partiellement, recevable avant 1990. Elle ne l’est plus, pour deux raisons principales : le psychiatre rédacteur du deuxième certificat d’admission et le psychiatre rédacteur du certificat de 24 heures sont des collègues de travail ; il n’y a aucun besoin de complicité, c’est-à-dire d’intention malveillante partagée, il suffit de laisser faire le besoin de sécurité généré par l’interdépendance entre collègues, voire la simple passivité. » (1)

« La loi de 1990, dont le souci a été d'améliorer la protection des personnes soignées et de limiter le recours à l'internement reste une loi d'exception. L'évaluation qui en est faite aujourd'hui tend à démontrer qu'elle n'a pas atteint ces objectifs.

« Les hospitalisations sous contrainte ont considérablement augmenté entre 1980 et 1995 (+ 94 % pour les hospitalisations à la demande d'un tiers et + 48 % pour les hospitalisations d'office de 1980 à 1988, date à partir de laquelle elles ont diminué pour augmenter à nouveau à partir de 1992. Elles atteignent, en 1995, le chiffre de 1988). Pour le sociologue P. Bernadet, chargé de recherche au CNRS, la loi de 1990 est plus une "loi de police des aliénés" qu'une loi permettant l'accès aux soins. L'examen des motifs des hospitalisations d'office qu'il nous livre fait craindre "une médicalisation de la délinquance", plus encore que la loi du 30 juin 1838.

« Dans le même sens, le toilettage de l'article 64, remplacé par le 122-1 dans le nouveau Code pénal, maintient le malade mental dans le carcan de l'irresponsabilité, que la notion de non-punissabilité aurait évité.

« On voit aujourd'hui que le malade mental reste un individu que le législateur soustrait au droit commun. Pour son propre bien ou pour la protection d'autrui, le pouvoir administratif et médical continue à lui dénier certains droits fondamentaux. La sensibilité accrue à l'égard du statut des malades hospitalisés, la volonté de respecter les libertés individuelles se heurtent en pratique à l'organisation institutionnelle. Les principes de libre choix du praticien, de libre-circulation, de possibilité de refuser un traitement, de communiquer (…) ne s'appliquent pas à cette population. Ces restrictions, justifiées par la recherche du "bien du patient", ne reposent pas sur des critères clairement énoncés, ce qui laisse encore une grande place à l'arbitraire et à la subjectivité.

« Le XXe siècle n'enterrera pas avec lui l'ambivalence de la société à l'égard des malades mentaux, que la praxis psychiatrique ne fait que révéler : elle reste partagée entre l'indignation de l'enfermement et la peur que la folie lui inspire. » (3)

Proposition de résolution N° 1459 enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 février 2004 tendant à la création d'une commission d'enquête sur la progression du nombre d'internements psychiatriques en France, présentée par M. Georges HAGE, Député.

« (…) L'étude des rapports établis par les Commissions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP), créées par la loi du 27 juin 1990 révèle de nombreuses irrégularités en matière d'internement et de contraintes en psychiatrie. Certains problèmes apparaissent notamment récurrents et posent de sérieuses questions au regard du nécessaire respect de la liberté individuelle. Dans certains départements, il est ainsi noté « une augmentation du nombre d'hospitalisations sur demande d'un tiers (HDT) en urgence, alors que cette mesure devrait rester exceptionnelle. Pour les CDHP, il s'agit d'une banalisation abusive ». Ce recours à la procédure d'urgence permet en effet de se dispenser de recueillir l'avis d'un médecin extérieur à l'hôpital, garantie fondamentale qu'avait posée la vieille loi du 30 juin 1838 pour éviter tout abus et arbitraire en ce domaine. Dans une trentaine de départements, les admissions en urgence sont ainsi devenues majoritaires au regard de l'ensemble des admissions à la demande d'un tiers, alors qu'elles demeuraient marginales avant 1990 et que la loi de 1990 stipule qu'elles doivent être exceptionnelles.

« (…) dernier exemple probablement le plus inquiétant pour l'avenir de la Nation : les CDHP notent que « des difficultés comportementales et sociales des mineurs sont trop souvent transformées en hospitalisation sous contrainte alors que d'autres solutions devraient exister ».

