La Scientologie dans la chasse anti-sectes en France

Un article du CICNS - septembre 2008 (mise à jour 03/2009 et 08/2010)

« Le juge Jean-Christophe Hullin a signé, lundi 8 septembre 2008, une ordonnance renvoyant devant la justice l'Association spirituelle de l'Église de Scientologie (ASES - Celebrity centre), principale structure de l'association en France, et sa librairie, la SARL SEL, pour "escroquerie en bande organisée". La condamnation de l'Eglise de Scientologie pour ce chef pourrait aboutir à la dissolution des deux structures mises en cause, selon une source proche du dossier. » (Le Monde)

Cette nouvelle est une occasion d’analyser le syndrome antisectes en France et le rôle particulier attribué à la Scientologie.

L'épouvantail Scientologie

La Scientologie est véritablement la bête noire des organisations antisectes. 

Il est toujours délicat d'évoquer la Scientologie en France aujourd'hui. Le CICNS a même écrit une page spéciale pour affirmer son indépendance vis-à-vis de la Scientologie (indépendance qui concerne également tout autre mouvement) et nous avons ressenti une hésitation avant de publier ce commentaire.

Le sujet est devenu si passionnel que la moindre attitude conciliante à l'égard de ce mouvement - la "secte par excellence" aux yeux du grand public - fait nécessairement de vous "un des leurs". Il est donc de bon ton d'être "contre", par principe ou par précaution. La plupart des mouvements spiritualistes, y compris ceux qui subissent des persécutions similaires, préfèrent ne pas être mêlés de près ou de loin à ce mouvement. Le simple fait de prononcer son nom peut changer radicalement le ton d'une conversation.

Certaines personnes semblent avoir consacré leur vie, et des forums ou des sites Internet entiers, à attaquer ce mouvement qui, dans d'autres pays, a pourtant obtenu le statut de "religion" (Le Point). C’est le cas en 1993 aux Etats-Unis, après une enquête fiscale de deux ans qui a officiellement déclaré la transparence et l'absence de profit.

Au-delà du joli prétexte de vouloir « sauver le monde » des sectes, pourquoi tant de haine ?

Il n'y a, en effet, pas eu de "suicides collectifs", pas d'attentat et plus de "gourou" (Ron Hubbard, le fondateur de la Scientologie est décédé en 1986). On parle cependant beaucoup d'escroqueries et de "manipulation mentale".

Comment en est-on arrivé à une telle phobie collective ? La Scientologie serait-elle la preuve qu'il existe bien des "sectes" ? Que peut-on lui reprocher ? Est-elle devenue le bouc-émissaire de toute une génération ? Et si c'est le cas, pourquoi ?

Des ennemis dès le début

Le paradoxe de la Scientologie, c'est qu'elle a commencé à se créer des ennemis dans les années 50 quand elle s'attaqua à la psychiatrie et aux services secrets en présentant les uns et les autres comme coupables de « manipulations mentales » (le mot n'était en fait pas utilisé, l'église parlait de "volonté de contrôler les populations"). Il est intéressant de noter comment cette accusation leur a été retournée depuis au point d'être au centre du combat contre elle.

Du point de vue des Scientologues, ce sont les psychiatres qui se sont organisés pour les détruire voyant le danger que présentait alors pour leur profession une religion de 8 millions d'adeptes et cherchant par tous les biais possibles à les discréditer.

Du point de vue des ennemis de la Scientologie, cette dernière est une entreprise à but très lucratif qui veut se faire passer pour une religion. Elle est un groupe despotique aux méthodes empruntées au nazisme, dans les attaques les plus virulentes.

Pour les Scientologues, Ron Hubbard est un génie, pour ses ennemis un imposteur. Ces derniers usent d'ailleurs beaucoup d'encre afin de présenter une image peu reluisante de lui.

Mais les enquêtes du CICNS ont démontré que tout et n'importe quoi peut être dit sur n'importe qui. Comment, par conséquent, trancher dans cette effroyable confusion dans laquelle est plongé le citoyen lambda au sujet de cette « incarnation du mal » qu'est la Scientologie dans l'esprit du public ?

Le contexte antisecte français

Nous renvoyons le lecteur à notre historique de la lutte antisecte française pour une chronologie détaillée. Un historique pertinent est également proposé par Lionel Mariani (IEP Toulouse).

