Plainte d'une minorité spirituelle à la suite d'une descente abusive de la MIVILUDES

CICNS (novembre 2010)

Les membres de la Communauté du Monastère œcuménique et laïc du Moulin des Vallées ont subi le 13 octobre 2009, dans leur propriété d'Ille-et-Vilaine, une descente brutale du président de la MIVILUDES accompagné de journalistes, vécue « comme un viol ». Le 19 mai 2010, ils ont décidé de déposer une plainte qui fera date dans l'histoire de la résistance des minorités spirituelles aux dérives de la lutte antisectes française. La plainte a été classée sur pièces sans suite, par le procureur de la République du tribunal de Rennes, le 10 septembre 2010, mais les plaignants ont cependant, légalement, toujours la possibilité de poursuivre l'action en Justice.

Monsieur le Procureur de la République

Tribunal de grande Instance de RENNES

Objet : Plainte contre X

Sur le fondement des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal, sur le fondement des articles 226-4, 226-7 et 226-8 du Code pénal et de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Monsieur le Procureur,

L’Association « A Votre Santé » et le Responsable de l’éthique du Monastère,

Souhaitent déposer plainte pour :

-          escroquerie,

-          atteinte à l’inviolabilité du domicile,

-          atteinte à la personne humaine,

-          atteinte à la liberté d’association,

-          atteinte à la représentation de la personne,

-          propagation de fausse nouvelle,

sur le fondement des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal, sur le fondement des articles 226-4, 226-7 et 226-8 du Code pénal, et sur le fondement de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

LES FAITS :

L’Association « A Votre Santé » siège au « Monastère œcuménique et laïc du Moulin des Vallées »

Il s’agit d’un lieu privé signalé par un panneau à l’entrée (pièce n°9).  (webmestre : voir le panneau sur le site Internet du Moulin des Vallées)

Le 13 octobre 2009, Monsieur FENECH et une dizaine de personnes ont pénétré avec des véhicules d’administration banalisés dans l’enceinte privée du Monastère œcuménique et laïc en se présentant comme représentant de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires (MIVILUDES).  

Madame G. a consenti à ouvrir les portes des bâtiments qui abritent la Communauté œcuménique et laïque du Moulin des Vallées sur l’insistance de Monsieur FENECH qui se présentait comme représentant officiel et en service de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires. 

Monsieur FENECH a exigé au nom de la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires de visiter les locaux, accompagné d’une dizaine de personnes qui l’assistaient dans son contrôle des lieux. 

Dans la façon dont Monsieur FENECH a présenté ses opérations, il était sous-entendu que l’équipe qui l’accompagnait avait la qualité d’agents de l’Etat. 

A aucun moment quiconque ne s’est présenté comme journaliste. Il n’y avait aucun signe apparent d’appartenance à une société de presse écrite ou télévisuelle, y compris sur les véhicules. L’ensemble des véhicules pouvait laisser penser à des véhicules d’administration. 

Etaient pourtant présents aux côtés des membres de la MIVILUDES des journalistes de France 2 et du Parisien - Aujourd’hui en France. 

Ce n’est qu’à l’issue d’un contrôle minutieux qui a duré 2 heures que Madame Juillet, journaliste au Parisien - Aujourd’hui en France, a décliné en aparté cette qualité à Madame G. 

Le journal Le Parisien - Aujourd’hui en France a publié le 16 octobre 2009 un article relatant « la descente » de la MIVILUDES dans la communauté (pièce n°1).    (webmestre : voir L'article sur le site Internet du Moulin des Vallées)

Il convient de préciser que la présence des journalistes du Parisien est liée semble-t-il aux fonctions de l’épouse de Monsieur FENECH. 

Christine GOGUET, épouse de Monsieur FENECH, est en effet journaliste au Parisien chargée des activités « suppléments » et « évènements spéciaux » (pièce n°2). 

Cette intervention est justement qualifiée de « descente » par l’article de presse paru le 16 octobre 2009 dans le journal « Le Parisien - Aujourd’hui en France ». La journaliste précise que « les agents de la MIVILUDES ont dû venir repérer le terrain la veille, pour bien baliser la mission. » 

Le journal décrit ainsi clairement une opération « des agents de la MIVILUDES ». Le fait d’évoquer « un repérage » est révélateur d’une opération de police. 

Les conditions dans lesquelles s’est déroulée cette opération de police de la religion constituent une violation des libertés individuelles et se doivent par conséquent d’être poursuivies. 

