Psychologie politique et paix sociale

Ou l'art subtil de la manipulation des foules...

par Pascal Hubrecht

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Nos sociétés occidentales sont des éléphants aux pieds d’argile, telle est l’analyse de nos dirigeants politiques. Nos concitoyens sont fragiles. À la moindre contrariété sociale, la paix civile et institutionnelle peuvent être menacées.

Ainsi, le désengagement actif ou tardif du pouvoir sur certaines problématiques comme l’immigration et le retour de l’antisémitisme fait bien partie d’une stratégie politique. Une partie de poker menteur savamment orchestrée sur l’autel du consensus social. L’art de la dissimulation par ce que Machiavel appelle « l’illusionnisme politique » au service de la raison d’Etat…

« Les gens savent rarement ce qu’ils veulent, même quand ils prétendent le savoir », disait au début des années ’50, l’agence de sondage Advertising Age. En 1965, 1.100 directeurs d’entreprises américaines se rassemblent à New-York (organismes pour l’American Management Association) afin de tenter de résoudre un problème commercial particulièrement aigu : personne ne pouvait prédire les comportements des consommateurs.

Cela se traduisait par un désastre en termes de chiffre d’affaire. Les difficultés que dénonçaient ces agences, provenaient de l’apparent esprit de contradiction des individus interrogés. Il était impossible de prévenir leurs réactions. La question étant de savoir comment agir sur le subconscient d’une population déterminée. Comment persuader les masses et influencer leur conduite par des techniques ingénieuses dans le seul but d’un quelconque conditionnement psychologique ?

Suggestion psychologique

Que se soit en marketing ou en politique mais aussi pour faire passer de nouvelles normes en société, on utilise la loi la plus banale de la suggestion psychologique, la loi de la répétition. La chose affirmée arrive par la répétition à s’établir dans les esprits au point d’être acceptée comme une vérité démontrée.

On accapare les pages des journaux, des magazines, de TV, on offre des programmes coûteux aux auditeurs de radio en utilisant deux autres moyens de suggestions également très efficaces : l’affirmation (de préférence dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, est un moyen sûr de faire pénétrer une idée dans l’esprit des masses) et enfin l’intensité de cette affirmation. Ces explorations de la psychologie collective n’étaient pas anodines.

Dès la fin des années’40 les différentes approches de la psychologie des masses appliquées au marketing seront tout simplement étendues à la psychologie politique. Ces recherches visaient à mettre en lumière les divers mécanismes mentaux des populations manipulées par la propagande du NSDAP au début des années ’20. (NSDAP : abréviation pour les termes allemands : "National-Sozialiste deutsche Arbeiter Partei", qui se traduit par : parti national socialiste des travailleurs allemands. C'est en fait le nom complet du parti nazi commandé par Hitler dès 1921. NDLR).

Cependant, la science politique américaine va également se pencher sur la psychologie collective des populations vivant dans nos sociétés démocratiques d’après-guerre. Une société post-industrielle, de production, de culture mais aussi de communication dite de masse… Le but ultime de ces études visait avant tout à établir des procédés et des techniques permettant aux démocraties d’avoir un contrôle social direct sur la population, via notamment les médias.

Autrement dit, comment canaliser une population dans un régime démocratique sans recourir à la force ? Il fallait créer une science du maniement du cerveau des foules au service de la paix civile et sociale.

Pour qu’une véritable discipline de persuasion des masses se crée, il faudra attendre les véritables manipulateurs du symbolisme politique, apparus aux États-Unis au milieu des années 1950. Ces maîtres d’une discipline d’un nouveau genre, faisaient la synthèse des travaux de Setchenov et de Pavlov (la psychologie soviétique) et de leurs réflexes conditionnés, de Freud et de ses images du père, de Rienman et de son idée de concevoir les électeurs américains comme des spectateurs consommateurs de la politique.

Dans nos sociétés modernes, l’ensemble de la population habite un univers factice composé de « stéréotypes » L’individu moyen de ce début de siècle, vit de plus en plus par procuration (identification à telle ou telle « vedette ») et dans un « pseudo-environnement mental » que les médias institutionnels se chargent pour eux d’organiser ; déformant, simplifiant la réalité, à l’extrême.

Cela permet à l’individu de penser à moindre coût (l’Etat pense à sa place ce qui est bon ou pas afin de maintenir le consensus social) faisant ainsi l’économie d’une expérimentation de la réalité, réalité pas souvent bonne à voir et encore plus difficile à assumer par la population.