Le discours antisecte ne s’est jamais adressé au bon sens et à la raison des citoyens mais s’est placé d’emblée à un niveau émotionnel en utilisant la peur de ce qui est nouveau et différent. Les raisons historiques qui ont conduit les différents protagonistes à faire ce choix sont diverses et un certain nombre sont présentées dans les contributions de sociologues que nous avons interrogés sur le sujet. Le lecteur curieux ne trouvera donc aucune preuve tant juridique que sociologique de l’existence d’un fléau social, bien au contraire (ainsi, les administrations ayant témoigné lors de la dernière commission d’enquête parlementaire « l’enfance volée » ont toutes fait état d’un nombre très faible de plaintes pour dérives sectaires).

Les pouvoirs publics (notamment à travers les missions interministérielles MILS et MIVILUDES) aidés par des associations antisectes subventionnées par l’Etat (ADFI et CCMM entre autres) se sont employés à façonner, consciemment ou inconsciemment, une terminologie qui, in fine, désigne un ennemi au contour diffus (donc extensible à souhait et sans besoin de justifications factuelles), permettant de réveiller en quelques mots la peur chez l’auditeur. Les termes « secte », « mouvement sectaire », « mouvance sectaire » et autres dérivés ont désormais cette capacité. Par ailleurs cette peur s’est focalisée sur quelques entités particulières qui, dès leur évocation, pourraient immédiatement susciter un rejet.

Les groupes qui ont bénéficié, malgré eux, de cette palme de l’horreur ont évolué au cours du temps. Au démarrage de la lutte antisecte, « Moon » (Église de l’Unification aujourd’hui) tenait la corde. Puis le Mandarom a subi l’hystérie médiatique et administrative plusieurs années durant. Finalement un ostracisme exacerbé s’est concentré sur la Scientologie et les Témoins de Jéhovah. On peut néanmoins estimer que la Scientologie fait office de chef de file des sectes « épouvantails » en France.

Trois principales caractéristiques sont communes à ces mouvements, expliquant au moins en partie l’acquisition à un moment ou à un autre du statut de « secte la plus dangereuse » :

1.       Ils sont fondés sur une croyance originale : qu’elle soit issue d’une interprétation particulière d’un corpus historique unique ou syncrétique ou bien totalement nouvelle ;

2.       Ils se sont rendus visibles : soit par leur doctrine, leur prosélytisme, leurs signes extérieurs de richesse ou d’existence (la statue du Mandarom) ;

3.       Ils sont ou ont été accusés de dérives : principalement sur les thèmes : sexe, argent, pouvoir sur la base de témoignages d’apostats fortement médiatisés.

Il serait certainement intéressant d’évaluer le poids relatif de ces éléments dans l’accession au titre de « secte la plus dangereuse ». Il est patent que les deux premières caractéristiques sont considérées comme des circonstances aggravantes de la troisième.

Quel est l’objectif des activistes antisectes vis-à-vis de la Scientologie et des autres « sectes » ?

Un des objectifs des activistes antisectes est probablement d’obtenir la dissolution de la Scientologie en France, même s’ils sont conscients de la difficulté (lire les propos de Jean-Michel Roulet dans L’Express). Cette dissolution est d’ailleurs évoquée dans la plupart des éditoriaux qui commentent l’affaire judiciaire en cours (Le Point, Nouvel Obs).

La demande de dissolution d'un groupe de cette taille ne peut être faite à la légère ; la Scientologie semble néanmoins avoir le bon profil, de par son statut de secte « abominable », mais aussi parce que beaucoup lui contestent son caractère de groupe religieux. Il serait probablement très délicat pour ceux des activistes qui le souhaitent de demander la dissolution des Témoins de Jéhovah, par exemple, car la nature cultuelle de leur mouvement ne peut être mise en doute, de par ses racines bibliques sans doute (nature cultuelle à ne pas confondre, comme c'est très souvent le cas, avec le « statut juridique cultuel ») ; une telle demande serait vraisemblablement perçue comme une violation trop flagrante de l’esprit de la laïcité française qui est si peu respecté par ailleurs.

Il faut bien noter que la Scientologie (plus quelques autres mouvements ciblés fréquemment) joue le rôle de l’arbre cachant la forêt que les missions interministérielles et associations antisectes rêvent d’abattre. A la question : « Que pensez-vous de l'ordonnance de renvoi de deux entités de la Scientologie en correctionnelle ? », le député Jean-Pierre Brard répond : « Enfin ! C'est une bonne nouvelle. Enfin les magistrats se servent des moyens juridiques que nous leur avons mis à disposition pour agir contre les sectes » (JDD).