D’ailleurs, les journalistes de France 2, contactés par l’Association « A Votre Santé », ont jugé plus raisonnable de ne pas diffuser le reportage qu’ils ont filmé illégalement, conscients des pratiques illégales qui ont été mises en œuvre par Monsieur FENECH et son épouse Madame Christine GOGUET (pièces n°5 à n°8). 

Aux portes du Monastère, Monsieur FENECH s’est présenté comme Président d’une Commission interministérielle faisant croire délibérément à une fausse qualité d’enquêteur pour le compte d’une mission interministérielle.  

Confronté à un contrôle d’officiels se présentant comme des enquêteurs, les adhérents présents de l’Association n’eurent d’autre choix que de laisser entrer Monsieur FENECH ainsi que ses accompagnateurs. 

Ils ont été impressionnés par la fausse qualité alléguée par Monsieur FENECH et « ses agents ». 

Une fois dans les lieux, il est incontestable que les membres de la MIVILUDES ainsi que les membres de la presse avaient pour seule volonté de contrôler l’Association. 

Cette opération, préparée semble-t-il avec l’épouse de Monsieur FENECH, elle-même journaliste au Parisien, tient de l’opération de police. 

Aux termes des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal, il est prévu que :

« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 750000 euros d'amende lorsque l'escroquerie est réalisée : …

2° Par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ; » 

La Cour de cassation a jugé que « constitue une prise de fausse qualité le fait de se prétendre mensongèrement mandataire » (Crim 18 juill. 1968, Bull. crim. n°233)

Monsieur FENECH s’est rendu coupable d’escroquerie envers les membres de l’Association en faisant usage d’une fausse qualité d’agent chargé d’une mission de service public afin de contraindre mes clients à le laisser pénétrer dans les lieux qu’il savait privés.

Il est d’autant moins excusable d’une telle attitude qu’il a exercé antérieurement les fonctions de Juge d’instruction (pièce n°11).

Monsieur FENECH était accompagné dans cette opération illégale par des journalistes exerçant avec une caméra banalisée (aucun logo) sans décliner leur vraie qualité, et par une équipe d’un quotidien dirigé par son épouse, Madame GOGUET (pièce n°2). 

Par un exercice illégal de l’autorité attachée à ses fonctions de président de la MIVILUDES, Monsieur FENECH a délibérément fait croire aux adhérents de l’Association « A Votre Santé » qu’il était accompagné d’agents de l’Etat, alors que cette intrusion était l’œuvre de journalistes du journal Le Parisien, dont l’épouse de Monsieur FENECH est administratrice, et de journalistes de France 2 en caméra banalisée (aucun logo).

La MIVILUDES a été instaurée par décret le 28 novembre 2002 dans une optique de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. La loi ne prévoit pas de cas où la mission interministérielle pourrait s’introduire dans le domicile d’autrui contre son gré ou réaliser une opération de police avec « repérage » et usage d’une fausse qualité (pièces n°13 et n°14).

Lorsqu’il s’exprime, Monsieur FENECH le fait au nom du « Premier Ministre » et de la « République Française » (pièce n°12). La qualité de représentant du Premier Ministre, utilisée pour s’introduire dans un lieu privé avec des journalistes, est seule à l’origine de l’ouverture des portes du Monastère à Monsieur FENECH et ses agents le 13 octobre 2009.

Il est flagrant que Monsieur FENECH a outrepassé ses fonctions ainsi que les pouvoirs qui lui sont délégués par le Premier Ministre afin de s’adonner à une enquête illégale bafouant les libertés individuelles de mes clients.

Il a profité de sa qualité de mandataire du Premier Ministre pour introduire par surprise le journal, dans lequel travaille son épouse, et la chaîne France 2 dans un Monastère privé.

Une telle façon de procéder au nom du Premier Ministre est scandaleuse dans un Etat de droits.

L’article 226-4 du même code dispose que :

« L'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »

Ainsi, chaque personne présente au côté de Monsieur FENECH, participant à cette manœuvre afin de s’introduire dans le Monastère a porté atteinte à l’inviolabilité du domicile.

Au vu du comportement des agents de la MIVILUDES ainsi que ceux du quotidien « Le Parisien - Aujourd’hui en France » et de la Chaîne de télévision France 2, mes clients déposent plainte au visa de l’article 226-7 du Code pénal, qui prévoit que :

« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies à la présente section encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 :

1° (Abrogé) ;

2° L'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

3° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35. »

De toute évidence, Monsieur FENECH agissant au nom du Premier Ministre a monté avec la chaîne France 2, le quotidien « Le Parisien - Aujourd’hui en France » une opération illicite consistant à se faire passer pour un agent de l’état assermenté, dans le but d’introduire par malice des journalistes dans un lieu privé.

