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"Sectes, un autre regard"  

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Commentaire de la circulaire "Raffarin"

relative à la lutte contre les dérives sectaires

 

 

Par Emile Dalbret du CICNS

 

 

La circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires de Jean-Pierre Raffarin a été perçue par certains dans les milieux spirituels comme un espoir, un signe de la bonne volonté du gouvernement pour le rétablissement d’une certaine équité dans le traitement des nouvelles spiritualités.

 

A lire cette circulaire, dont vous trouverez ci-dessous le texte intégral, nous nous demandons pourtant comment son annonce a pu être porteuse d’enthousiasme.

 

Ce document suffit à convaincre que la «politique de lutte contre le dérives sectaires»  n’est remise en cause que sur une question de forme mineure mais nullement dans ses perspectives, ses intentions et son intensité.

 

 

Commentaires en italique et en gras dans le texte

 


 

J.O n° 126 du 1 juin 2005 page 9751

texte n° 8

Décrets, arrêtés, circulaires

Textes généraux

Premier ministre

Circulaire du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires

 

NOR: PRMX0508471C

 

Paris, le 27 mai 2005.

 

Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat, Mesdames et

Messieurs les préfets,

 

En créant, par le décret du 28 novembre 2002 , la Mission interministérielle de vigilance et de

lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), le Gouvernement a entendu réorganiser

l'action préventive et répressive des services de l'Etat à l'encontre de ces agissements.

Après trente mois de fonctionnement de la MIVILUDES et à la suite du deuxième rapport

annuel qui m'a été remis par son président, je juge utile de tirer les enseignements et de fixer

les orientations qui suivent.

 

I. - Les principes de l'action menée par le Gouvernement

 

L'action menée par le Gouvernement est dictée par le souci de concilier la lutte contre les

agissements de certains groupes, qui exploitent la sujétion, physique ou psychologique, dans

laquelle se trouvent placés leurs membres, avec le respect des libertés publiques et du principe

de laïcité.

 

Il y a là exprimé, tout le paradoxe d’un état qui, tout en prétendant agir pour la sauvegarde de ses citoyens, se voit régulièrement confronté aux limites imposées par les textes fondamentaux de sa propre constitution.

 

L'expérience a montré qu'une démarche consistant, pour les pouvoirs publics, à qualifier de «

secte » tel ou tel groupement et à fonder leur action sur cette seule qualification ne permettrait

pas d'assurer efficacement cette conciliation et de fonder solidement en droit les initiatives

prises. Aussi a-t-il été décidé, plutôt que de mettre certains groupements à l'index, d'exercer une

vigilance particulière sur toute organisation qui paraît exercer une emprise dangereuse pour la liberté individuelle de ses membres afin d'être prêt à identifier et à réprimer tout agissement

susceptible de recevoir une qualification pénale ou, plus généralement, semblant contraire aux lois et règlements. Ce souci de sécurité juridique, loin d'affaiblir l'action menée, ne fait que mieux garantir son efficacité.

 

C’est, nous le pensons, un aveu sans précédent que le gouvernement français s’est livré dans le cadre de sa politique de lutte contre les dérives sectaires, à une « expérience » de « mise à l’index » en fondant son action sur la simple qualification de secte. Cet aveux qui nous parait extrêmement grave n’est en rien accompagné de la remise en question de fond à laquelle nous pourrions légitimement nous attendre. Nous pouvons lire dans ce paragraphe, non seulement, la détermination de persévérer dans cette politique, mais aussi l’intention de laisser régner dans cette action un flou entretenu par des termes que nous avons surlignés et qui laissent la porte ouverte à toutes les interprétations et à tous les abus. La remise en question de forme développée plus loin n’est d’ailleurs semble-t-il motivé que par un « souci de sécurité juridique ».

 

Il est clair, toutefois, qu'une telle démarche ne peut être pleinement efficace que si les

fonctionnaires et agents publics mènent, avec discernement, une véritable action de terrain :

- ils doivent s'attacher à rechercher et à identifier, dans leur périmètre d'attributions, toute

activité, quelle que soit sa forme, susceptible de revêtir un caractère « sectaire », parce qu'elle

place les personnes qui y participent dans une situation de sujétion ou d'emprise et tire parti de

cette dépendance ;

 

Ainsi, les groupements ne seront plus des sectes, mais des activités à caractère sectaire.

Dont la définition ici donnée pourrait encore une fois être attribuée à tous types d’activités humaines. Une association de supporters, un parti politique, comme un club de foot ou une entreprise, place ses membres ou ses employés dans une situation de dépendance dont ils profitent. Puisque effectivement, et comme dans les milieux spirituels, les gens s’y réunissent souvent par communion d’intérêt, de conviction ou de foi afin de faire grandir ceux-ci.

 

- cette activité doit alors être suivie avec une extrême vigilance de manière à prévenir tout

agissement répréhensible et, s'il se produit, à engager sans délai l'action répressive.

Cette vigilance doit s'exercer en tenant compte de l'évolution du phénomène sectaire, qui rend

la liste de mouvements annexée au rapport parlementaire de 1995 de moins en moins

pertinente. On constate en effet la formation de petites structures, diffuses, mouvantes et

moins aisément identifiables, qui tirent en particulier parti des possibilités de diffusion

offertes par l'Internet.

 

L’Etat s’attaque donc maintenant plus particulièrement aux « petits ». Il est vrai que certains grands groupes se sont révélés avoir des soutiens encombrants notamment auprès de l’UNESCO, de l’ONU, ou de certain grands Etats.

 

Cette vigilance est particulièrement cruciale à l'égard de certains groupes fondés sur une

conception totalitaire et pratiquant un fonctionnement occulte, dont les agissements peuvent

avoir des conséquences irréparables.