Comment lutter contre des groupes dangereux ?

Dans un État de droit, le trouble à l’ordre public est sanctionné au travers des décisions de justice. Ces décisions devraient en principe suffire pour évaluer la dangerosité d’un groupe. C’est la position maintenue par Didier Leschi (ancien chef du Bureau des Cultes) lors de son audition à la commission d’enquête parlementaire « L’enfance volée » : « Au Bureau central des Cultes nous pensons qu'il faut aborder les problématiques d'ordre public avec la plus grande rigueur et privilégier les faits plutôt que la rumeur ou la parole douloureuse d'anciens fidèles en rupture, dès lors que sont mises en cause des personnes et leur dignité. Tous les courants cultuels sont susceptibles de connaître des dérives sectaires. Seul l'examen des faits légitime la notion de vigilance, sans quoi on risque fort de s'écarter de l'impartialité laïque au profit d'un clivage entre religion reconnue/religion stigmatisée ».

Des moyens législatifs contestables pour lutter contre les « sectes »

Le terme « secte » est aujourd’hui définitivement péjoratif (la Justice ne le considérant pas comme diffamatoire malgré cette modification de sens). Justifier d’une manière ou d’une autre l’appellation de secte pour un mouvement, comme le propose l’ADFI, est incompatible avec les règles d’un Etat de droit. Quant aux dérives sectaires (initialement l’apanage des minorités spirituelles), elles avaient été définies à l’aide de dix critères dont il a été montré qu’ils pouvaient s’appliquer à n’importe quel groupe humain. Parce qu’il s’agit d’une logique floue et que la notion de « secte » s’est étendue à d’autres secteurs de la société, ces critères ont évolué aléatoirement. Le lecteur intéressé pourra consulter la nouvelle version de l’ADFI ou celle, différente, de la MIVILUDES qui se termine par la mention « etc. » !

Le souhait de disposer d’un outil facilitant la condamnation et la dissolution des sectes est un résultat des travaux de la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes) ; ces travaux repris par les parlementaires ont abouti à la loi About-Picard : Loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales et dont l'article 1 précise :  « Peut être prononcée, selon les modalités prévues par le présent article, la dissolution de toute personne morale, quelle qu'en soit la forme juridique ou l'objet, qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, lorsqu'ont été prononcées, contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, des condamnations pénales définitives ».

Cette loi a été élaborée spécifiquement pour dissoudre les minorités spirituelles qualifiées de sectes, même si la formulation du texte final cible tout mouvement dit « sectaire ». Le lecteur peut se reporter à l’article de Patrice Rolland (CNRS-EPHE) pour une analyse de la genèse de la loi et à l’article de Maître Pérollier pour une analyse du texte de la loi.

La première version de la loi était tellement excessive qu’elle a été remaniée de façon importante et par contrecoup a conduit à la dissolution de la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes), remplacée en 2002 par la MIVILUDES (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires). Ce fut donc le passage de la « lutte contre les sectes » à la « lutte contre les dérives sectaires », une précaution de langage ignorée par tous les activistes antisectes (voir les propos de M. Brard ci-dessus). La MIVILUDES y a fait illusion quelque temps mais, rapidement, son action, en particulier sous l’impulsion de son dernier président Jean-Michel Roulet, est devenu similaire à celle de la MILS. (Voir nos commentaires des rapports de la MIVILUDES)

Il n’est pas inutile de rappeler que Jean-Michel Roulet, dont le mandat s'arrête en octobre 2008, s'était donné comme objectif de contentement de faire 2 ou 3 procès marquants (source : http://www.cicns.net/france-discrimination-35.htm). La loi About-Picard manquant terriblement de jurisprudence pour la rendre effective (la seule jurisprudence existante étant celle obtenue avec l’affaire du Néophare), il est clair que son application à l’encontre de la Scientologie lui donnerait une nouvelle jeunesse et serait un grand motif de contentement pour Monsieur Roulet. « En 2002, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adopta une résolution (1309) critiquant la loi et invitant le gouvernement français à la reconsidérer. Les avocats des droits de l'homme surnommèrent la loi un délit d'opinion » (Cesnur).