Insignifiance intellectuelle

Dès lors, il est facile en agissant sur les symboles et les stéréotypes (et donc les consciences) de fabriquer totalement une opinion publique, usant des méthodes de communication de masse et de psychologie. Dans ce cadre, il est bon de s’interroger sur un autre phénomène découlant de ce processus. La chute vertigineuse du niveau culturel de nos sociétés. Autrement dit, la prolifération constante de ce que l’ont pourrait appeler l’insignifiance intellectuelle.

Déjà en 1861 l’économiste Augustin Cournot prévoit pour l’avenir, un monde monotone et source d’ennui car tout sera uniformisé et aseptisé. Un univers où tout sera organisé, planifié, prévu pour les individus ayant perdu toute originalité, fondus au sein d’une masse incapable de penser. L’Histoire ne sera plus qu’une gazette officielle servant à enregistrer les règlements, les relevés statistiques, l’avènement des chefs d’Etat et la nomination des fonctionnaires, dit–il.

Ce magnifique tableau d’anticipation de notre société contemporaine est à rapprocher de la vision futuriste d’Alexis de Tocqueville dans son célèbre « De la démocratie en Amérique »(1835) « « Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme - Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; Il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir. »

En 1891, dans « The New Utopia », le romancier Jérôme K prévoit également une uniformisation des pensées ou les individus ne sont plus que des numéros, parfaitement identiques d’aspect (on opère ceux qui ont des différences trop marquées). Les trois auteurs ne se distinguent guère sur l’approche avant-gardiste de notre société.

Néanmoins Cournot souligne un élément fondamental. Selon lui, dans ce monde futur, il subsistera malgré tout la menace du soubresaut, à cause de « toutes les sectes de millénaristes et d’utopistes » prêtes à faire renaître la lutte des classes, le plus redoutable antagonisme dans l’avenir pour le repos des sociétés ; il pourra toujours apparaître « un chef de secte, inventeur d’une nouvelle règle de couvent, capable de l’imposer au monde civilisé tout entier » Cournot a bien écrit cela en 1891.

Enfin en 1903, Daniel Halevy publie un roman de fiction politique intitulé « Histoire des quatre ans, 1997-2001 » Il imagine la société de la fin du vingtième siècle dominé par une démocratie de démagogues ayant un tissu social en pleine décomposition.

« Les populations, réduites à l’oisiveté, ayant perdu tout stimulant, toute vigueur et toute notion de valeur, s’adonnent à des divertissements passifs, drogue, érotisme, homosexualité, pratiques considérées comme normales. Les organismes, corrompus et affaiblis par une vie malsaine, sont victimes d’une nouvelle épidémie, que la médecine n’arrive pas à maîtriser» rajoute-t-il.

Foule sentimentale

Ainsi sans rentrer dans les clichés grotesques et la démagogie simpliste, peut-on se demander si l’abaissement grandissant du niveau culturel n’est pas voulu en hauts lieux afin de canaliser une partie grandissante de la population ?

Dans les années ’30 les pamphlets de Drieu la Rochelle, de Céline ou encore de Léon Daudet étaient parvenus à enflammer une bonne partie de la foule contre les Juifs. Le Juif responsable des troubles sociaux, de la crise économique, et ultime menace pour l’intégrité territoriale de l’Allemagne et de la Russie !

Cette période troublée de notre histoire, démontre avec force comment une foule peut être crédule, facile à suggestionner. Elle dépend uniquement de la nature de l’excitant et non plus, comme chez l’individu isolé, de rapport entre l’acte suggéré et la somme des raisons qui peuvent être opposées à sa réalisation.

Comme le souligne Freud, dans « Malaise dans la civilisation », par le seul fait qu’il fait partie d’une foule, l’homme descend plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation ; isolé, l’individu peut-être cultivé ; en foule, c’est un instinctif. « Il a la spontanéité, la violence, la férocité et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs ».

Ainsi, le mariage grandissant de la crétinisation et de l’ignorance dans la culture de masse pourrait bien servir les intérêts de la paix sociale. L’anéantissement de toute pensée critique par le nivellement par le bas, corollaire indispensable à la stabilité politique et à la survie de nos nations ?

Afin d’éviter l’implosion de la société, le pouvoir politique dévie l’attention du public de certains problèmes contemporains qui l’entourent. C’est ce que l’on appelle l’ « État illusionniste ». Le maniement habile du symbolisme politique et de l’illusionnisme politique afin d’entretenir la légitimité du pouvoir est une des caractéristiques de l’État. Le plus grand et le premier théoricien de l’illusionnisme politique fut très certainement Machiavel.

