Affaire Labrique-Delarue, l'occasion d'une mise au point du CICNS

Par l'équipe du CICNS (février 2010)

Dans son effort pour soutenir les victimes d'une lutte antisectes discriminatoire (les groupes ou individus qui se trouvent assimilés implicitement ou explicitement à des terroristes, des criminels ou des escrocs sans qu’il n'existe de preuves d’un quelconque délit), le CICNS a parfois de mauvaises surprises.  

C’est le cas, récemment, avec M. Baudouin Labrique, psychothérapeute belge qui avait quitté le plateau de télévision d’une émission de Jean-Luc Delarue en 2007 parce qu’il avait été plus ou moins explicitement assimilé à un « dérapeute » et que son temps de parole avait été réduit à presque rien, puis porté plainte parce que des coupes de ses propos avaient été faites au montage.

Il y a quelques jours, M. Labrique nous faisait parvenir son commentaire d’une décision de Justice condamnant finalement M. Delarue pour le montage de cette fameuse émission. Nous avions d'abord publié son commentaire. Mais nous n'avons pas pu obtenir de lui un extrait de la décision pour confirmer son analyse. 

Dans le même temps, nous avons demandé à M. Labrique pourquoi, dans certains articles sur son site Internet, il utilisait lui-même le vocabulaire des militants antisectes. Sa réponse fut très agressive [1], culminant dans un message sur un forum laissant supposer que nous aurions exercé des pressions contre lui pour qu’il n’attaque pas la « Biologie totale » ou la « médecine germanique du Dr G. Hamer » !? (nous ne saurions défendre ni la « Biologie Totale » ni la médecine germanique du Dr G. Hamer pour une raison très simple : le CICNS a été fondé pour défendre les minorités spirituelles et a fait le choix dès le début de ne pas se positionner sur la question des médecines alternatives pour lesquelles il se juge incompétent, tout en se réservant la possibilité de dénoncer les abus de langage et amalgames les plus flagrants (comme c'est souvent le cas pour l'homéopathie, par exemple). Nous ne pointions au sein de son article que la présence de certaines expressions, utilisées de manière répétitive et incantatoire par les médias et les pouvoirs publics depuis 30 ans, et que nous jugeons dans tous les cas non pertinentes. Nous le faisons depuis des années chaque fois que le vocabulaire antisectes est utilisé de manière abusive et a fortiori quand ce vocabulaire est utilisé à double tranchant par ceux qui en subissent les conséquences. La question de l'usage du vocabulaire antisectes a été développée dans d'autres articles du CICNS et constitue un élément clé de notre démarche pour restaurer un peu d'intelligence et de respect dans le débat sur les minorités spirituelles et thérapeutiques (lire Un monde de sectes, une société peureuse, et amalgames). Les délits avérés peuvent être traités par la Justice de notre pays, sans qu'il soit besoin de créer de nouvelles ségrégations ou stigmatisations. Pour le CICNS et nombre de ses adhérents, ce vocabulaire devrait être banni de notre langage au sein d'un débat sérieux.

Cette suite de réactions négatives nous a choqués. Nous avions fait le choix depuis le début de soutenir M. Labrique, au point d’avoir réalisé un clip vidéo dont il est une figure centrale et qui a finalement contribué à le faire connaître. Au moment de lui demander, au cours d’une conversation privée par email, un peu de discernement dans l’usage de son vocabulaire (la répétition incantatoire de certains termes fait partie de l’abrutissement de l’opinion publique par les médias et la nécessité d’un mouvement solidaire passe par la compréhension que les victimes des dérives de militants antisectes devraient cesser de dénoncer « les autres » comme étant des « sectes » ou coupables de « dérives sectaires » à partir de jugements personnels ou par mimétisme de la lutte antisectes primaire), il se retourne alors contre nous de la manière la plus inattendue et la plus brutale, nous invectivant par emails puis par forum interposés (dans ce dernier cas avec une attaque implicite au contenu diffamatoire [2].

Nous comprenons le besoin instinctif de beaucoup de personnes ou de groupes, se sentant menacés, de se « disculper » en se positionnant vigoureusement « contre les sectes ». Mais notre expérience nous a démontré que ce genre de positionnement ne rend paradoxalement service qu'à la cause des militants antisectes attachés à détruire toute expression de spiritualité ou d'alternative thérapeutique. En effet, la cause antisectes ne fait pas dans le détail et toute velléité à se distinguer du lot des « sectes », quand on est soi-même investi dans une pratique marginale, produit un effet opposé à celui recherché.

L’équipe du CICNS considère que son soutien lors de l’affaire « Ça se discute » de 2007 était approprié compte tenu du comportement non éthique de M. Delarue dans l’émission en question. Mais notre équipe regrette aujourd’hui tout autant le comportement de M. Labrique qui nuit à la crédibilité de notre démarche et dont les insultes nous font dorénavant prendre nos distances avec lui. Cette expérience ne peut que nous inciter, en tous cas, à une plus grande prudence dans nos soutiens à l’avenir (de manière générale, il nous semble que des personnes qui veulent en soigner d’autres, qu’il s’agisse de psychothérapie ou de spiritualité, ou qui s’inquiètent de la campagne antisectes française doivent être capables d’avoir des conversations sereines, sans violence verbale, ni pratiques diffamatoires. Il n’y a aucune raison que ce combat légitime devienne un panier de crabes au plus fort de la discrimination subie par tant de personnes. Nous ne pouvons malheureusement que nous distancier de tels comportements).

Malgré l'intérêt, en terme de jurisprudence, de l'action de M. Labrique, nous avons donc choisi de retirer son communiqué de notre site, parce qu'il est hors-sujet dans l'action du CICNS (M. Labrique n'agit pas pour la protection des minorités ou la défense des libertés individuelles) et parce que le vocabulaire qu'il utilise fait de sa démarche une action antisectes des plus primaires, parmi d'autres.

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[1] Parce que nous lui disions qu’il devrait éviter d’utiliser le concept de manipulation mentale qui n’est fondé sur rien de tangible, rejeté par de nombreux scientifiques et pouvant donc être considéré comme « pseudo-scientifique », il nous répond qu’il est « pitoyable » d’utiliser de telles « méthodes argumentaires » !

[2] Nous n’avons jamais demandé à M. Labrique « d’enlever » quoi que ce soit de son site, nous lui avons suggéré de réfléchir à l’usage qu’il faisait du vocabulaire antisectes. Le contexte de l'usage de ce vocabulaire (ici, un article sur le cas du Dr Hamer) est hors-sujet, dans ce débat, puisqu’il s’agit d’une réflexion qui devrait être menée en toutes circonstances et de toute urgence sur le « réflexe antisectes » parmi les victimes de la lutte antisectes. Selon nous, l’usage d’expressions comme « sectes » ou « manipulation mentale », qui n’ont ni l’une ni l’autre été définies juridiquement, devrait être banni de notre langage quand nous parlons de croyances ou pratiques différentes des nôtres, et cela afin de ne pas contribuer à la confusion ambiante et de ne pas participer à la curée. Sur le même forum, M. Labrique déclare : "sachez que j'abhorre les sectes et surtout la scientologie !" et " j’avais été appelé (à l'émission) comme expert et pas comme suppôt de quelque secte").

Lire également l'analyse de ce jugement par Jean-Luc Martin Lagardette

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