La boulimie de quelques parlementaires pour disposer d’une législation spécifique à l’encontre des sectes n’a pas commencé et ne s’est pas arrêtée à la loi About-Picard. Au cours des trois enquêtes parlementaires sur le thème des sectes (1995, 1998, 2006), les députés ont demandé systématiquement des adaptations de la loi. Lors de la commission d’enquête parlementaire « L’enfance volée », Georges Fenech (président de la commission) a même évoqué une modification de la notion d’ordre public (voir l’audition de M. Machelon). Dernièrement François Fillon (Premier Ministre) a confié à ce même Georges Fenech une mission d'évaluation des "dispositifs judiciaires conçus pour lutter plus efficacement contre les dérives sectaires" (La Croix).

Les moyens détournés pour lutter contre les « sectes »

Nous reconnaissons à l’exécutif et aux parlementaires le droit et même le devoir de s’interroger sur les faits de société importants. L’émergence de nouvelles formes de spiritualité en est un. Mais lorsque ce sujet est amputé pour ne l’aborder que sous l’angle de la dangerosité, que des listes de proscription sont publiées, que le contradictoire n’est jamais respecté, que toute démarche de connaissance est bannie, notamment en rejetant l'expertise universitaire, il convient de s’interroger sur la légitimité de ces actions.

L’attitude des parlementaires et des missions interministérielles a eu un effet désastreux sur le public et sur la qualité du débat de société qui s’est développé en parallèle.

Dans un pays démocratique, où l'expression est libre, il devrait être possible de dialoguer de façon constructive sur n’importe quel sujet. La critique envers un groupe donné, par exemple, peut être sévère si tant est que le contradictoire est respecté (toutes les parties ayant le droit de s’exprimer avec équité) et si la présomption d’innocence est préservée (pas de diffamation, d’accusations gratuites). Une information équilibrée à travers des reportages bien documentés pourrait avoir un effet pédagogique constructif.

Sur le thème des sectes, force est de constater que ces principes déontologiques fondamentaux sont allègrement et systématiquement bafoués par les principaux médias. Le débat est rarement équilibré et la diffamation une pratique courante (voir nos commentaires de débats télévisés et radiophoniques), sans compter l’ignorance complète du sujet dont font preuve la plupart des journalistes qui privilégient le fonctionnement par caméra cachée et les montages alarmistes.

Si la Scientologie représente un tel danger, pourquoi une véritable étude n'est-elle pas effectuée sur ce mouvement, financée par l’Etat, et permettant à une expertise pluraliste de donner un avis éclairé ? Au lieu de cela, les seuls témoignages mis en exergue sont ceux des apostats, comme c’est le cas du reste pour toutes les autres minorités spirituelles. Cette approche est partielle et partiale.

Un site Internet dont le webmaster « Bernie » est un apostat, critique la Scientologie mais propose également une critique de la sphère anti-scientologues. Sa démarche illustre les errements d’un débat qui s’est déplacé aux extrêmes.

En adoptant cette même position extrême, les pouvoirs publics français ont encouragé une attitude fermée à l'égard des minorités spirituelles, attitude qu’ils utilisent en retour pour justifier la leur. Dans le même ordre d’idée, les médias se lamentent de ne pas être accueillis à bras ouverts dans ces groupes alors qu’ils les discréditent sans discernement depuis plus de 25 ans.

Quelles sont les accusations portées contre la Scientologie  ?

Il ne s’agit pas pour nous d’être exhaustifs, les critiques disponibles sur les sites anti-Scientologie étant pléthoriques, mais de synthétiser les principales accusations. Notre source d’information est l’Internet.

Dans le commentaire de ces accusations générales, nous ne nous prononçons pas sur des cas particuliers qui ont conduit ou pourraient conduire à une action en justice.

La scientologie tue, séquestre, etc…

Un certain nombre de propos allèguent que la Scientologie tue, séquestre etc... Si tel était le cas, il ne fait pas de doute qu’un nombre significatif de condamnations auraient été prononcées en cours de justice. Est-ce le cas ? Les condamnations de scientologues et de la Scientologie en France sont listées dans la section suivante.