L’illusion en politique est un art, disait-il, une méthodologie indispensable qui permet à l’État de « s’affairer à la chose tandis qu’il oriente son regard ailleurs » Machiavel comparait l’espace politique à l’espace théâtral, avec ses coulisses, ses ficelles, ses acteurs, mais aussi ses décors en carton-pâte et ses polichinelles ! L’espace politique permet, à l’instar de l’espace théâtral, de recourir à de multiples effets d’optiques. Machiavel désignant le pouvoir politique par « le prince » jouant autant de rôles devant ses « spectateurs » (les masses) qu’exigent les circonstances du moment.

Cette rapide analyse permet de comprendre, pourquoi depuis trente ans, au nom de la paix sociale et politique, le pouvoir et les médias évitent de mentionner une réalité gênante. L’immigration musulmane en Europe a été mal gérée, mal préparée, mal comprise autant sur le plan sociologique, politique que géostratégique. Aujourd’hui, que cela plaise ou nom, il est trop tard pour changer le cours de l’histoire, le pouvoir politique vise avant tout à gérer, s’il le peut, une situation de plus en plus complexe.

Depuis trente ans donc, nos hiérarques ont manié avec brio les formules creuses et les discours éternellement pipautés. Dans une approche purement machiavélienne, ils ont laissé dangereusement le débat choir chez les gourous grandiloquents nostalgiques d’un ordre ancien ou nouveau.

Les Juifs, source de conflit permanent

Le reste de la problématique sera emmuré chez certains bureautiers aux services de ce nouveau langage orwélien, la « newspeak ». La foultitude de laquais, éternels passe-murailles et sonne-creux, porte-parole du ministère de la Vérité du pays d’ « Océania » paraissent être en perte de vitesse. Ces aréopages de parasites semblent ne plus pouvoir contrôler la dynamique qu’ils ont eux-mêmes engendrée.

En effet, non seulement la situation se dégrade sur le terrain, mais les extrémistes de tous poils semblent prêts à en découdre. Enfin, « Big Brother » et son parti « Ingsoc » (société totalitaire décrite par Orwell dans « 1984 » NDLR) utilisent d’ultimes techniques « illusionnistes » afin de conditionner l’opinion publique.

L’Etat d’Israël, pierre d’achoppement dans le nécessaire rapprochement tactique de l’Europe avec le monde arabe. Il s’agit donc de rendre cet Etat impopulaire aux yeux de l’opinion occidentale. Les Juifs en Europe symbolisent une source de conflit permanent avec la communauté musulmane, dont il faut trouver un bouc émissaire afin de justifier la frustration et le mal vivre d’une partie de cette communauté !

Voilà ce que pensent, sans le proclamer tout haut un certain nombre de nos élus. L’ombre des années ’30 semble ressurgir de son abîme. Ceux qui ne sont pas d’accord avec cette logique politique, qu’ils soient Juifs ou non, seront excommuniés.

Dans un calcul machiavélien et aussi marchand, le pouvoir s’interroge sur le rapport coût-bénéfice des relations avec les Juifs et les Arabes. Que vaut le poids économique des Juifs en Europe par rapport aux Arabes beaucoup plus nombreux ? Que vaut le poids des échanges économiques avec Israël, vis-à-vis des pétromonarchies du Golfe qui investissent dans les banques européennes ?

De plus, l’électorat musulman est une mine d’or politique. Il représente un électorat très malléable, pouvant être utile pour les ambitions personnelles de certains de nos politiciens ! Bien entendu, ceux-ci se moquent autant des Juifs que des Arabes. En politique, il n’y a pas d’amis, il n’y a que des intérêts… Enfin, la jeunesse musulmane représente avant tout les incontournables bailleurs de fonds des pensionnés de demain.

Dans cette approche cynique et totalement irresponsable, la survie même de la culture européenne mais aussi et surtout de la paix civile en Europe est dangereusement hypothéquée.

Il semble en effet que les discours lisses et les circonlocutions médiatiques des représentants d’ « Ingsoc » ne convainquent plus grand monde ! Plus que jamais, à l’instar de ce que prophétisait Cournot, certains aventuriers en politique pourraient voir le jour sur le vieux continent servant d’exutoire à une population lassée des discours officiels.

Comme le dit Daniel Halevy, « les espèces disparaissent quand elles ont supprimé les dangers qui les tenaient en haleine... Les Européens meurent en plein triomphe » (D. Halevy, L’histoire de quatre ans, 1997-2001, PARIS 1903 p.3)

Pascal Hubrecht

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