« (…) Ces dernières années, les Cours d'appel de Paris et de Douai ont été amenées à condamner l'Etat à verser des indemnités de plus de 45 000 à 190 000 euros aux victimes d'internements abusifs d'une dizaine de jours à plusieurs mois. Par une Résolution DH (97) 394 du 17 septembre 1997, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe devait constater la violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le cadre d'un internement arbitraire d'un an et condamnait le Gouvernement français à verser 230 000 F à la victime.

« (…) La Direction Générale de la Santé n'est quant à elle toujours pas en mesure de fournir les chiffres statistiques détaillés pour l'année 2000, n'ayant pu traiter, jusqu'alors, que ceux de 1999. Le retard pris dans le traitement de l'information atteint ainsi désormais 4 ans alors que la sauvegarde de la liberté individuelle est en cause. Il semble qu'il y ait une volonté d'occulter un aspect très inquiétant de la psychiatrie actuelle. » (2)

Mme Maryvonne BRIOT, députée, rapporte la réponse suivante de l’Assemblée Nationale (circulaire N° 1598 enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 mai 2004)

« On regrettera cependant que l'auteur de la proposition de résolution ait retenu les termes d' « hospitalisations sous contrainte », et plus encore ceux d' « internements psychiatriques », qui semblent renvoyer à des temps plus sombres où la psychiatrie était impuissante face aux cas de psychose profonde et où la prise en charge de ces personnes se limitait à une démarche d'assistance et de sécurité. Loin d'être une mesure d'enfermement et de sanction, l'hospitalisation sans consentement constitue en réalité une mesure de contention justifiée par les spécificités de certaines maladies mentales, à savoir le déni de la maladie et le refus des soins, qui justifient que des restrictions puissent être apportées à l'exercice de leurs libertés individuelles. Ainsi, comme l'a souligné à juste titre le rapport du groupe national d'évaluation de la loi du 27 juin 1990, « l'hospitalisation sans consentement est totalement différente de l'internement et du placement. C'est toujours d'abord une mesure sanitaire, ordonnée par un médecin ».

« (…) Par une lettre en date du 7 mai 2004, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a fait savoir à M. le Président de l'Assemblée nationale que « des procédures judiciaires sont régulièrement diligentées à la suite d'internements psychiatriques dénoncés comme arbitraires » (4)

Le 14 juilllet 2004, Philippe BERNARDET, Chargé de Recherche au C.N.R.S., répond à Mme Briot :

« C’est avec consternation que j’ai pris connaissance de votre rapport relatif à la proposition de résolution de M. Georges HAGE tendant à la création d’une commission d’enquête sur la progression du nombre d’internements psychiatriques en France, mais aussi du compte rendu des débats qui eurent lieu au sein de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales à l’issue de votre exposé. Une telle absence de sens critique des élus de la Nation sur un sujet aussi délicat m’effraie alors que sont en cause la clé de voûte de toute démocratie (la liberté individuelle) et le bien probablement le plus précieux de l’humanité (la santé mentale). »

« Il est néanmoins impossible, en 2004, d’admettre que la représentation nationale continue à ignorer ainsi les innombrables protestations et cris de détresse des victimes de l’abus et de l’arbitraire – en grande partie étatique- y compris subis par les personnes souffrant de troubles mentaux et qui ne parviennent à accéder aux soins que dans un rapport de violence et de négation de leurs droits, de leur dignité et du respect de leur personne. Le Groupe Information Asiles et la Fédération nationale des associations de patients psychiatriques (FNAPPsy) possèdent, dans leurs archives, des milliers de lettres et de témoignages alarmants sur la façon dont leurs auteurs ont été traités. Les juridictions condamnent désormais, chaque année, plusieurs responsables d’hospitalisations psychiatriques abusives, là où, avant les années 80, il y avait moins d’une condamnation tous les dix ou vingt ans. » (1)

Selon le témoignage de Ph. de Labriolle, psychiatre des hôpitaux de Lyon :

« J’en viens à l’énoncé de mon inquiétude essentielle, partagée par beaucoup :