La manipulation mentale

La manipulation mentale, appelée aussi « lavage de cerveau », est dénommée dorénavant « emprise mentale » par la MIVILUDES qui l’associe à toute dérive sectaire. Bien que les travaux les plus complets sur le sujet aient conclu que les méthodes de « marketing » ou de « persuasion » employées au sein de certains groupes spirituels n’étaient pas différentes de celles utilisées dans le reste de la société, la MIVILUDES persiste à pousser des théories pseudo scientifiques sur la notion de manipulation mentale. Cette volonté est cohérente avec sa vision du monde sectaire : il y a d’un côté les victimes des sectes qui ont réussi à échapper à l’emprise de leur gourou ou de leur groupe et de l’autre les adeptes prétendument consentants qui ne réalisent pas les abus dont ils sont l'objet. Cette déresponsabilisation de l’individu (de surcroît au nom de la liberté de conscience) qui ne serait plus responsable de ses choix, qu’il soit satisfait ou qu’il soit déçu et constate s’être trompé, est caractéristique de la politique victimaire actuelle. Au minimum ces assertions nécessiteraient d’être étayées par de solides études contradictoires, ce qui n’est pas le cas ni pour la Scientologie ni pour aucun autre groupe à notre connaissance. Le seul témoignage des apostats ne peut en aucun cas être la base d’une conclusion globale.

Chacun peut critiquer s’il le souhaite le prosélytisme de certains groupes en rapport avec sa propre vision de ce que doit être une démarche spirituelle, mais il n’y a aucune justification à les stigmatiser. S’il s’agit d’étudier les tentatives de persuasions abusives ou l’endoctrinement dans notre société, se contenter d’étudier les « sectes » est une façon de détourner l’attention de foyers bien plus criants.

La Scientologie n’est pas une religion mais une entreprise purement commerciale

La Scientologie usurperait son titre de religion (de culte) pour masquer une entreprise purement commerciale.

Il est indéniable qu’il s’agit d’un groupe florissant soignant son marketing avec le soutien de plusieurs stars du show business et affichant sans détour sa réussite financière. Cet affichage est en général mal vu. Nathalie Luca précise dans Le Monde : «  La France est hostile au fait qu'un groupe fasse payer ses services dits religieux ».

Chacun est libre d’apprécier et de critiquer le business associé à des services de développement personnel en fonction de sa propre échelle de valeurs. « Faire de l’argent » n’est cependant pas un crime dans une société qui glorifie, au plus haut point et avec si peu de moralité, le profit sous toutes ses formes.

Si l’on s’intéresse au compte en banque de la Scientologie, pourquoi ne s'intéresse-t-on pas à celui des cultes « reconnus » ?

Le charlatanisme

Cette accusation consiste à dire que la doctrine scientologue n’a aucune valeur (l’utilisation de l’électromètre, les techniques d’audit, la théorie de science fiction de Xenu, etc…) et que, de plus, les prestations sont vendues à prix d’or en utilisant une pression commerciale excessive. Les adeptes seraient donc abusés et floués.

Il ne nous appartient pas de porter une appréciation sur la doctrine scientologue. Nous constatons cependant que même d’anciens adeptes critiques (en Anglais) reconnaissent certains résultats positifs dans leur vie. Là encore le seul témoignage des apostats ne peut être l’étalon du jugement. L’accusation de charlatanisme prend bien entendu un poids particulier si on lui ajoute (ce qui est le cas implicitement) la notion de manipulation mentale que nous avons commentée précédemment.

Cette accusation recouvre également dans le public le rejet de ce qui est différent, inhabituel. Raphaël Liogier le décrit comme un conflit d’esthétique, un jugement de goût à l’égard de pratiques considérées comme bizarres, farfelues ou délirantes.

Dire que les prix sont exorbitants est l’affirmation que la valeur du service rendu n’est pas en rapport avec son prix. A première vue, les prix peuvent sembler effectivement élevés mais c’est une appréciation subjective qui mériterait une étude statistique sur un ensemble de scientologues : membres actifs, apostats, anciens adeptes. Cette statistique est-elle disponible ?

Concernant la pression commerciale en interne, elle semble en effet être un élément du cursus scientologue. Cette pression fait partie d’un ensemble de règles de fonctionnement qui apparaissent trop strictes à certains (voir le commentaire suivant).

La séparation du milieu social

Les règles de vie d’un scientologue sont jugées trop sévères voire abusives, avec le risque d’une coupure de son milieu social si ce milieu n’est pas favorable à la Scientologie ou dans le cas d’une rupture avec le milieu scientologue.