 

Cette phrase est typique d'une attitude visant à entretenir la peur d'un ennemi indéfini et anonyme, nerf d’une guerre qui trouve toujours de nouveaux combattants.

 

II. - Les modalités de l'action

 

L'action engagée doit être poursuivie grâce au dispositif, sans égal en Europe, mis en place

tant au niveau national que local.

 

1. L 'existence d'une mission interministérielle rattachée au Premier ministre permet la

cohérence de l'action de l'Etat en coordonnant l'activité des services.

 

Le comité exécutif de pilotage opérationnel, qui réunit les représentants des administrations

centrales les plus concernées, se réunit tous les deux mois.

Je demande que ce rythme soit maintenu et que la représentation des services soit assurée de façon régulière et au meilleur niveau de responsabilité.

Le dialogue confiant et fructueux qui s'est noué sous la responsabilité du président de la

MIVILUDES entre ce comité et le conseil d'orientation, qui réunit des personnalités

qualifiées, doit être approfondi.

 

Le conseil d’orientation réunit, entre autres mais en majorité, des représentants ou des proches de l’UNADFI et du CCMM, associations qui affichent un parti pris « anti-sectes », des députés qui réitèrent régulièrement et publiquement des voeux guerriers à l’encontre des minorités spirituelles et donc, un consensus qui ne semble pas laisser place à une remise en cause de la croyance en un danger pernicieux et grave dans les nouvelles expressions de la spiritualité.

 

2. La même cohérence a été recherchée au niveau local avec l'institution, par une circulaire du

ministre de l'intérieur, de « cellules de vigilance départementales » placées sous l'autorité des

préfets.

 

Les missions de ces cellules seront transférées par décret en Conseil d'Etat, dans le cadre de la

simplification des commissions déconcentrées, à un nouveau conseil compétent en matière de

prévention de la délinquance, de lutte contre la drogue, contre les dérives sectaires et d'aide

aux victimes.

 

Les préfets mettront en place au sein de chaque conseil un groupe de travail chargé de suivre

spécifiquement les questions relatives à la lutte contre les dérives sectaires.

 

3. Certains ministères ont désigné des correspondants ou chargés de mission spécialisés. Je

souhaite que chaque ministre se dote d'un tel responsable, à un niveau adéquat (cabinet,

direction des affaires juridiques ou direction stratégique) avec des capacités de coordination et

d'animation reconnues.

 

4. Les correspondants régionaux de la MIVILUDES désignés par les préfets de région ont

reçu une mission générale de formation et d'information. Cette mission doit être confortée et

élargie. Je souhaite en particulier que soit élaboré, au niveau régional, un document de

synthèse permettant de suivre les évolutions, et que soit organisé, avec l'aide notamment du «

Guide de l'agent public », un programme de formation interservices sur les dérives sectaires.

 

5. Les services compétents de police et de gendarmerie, ainsi que l'autorité judiciaire,

constitueront des recueils de données actualisées, portant notamment sur le nombre et la

nature des signalements, des plaintes, des enquêtes ou des condamnations en rapport avec des

dérives sectaires.

 

6. Chaque département ministériel dressera un bilan annuel de ses actions pouvant figurer, en

tout ou partie, dans le rapport du président de la MIVILUDES. Ce bilan devra porter sur les

activités poursuivies, les actions de formation entreprises et les résultats obtenus au niveau

local comme au niveau national. Le cas des enfants et des adolescents devra faire l'objet d'une

attention particulière de façon à assurer la protection qui leur est due.

 

Décidément, l’affaire est sérieuse, elle mobilise préfets, ministères et fonctionnaires dans une lutte qui est effectivement unique en Europe et qui laisse pantois bien des gouvernements européens qui ne voient en l’émergence des nouveaux mouvements spirituels nulle matière à inquiétude ou vigilance particulière.

 

7. Les réponses aux questions écrites des parlementaires portant sur les problèmes liés au

phénomène sectaire - plusieurs dizaines par an - doivent faire l'objet de toute votre attention.

Compte tenu de la sensibilité du sujet, je vous demande de solliciter systématiquement l'avis

de la MIVILUDES avant toute réponse.

 

Notre observation des questions écrites et orales de l’assemblée nationale révèle que la moitié des interventions en question ont pour auteur des députés membres du conseil d’orientation de la MIVILUDES et qu'aucune d’entre elles ne remet en question la politique du gouvernement. Il s’agit donc là encore d’un soutien exprimé à une politique plus extrémiste.

 

8. Enfin, un certain nombre d'instructions ministérielles données par vos prédécesseurs

doivent être actualisées en fonction des orientations définies par la présente circulaire. Je vous

demande de procéder à cet examen en lien avec la MIVILUDES. En tout état de cause, les

références aux organismes comme l'Observatoire des sectes ou la Mission interministérielle

de lutte contre les sectes (MILS) devront être remplacées par des références au décret

instituant la MIVILUDES, et le recours à des listes de groupements sera évité au profit de

l'utilisation de faisceaux de critères. Je vous demande de procéder à cette mise à jour au plus

tard pour le 31 décembre 2005 .

 

Jean-Pierre Raffarin

 

Ce dernier point qui a semble t-il suscité quelques espoirs d’ouverture, n’est, au regard de ce qui le précède qu’une mise au point « marketing » sur une entreprise dont la nature et le fond restent inchangés.

 

Il est plus que jamais d’actualité de se rassembler pour soutenir l’action du CICNS, et notamment son projet de la première  enquête sérieuse sur la liberté spirituelle en France, enquête que le gouvernement ne semble décidément pas prêt à envisager.