Les modifications structurelles du milieu hospitalier psychiatrique public tendent à la disparition de la déontologie médicale en son sein. L’indépendance du médecin est affirmée et concrètement découragée. Sans indépendance du médecin par rapport à son employeur, les autorités de tutelle, et la normativité « confraternelle », la confiance de l’usager est soumise à l’aléatoire de la conscience de son interlocuteur du moment. Or nous avons vu que tout porte le médecin à la conformité aux attentes de plus puissants que lui. L’abandon consenti de la déontologie au profit de l’exercice concret de cette conformité ne se heurte à la vigilance d’aucune instance précise. Si cet exercice est dommageable, ce ne peut être qu’au détriment de l’usager, lequel, en la matière, s’avère le maillon faible : la saisine de la justice est restée, depuis un siècle et demi, un acte marginal.

« (…) Face à un internement inutile, illégal ou arbitraire, un psychiatre hospitalier prend des risques en le refusant. Ses intérêts de sérénité, de stabilité et de carrière sont en jeu dès lors qu’il cesse d’être un rouage ou un clone, en interpellant les instances pour que la loi s’applique. Dans le doute, garder le patient est toujours plus sécurisant pour soi que de lui rendre sa liberté et de contrarier ceux qui voulaient l’internement. En son état présent, l’hôpital psychiatrique public illustre l’aphorisme d’André Gide dans « Retour de l’URSS » (1936) : « Pour être heureux, soyez conformes ».

« (…) Il est essentiel de faire connaître aux usagers leur droit d’accès à leur dossier médical hospitalier, réaffirmé par la loi du 4 mars 2002 ; même pour une hospitalisation sans consentement. Une réclamation systématique des dossiers est un procédé qui contribuerait à faire appliquer la loi et respecter les droits formels des patients.» (1)

« A la suite du double meurtre de Pau, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2004, où deux corps de femmes sont découverts terriblement mutilés, Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, présentait un « plan de santé mentale de 2005 à 2008 » en promettant plus d’un milliard d’euros en investissements et en fonctionnement qui seront consacré à ce plan, un effort considérable de la collectivité à la hauteur des enjeux de la santé mentale. « Vous le voyez, tant par la méthode, par les moyens dégagés que par ses objectifs, ce n’est pas un simple plan que je désire construire mais une véritable politique de santé mentale. » (5)

« Un an après, la psychiatrie publique attend toujours les effets du plan santé mentale. » (6)

« Depuis des années, les psychiatres annoncent qu’ils sont « au bord d’une grande découverte » dans leur compréhension du mental ; ou ils annoncent la dernière « drogue miracle » qui apportera le bonheur à tous. Et chaque année, sur la base de ces promesses, des milliards viennent s’ajouter aux milliards déjà dépensés en recherche – pour envoyer de nouveaux rats dans des labyrinthes et tester plus de pilules chimiques sur de nouveaux cobayes et de nouveaux singes. Pour quel résultat ? Les statistiques de la « santé mentale » continuent à empirer – selon les psychiatres eux-mêmes. » (7)

Mais en quoi les pratiques psychiatriques actuelles concernent-t-elle les minorités spirituelles ?

Le Ministère de l’Intérieur donne ce conseil, en cas de conflit avec une secte :

« Si aucune action directe contre la secte n'est possible, ou si vous ne voulez pas l'utiliser : essayez de dialoguer avec la personne qui en fait partie et qui vous est proche.
Si cette personne ne peut être raisonnée, et si elle apporte une contribution financière importante à la secte, vous pouvez la faire placer sous tutelle, curatelle ou sous sauvegarde de justice. (8) La sauvegarde de justice est une mesure d'incapacité provisoire, d'une durée n'excédant pas 3 à 6 mois. Elle peut être demandée par un membre de la famille ou un voisin et être mise en place très rapidement (24 h). Le malade ne perd aucune capacité juridique (hormis celle d'être désigné comme juré d'un procès), ni aucune liberté : personne ne peut lui imposer ou lui interdire quoi que ce soit. Cette mise sous protection de justice constitue une sorte de « cadre de prudence » en attendant que les choses se décantent. Au niveau patrimonial, elle présente l'intérêt de faciliter l'annulation d'un acte que l'adulte dépendant a pu signer quelque temps auparavant, alors même qu'il n'était plus parfaitement maître de sa décision. » (9)