Nous ne prendrons pas partie sur le bien-fondé ou non de ces règles. Nous ne mettons pas non plus en doute la difficulté qu’ont pu éprouver certains adeptes à suivre ces règles et éventuellement à subir les conséquences d’une rupture avec leur milieu social (Un témoignage en Anglais). Cependant, nous invitons le lecteur à comparer ces règles avec celles des moines dans certains monastères, avec celles de certains sportifs de haut niveau, de militants politiques dédiés etc. Le choix d’adopter des règles de vie particulières, mêmes dures, est un choix personnel. Ce choix implique aussi la possibilité de constater après coup que l’on s’est trompé.

La question n’est donc pas : les règles de vie d’un scientologue sont-elles trop dures ou pas (dans la mesure où elles respectent la loi) ? Mais : les personnes exercent-elles un libre choix ? Si des doutes sérieux existent chez certains responsables politiques, pourquoi n'effectuent-ils pas une enquête auprès de scientologues et anciens adeptes (nous écartons bien évidemment la théorie irrecevable qui consiste à dire que ceux qui exprimeraient leur libre arbitre seraient inconscients de la manipulation dont ils sont l’objet) ? Certains pourraient répondre que la Scientologie est de toute façon une organisation trop fermée et qu’on ne peut savoir tout ce qui s’y passe. Il se trouve que la controverse vis-à-vis de ce mouvement est tellement intense que pratiquement tout, le concernant, a été publié sur Internet.

L’infiltration des sphères de pouvoir

« Infiltration » signifie « lobbying » pour un groupe considéré comme « dangereux ». Y a-t-il lobbying de la Scientologie auprès des sphères de pouvoir ? Probablement, de même qu’il y a un lobbying de l’Église catholique, des communautés juives, musulmanes, bouddhistes, de la franc-maçonnerie. Le lobbying fait partie de l’agenda de tout groupe d’une certaine taille dans notre société.

On en revient donc à la question : la Scientologie est-elle un groupe dangereux ?

L’acharnement judiciaire

Cette accusation concerne de manière générale toutes les minorités spirituelles. Il est certain que la Scientologie a développé une expertise judiciaire et qu’elle l’utilise, peut-être abusivement dans certains cas. Il est possible également que le climat anti-Scientologie affermisse une volonté de rendre coup pour coup dans un groupe où la notion de réussite est centrale. Néanmoins, face aux campagnes de calomnies qui accablent ces groupes depuis une trentaine d’années, le recours à la justice est le seul moyen de défense, puisque le débat public est totalement biaisé. La MIVILUDES et tous les activistes antisectes aimeraient assurément pouvoir publier impunément des accusations sans preuves. Qu’ils se rassurent, cette impunité est le cas pour la plupart des groupes qui n’ont pas les ressources d’un recours en justice. Certains au contraire, parce qu’ils le peuvent, ont choisi de se défendre.

Décisions de justice contre la Scientologie et/ou des scientologues français

Nous avons obtenu ces informations par une recherche sur Internet :

1978 : Lafayette Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie , décédé en 1986, est condamné par défaut par le tribunal de Paris à quatre ans d'emprisonnement et 35.000 francs d'amende pour escroquerie. (Source AFP dans Le Point)

3 février 1995 : La Cour d’Appel de Paris, 3ème chambre, confirme le redressement judiciaire de l’Association Eglise de Scientologie. Ce redressement conduira à une liquidation judiciaire (source).

18 décembre 1996 : Tribunal de Grande Instance de Lille, 7e Chambre, Jugement correctionnel n° 96-10728, parquet 92-070 : Une scientologue est condamnée à une amende de 100.000 Francs pour Infraction à la loi relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés (source).

28 juillet 1997 : la Cour d'Appel de Lyon condamne l'ancien président de la Scientologie à Lyon à trois ans d'emprisonnement avec sursis et 500.000 francs d'amende pour homicide involontaire et escroquerie, pour sa responsabilité dans le suicide d'un adepte. Huit mois à un an d'emprisonnement avec sursis et 10.000 à 20.000 francs d'amende sont infligés à cinq autres adeptes, mais neuf autres, poursuivis pour complicité, sont relaxés. (Source AFP dans Le Point)

4 septembre 1998 : Greffe du Tribunal de Grande Instance de PARIS - 17° CH - N° d'affaire : 9632404373 : Un scientologue est condamné à une amende de 15.000 Francs pour Infraction à la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (source)

