Myriam Sormanni-Lonfat, députée socialiste au Grand Conseil genevois, s'exprime à propos de la corruption du milieu politique

Quand j'ai siégé au Grand Conseil, dès le début, j'ai été muselée. On m'a dit : " Il ne faut pas que tu parles ! "

Je l'ai supporté pendant trois mois. Au bout de trois mois, j'ai décidé de m'exprimer.

Il est vrai que je n'ai pas des idées tout à fait conformistes. Mais, moi, je me bouge. Je suis allée voir les SDF, à la Coulou (1). J'y ai passé un très bon après-midi. J'étais la seule députée.

1. Lieu d'accueil pour les sans abri, à Genève

Il est vrai que, malgré l'étiquette " socialiste ", malgré les grands discours, c'est " faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ".

Le 14 avril 2000, pendant une séance du Grand Conseil, je suis intervenue à propos des minorités religieuses. Le débat portait sur la création d'un " observatoire sur les sectes ". Comme d'habitude, sur cent députés, à peine une demi-douzaine connaissent le sujet et les autres votent comme des marionnettes. C'est d'autant plus dommage quand ils prennent des décisions lourdes de conséquences pour les gens. J'ai demandé que, dans cet observatoire, on intègre quelqu'un comme le pasteur Jean-Claude Basset, qui s'occupe de contacts entre religions minoritaires. C'était une demande de reconnaissance et de respect des minorités religieuses.

J'ai notamment dit qu'on pouvait comparer les grandes religions avec les drogues légales et les religions minoritaires avec les drogues illégales.

Le soir même, dix-neuf députés socialistes ont demandé mon exclusion à la section ville de Genève du parti, ce qui revenait à m'exclure du parti… Ensuite, le bureau du parti a suivi et a demandé mon exclusion.

Pourtant, l'article 69 de la loi sur le règlement du Grand Conseil dit qu'un député ne peut pas être attaqué à cause de ce qu'il dit dans l'hémicycle. On voit que cet article n'est pas respecté, puisque j'ai été pénalisée à la suite de ma déclaration sur les minorités religieuses.

Par ailleurs, l'article 23 dit qu'on ne peut pas donner à un député une consigne de vote impérative. C'est-à-dire que le parti n'a pas le droit d'exiger qu'un élu vote comme une marionnette.

On constate que cette loi n'est pas respectée.

En mai, on m'a convoqué, pour me présenter une " lettre de démission " du Grand Conseil rédigée à ma place. J'ai refusé de la signer.

Le lendemain, ils ont écrit à la Sautier du Grand Conseil, pour m'interdire de siéger dans les commissions dont j'étais membre. A partir du 16 mai, je n'ai plus pu siéger dans les commissions. C'est la première fois qu'une telle chose s'est produite, dans les annales de la république !

Dès lors, j'ai été traitée, par le parti socialiste, comme une députée indépendante. Par contre, le parti continuait d'encaisser 60 % de mes jetons de présence parlementaires…

C'est-à-dire que je ne participais plus à l'essentiel des travaux d'une députée. J'estime qu'il n'est pas normal qu'un parti politique empêche un élu de faire son travail. Personnellement, je considère que la volonté du peuple a été bafouée. "

-" L'une des caractéristiques du milieu politico-syndical " de gauche " ne réside-t-elle pas précisément dans ce terrorisme intellectuel visant à faire un crime de toute opinion dissidente ou de la moindre critique exprimée publiquement ? "

-" Tout à fait.

D'ailleurs, le président du parti socialiste genevois a déclaré que les membres ne peuvent pas afficher des opinions contraires à la philosophie du parti -laquelle est décrétée par les apparatchiks. Effectivement, ça ressemble davantage à une dictature qu'à un pouvoir socialiste.

Tout se fait " à la tête du client ". Les uns peuvent se permettre n'importe quoi et les autres n'ont que le droit de s'écraser.

Adelita Genoud, une journaliste de la Tribune de Genève, a publié toute une série d'articles à propos de mes démêlées avec la mafia du parti socialiste genevois. Le dossier lui a été retiré, et il a été transmis au chroniqueur politique Alain Dupraz. Celui-ci s'est alors efforcé de me dépeindre comme une personne " hargneuse ". Je considère, pourtant, que je n'ai rien à me reprocher et que je n'ai fait que dire la vérité et me défendre contre le mobbing dont j'étais victime.

J'ai organisé une conférence de presse. Aucun journaliste n'est venu.

A la rédaction du Courrier, on vit grâce à la gauche genevoise. Ce ne sont pas eux qui allaient prendre ma défense. "

-" Vous constatez donc une connivence entre les chroniqueurs politiques et les politiciens, pour dissimuler les informations gênantes à propos du milieu politique ? "

-" Oui. Tout à fait. "

-" Quel est votre sentiment, après tant d'années d'activités politiques, en constatant le peu de cas que fait le parti socialiste de votre engagement ? "

-" Je suis assez écoeurée.

Il faudrait que la situation change, que les gens soient capables de s'analyser, qu'il y ait une certaine tolérance à la différence.

J'estime que les magouilles vont trop loin et j'ai décidé de les dénoncer. "

Source : http://www.interet-general.info/

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