« Si ces mesures ne sont pas applicables, vous pouvez avoir recours à la protection de l'adulte sain d'esprit prévue par l'article 488 alinéa 3 du code civil. » (8)

Dans une circulaire du Garde des Sceaux du 29 février 1996 relative à la lutte contre les atteintes aux personnes et aux biens commises dans le cadre des mouvements à caractère sectaire :

Diffusion aux procureurs généraux, et, par l'intermédiaire de ces derniers, aux procureurs de la République

« L'exercice vigilant des attributions civiles du ministère public, en dehors des cas prévus aux articles 375 et suivants du code civil, devrait permettre d'assurer au mieux la protection des personnes, majeures ou mineures, soumises à l'emprise de mouvements sectaires, ainsi que de leur entourage. A cet égard, les procédures de placement sous sauvegarde de justice, de tutelle ou de curatelle peuvent être une réponse adéquate pour les majeurs. (10)

Dans une circulaire du 1er décembre 1998, la ministre de la Justice a adressé plusieurs recommandations aux procureurs généraux, afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre les sectes :

« (…) La circulaire insiste, comme celle du 29 février 1996, sur la nécessité d'institutionnaliser au niveau des parquets généraux et des parquets des réunions de coordination impliquant tous les services de l'Etat confrontés aux dérives sectaires, en particulier les services de police et de gendarmerie, les directions régionales du travail et de l'emploi, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse, les inspecteurs d'académie de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports... (11)

La Direction Générale de l’Action Sociale (DGAS)

Cinq sous-directions composent la Direction générale ; trois d'entre elles portent les politiques publiques de lutte contre les exclusions, de réponse à la dépendance et d'aide à l'autonomie. 

La sous-direction des politiques d'insertion et de lutte contre les exclusions coordonne les politiques interministérielles de prévention des risques d'exclusion, d'insertion et d'accès et de lutte contre les maltraitances envers les personnes vulnérables adultes, le suivi du dispositif de protection juridique des majeurs en relation avec le ministère de la Justice, la gestion des crédits de tutelle et de curatelle d'Etat ainsi que le suivi de la politique de lutte contre les dérives sectaires. (12)


Le CICNS souhaite porter à l’attention du public et des autorités la dérive actuelle concernant les internements psychiatriques. Les ennemis désignés de la république, souvent boucs émissaires ou mirages générés par la psychose ambiante, doivent-ils subir les égarements d’une démocratie en quête de stabilité ?

Allons-nous revenir aux âges sombres de l’inquisition, des camps de concentration, des goulags afin de contrôler les populations qui expriment la nécessité de réformer nos institutions ? C’est une question sérieuse qui mérite mieux que les rapports pathétiques de quelques fonctionnaires sans âme.

Lire également "les minorités spirituelles sont une pathologie délicate selon la secrétaire d'état Nicole Guedj"

Sources :

(1) http://www.groupeinfoasiles.org/

(2) http://www.assemblee-nationale.fr/12/propositions/pion1459.asp

(3) http://www.serpsy.org/piste_recherche/violence(s)/nelly4.html

(4) http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/r1598.asp

(5) http://www.premier-ministre.gouv.fr/information

(6) http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/infirmier/presse/monde/sante-mentale.htm

(7) http://www.elysees-monceau.com/Therapie/PolitiqueSante/internements_abusifs.htm

(8) http://www.interieur.gouv.fr/rubriques/b/b2_vos_demarches/b21_fiches/Conflits_avec_les_sectes

(9) http://www.seniorplanet.fr/sp.fr.php?id=2286&action=article&id_cat=342&page=1

(10) http://www.justice.gouv.fr/actua/circulaire%20du%20011298.htm

(11) http://www.senat.fr/rap/l99-131/l99-1312.html

(12) http://www.travail.gouv.fr/ministere


Voir également http://www.breggin.com sur les effets des neuroleptiques et autres médicaments utilisés en psychiatrie (site en Anglais)

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