15 novembre 1999 : cinq membres ou ex-membres sont condamnés pour escroquerie à Marseille, pour avoir usé de méthodes frauduleuses entre 1987 et 1990 à Marseille et à Nice afin de recruter de nouveaux adeptes. Un ancien cadre régional est condamné pour escroquerie à 2 ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis et 100.000 francs d'amende. Quatre autres scientologues sont condamnés à des peines de prison avec sursis de six mois à un an. (Source AFP dans Le Point)

17 mai 2002 : Tribunal de Grande Instance de Paris - 13ème chambre - N ° d'affaire : 9909023622 : L’association spirituelle de l’Eglise de Scientologie IdF et un scientologue sont condamnés à une amende de 14.500 euros pour Infraction à la loi relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés (source).

13 octobre 2003 : la Cour d'Appel de Paris condamne l'association spirituelle de l'Église de Scientologie d'Île-de-France (Asesif) à 5.000 euros d'amende avec sursis pour avoir conservé des fichiers informatiques sur d'anciens membres de la secte. Elle inflige la même peine au président de l'association Marc Walter pour violation de la loi informatique et libertés et entrave aux fonctions des agents de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). (Source AFP dans Le Point)

Eléments de conclusion

Le lecteur l’aura compris, il ne s’agit pas dans cet article de défendre la Scientologie en tant que mouvement particulier, mais d’inviter, à partir de cet exemple emblématique, au rétablissement de conditions d’étude dépassionnée des minorités spirituelles.

Au vu des condamnations actuelles et des informations disponibles et relatives aux principales accusations portées contre la Scientologie , peut-on raisonnablement conclure que la Scientologie en France est un groupe dangereux dont la dissolution doit être envisagée ? Il nous semble que non ; il serait nécessaire de disposer d’une enquête sociologique indépendante sur ce mouvement aboutissant au résultat inverse pour modifier cette appréciation.

La justice suivra son cours sur cette récente accusation « d’escroquerie en bande organisée ». Si une décision de justice devait aboutir à la dissolution des associations citées dans l’article du Monde, sur la base de la loi About-Picard, nous émettrions de légitimes interrogations sur la gravité cumulée des différentes décisions de justice à l’encontre de ces associations et sur les sources d’informations « sérieuses » sociologiques, anthropologiques et autres, qui auraient permis d’aboutir à la dangerosité définitive de ces structures pour tous leurs adeptes et pour la société.

Une telle décision ne serait d’ailleurs pas sans risque ; puisqu’il a été constaté que ces associations étaient familières des procédures judiciaires, il est probable qu’elles iront jusqu’en Cour Européenne. Ce serait prendre un nouveau risque d’annulation cinglante de la décision de justice française (l’autre affaire emblématique étant le contentieux fiscal entre les Témoins de Jéhovah et l’Etat français qui pourrait, à moins d’un accord à l’amiable, aboutir à une autre condamnation de la France).

Lorsqu’une société diabolise des groupes ou des personnes, elle quitte le champ démocratique puisque le dialogue est remplacé par la haine. Le Droit doit pouvoir s’appliquer sans lynchage préalable, abusivement justifié au nom de la laïcité, de la défense des droits de l’homme ou autres grands principes désormais si souvent galvaudés.

La lutte antisecte française est une mauvaise réponse à une question mal posée. Il est d’autant plus urgent de recréer un cadre serein de réflexion que la chasse aux sectes et aux dérives sectaires envahit tout le tissu social (voir nos précédents communiqués).

Nous préconisons la création d’un observatoire indépendant des minorités spirituelles. Cet observatoire piloté par des universitaires et des professionnels reconnus aurait pour mission de constituer une base de connaissance juridique et sociologique sur les minorités spirituelles. Sortir de la politique de peur actuelle et proposer une information fiable, résultat d’enquêtes croisées et pluralistes, est le meilleur moyen de comprendre et faire comprendre la place des minorités spirituelles dans la société française et de prévenir d’éventuelles dérives.

Voir nos commentaires sur les développements de l’affaire judiciaire en cours.

Argumentaire

Fréquemment, lorsque nous exposons notre point de vue sur la question des sectes, notre interlocuteur finit par répondre : « oui, mais la Scientologie ! ». Nous invitons le lecteur intéressé à consulter notre réponse argumentée à ce type de remarque, également fréquente dans les milieux spirituels.  

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