Lors de leur inspection des lieux, les journalistes du Parisien - Aujourd’hui en France n’ont pris aucun cliché afin de ne pas trahir la véritable raison de leur présence. Ils ont alors illustré leur article de presse à l’aide de photographies appartenant à l’Association.

Les deux photographies illustrant l’article incriminé du 16 octobre 2009 sont en effet des reproductions non autorisées de photographies reproduites à partir des publications de l’Association « A Votre Santé » (pièces n°15 et n°16).

Le journal « Le Parisien - Aujourd’hui en France » n’a pas hésité à détourner ces images afin de convaincre le public du caractère sectaire de l’association ; allant jusqu’à comparer la maison pivotante à une soucoupe volante.

L’article 226-8 du Code pénal dispose que :

« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention.

Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

Il a jugé que : « Le ‘montage’ ne constitue pas nécessairement une manipulation ou un trucage de la photographie, mais se trouve réalisé dès lors que l’insertion de cette photographie dans un contexte d’images, de dessins ou de légendes en modifie la valeur artistique, la portée ou la signification » (Toulouse, 26 février 1974 : D. 1974, 736)

La présentation de l’Association à travers l’article de presse est non équivoque et insinue qu’elle est une secte. Le lecteur ne peut pas penser autre chose alors que l’article figure sur la même page traitant de la dangerosité des sectes.

Associer l’image de Monsieur T., communément nommé frère Abel, aux mots « sectes », « charlatans » n’est pas anodin. Cela participe à la propagation d’une fausse nouvelle selon l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881.

Aux termes de cet article, il est prévu que :

« La publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler, sera punie d’une amende de 45000 euros. »

Lorsqu’on connaît le sentiment majoritaire de méfiance envers les sectes, dénoncer faussement une association comme telle aurait pu troubler la paix publique en provoquant des représailles contre les membres de cette association.

Apporter un tel trouble au sein d’une association de bienfaisance qui accueille des personnes suicidaires, droguées, dépressives, déstructurées et fragilisées, relève du domaine pénal.

Monsieur Georges FENECH ne peut en aucun cas se permettre de nous ramener à l’époque de l’Inquisition.

Une telle attitude qui vise à protéger des personnes qui seraient, selon M. FENECH, en danger du fait qu’elles fréquentent le Monastère œcuménique et laïc du Moulin des Vallées, ne peut, à l’évidence, que les mettre véritablement en danger.

Il est patent dans ces conditions que la « descente » de Monsieur FENECH accompagné de journalistes en caméra banalisée (aucun logo) a violé les libertés individuelles de mes clients. 

L’Association « A Votre Santé » et le Responsable de l’éthique du Monastère sont en conséquence parfaitement fondés à déposer plainte pour escroquerie, atteinte à l’inviolabilité du domicile, atteinte à la personne humaine, atteinte à la liberté d’association, atteinte à la représentation de la personne et propagation de fausse nouvelle sur le fondement des articles 313-1 et 313-2 du Code pénal, sur le fondement des articles 226-4, 226-7 et 226-8 du Code pénal, et sur le fondement de l’article 27 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il convient d’identifier les auteurs de ces délits en confiant à tel officier de police judiciaire qu’il plaira le soin d’instruire la présente plainte et ses suites.

Pièces communiquées :

  1. Article de presse Aujourd’hui en France du 16 octobre 2009
  2. Lettre de l’Association « A Votre Santé » en date du 1er décembre 2009
  3. Lettre du président de l’Association « A Votre Santé » en date du 15 octobre 2009
  4. Lettre AR des membres de la Communauté du Monastère œcuménique et laïc du Moulin des Vallées en date du 27 octobre 2009
  5. Lettre AR de Monsieur  L. en date du 5 novembre 2009
  6. Lettre AR de Monsieur G. en date du 2 novembre 2009
  7. Lettre AR de Madame G. et Messieurs L. et G. en date du 8 novembre 2009
  8. Lettre AR de Madame T. en date du 8 novembre 2009
  9. Photographie du panneau de l’entrée du Monastère
  10. Lettre du Monastère œcuménique et laïc du Moulin des Vallées en date du 26 août 2009
  11. Articles sur Monsieur FENECH et son rôle dans la MIVILUDES
  12. Communiqué de presse en date du 14 septembre 2009
  13. Présentation de la MIVILUDES
  14. Décret du 28 novembre 2002 instituant une Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires
  15. Diaporama de l’Association « A Votre Santé »
  16. Photo humoristique de l’élixir du Révérend Père T.

 

 

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