Correspondance entre le CICNS et le gouvernement

Lettre adressée à M. Nicolas Sarkozy à la suite de son élection à la Présidence de la République Française

A l'attention de Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République Française
Palais de l'Elysée
55 rue du Faubourg Saint Honoré
75008 - PARIS

Montpezat de Quercy, le 16 mai 2007

Objet : Félicitations et questions essentielles

Réf : cicns/PRNS/n°1

Monsieur le Président,

Le CICNS et toute son équipe vous félicitent pour votre élection à la présidence de la République française.

Vous vous êtes exprimé après l'annonce des résultats : " Nous allons écrire une nouvelle page de la France, une page qui sera grande et belle (...) [j'agirai] dans un esprit d'union et de fraternité, sans que personne ne se sente exclu, pour que chacun se sente reconnu (...) ".

Notre action montre que de nombreuses personnes qui ont fait un choix alternatif spirituel, de santé, de vie, tout en respectant les lois de la République, sont exclues du champ social. On utilise sans discernement à leur encontre le terme devenu infâmant de " secte ".

Les " contraintes " de la campagne électorale ne vous ont sans doute pas permis de répondre à nos différents courriers évoquant la place des nouvelles spiritualités en France. Il nous semble néanmoins indispensable de rééquilibrer un débat qui n'existe plus et retourne la société française contre une partie d'elle-même.

Nous espérons que vous voudrez bien ajouter cette question à vos dossiers prioritaires pendant votre mandat et joignons à ce courrier un texte proposé à nos lecteurs internautes dans notre dernière lettre d'information ; ce texte replace la question de la liberté spirituelle dans le cadre plus large des choix de société évoqués lors de votre campagne.

Nous vous remercions de l'attention que vous aurez bien voulu porter à ce courrier et vous prions de croire, Monsieur le Président, en l'assurance de notre haute considération.

Pour le CICNS, le Président
Eric Bouzou


Une nouvelle Ère ?

par André Tarassi (sur http://www.cicns.net/Nouvelle_Ere.htm)

C'est fait, la France s'est, bon gré mal gré, choisi un nouveau président et Nicolas Sarkozy s'est probablement réveillé ce matin avec le sentiment d'une satisfaction mêlée d'appréhension. Ses efforts pour accéder à la fonction suprême ont été finalement récompensés et plus de la moitié du pays la lui a servie sur un plateau.

Pour les Français, ce matin, rien n'a changé. Certains veulent encore croire à une révolution dans les domaines qui leur tiennent à cœur mais beaucoup savent déjà que la transition sera surtout visible pour le Président.

Après s'être passionnés par ce duel au sommet, comme s'ils étaient concernés par l'ambition des deux gladiateurs, les Français vont retrouver la structure inaliénable de leur quotidien, dégrisés sans doute, comme ils le sont à chaque fois, par le souvenir que les envolées lyriques des campagnes sont surtout portées par l'espoir de " devenir quelqu'un " plutôt que de " servir le pays ".

Nicolas Sarkozy est donc devenu quelqu'un. Le monde entier s'intéresse à lui et les commentaires internationaux font une sarabande qui doit lui donner le vertige.

Si nous comprenons bien que l'extase du pouvoir fait partie du jeu et si nous voulons bien placer notre confiance dans le potentiel de ce jeune Président, nous aimerions cependant l'interpeller le plus rapidement possible sur le " service au pays ".

Il y a des questions essentielles qui n'ont pas ou peu été évoquées pendant la campagne et sur lesquelles nous aimerions attirer son attention.

M. Sarkozy souhaite que les Français travaillent plus pour gagner plus

Cette formule veut dire que le pouvoir d'achat, le désir de consommer et le travail qui en est le corollaire sont les facteurs d'une société tenue par la bride, sans débordement et qui permet aux puissants (ceux qui sont " devenus quelqu'un ") de gouverner tranquilles.

Nous avons une autre perception de la société et nous ne saurions cautionner cette orientation comme une valeur saine. Travailler à tout prix ne devrait pas être une cause principale dans une société et le fait qu'une bonne partie du peuple chante le même refrain est assez inquiétant quant à la manipulation collective que cela implique.

Une civilisation peut certainement encourager ses populations à " servir le pays ", à trouver leur vocation et à favoriser l'entraide, mais ne devrait pas ériger " le travail à tout prix " (c'est-à-dire n'importe lequel pourvu qu'on en ait un) comme ligne directrice d'une existence.

Bien sûr, cette perception du service au pays exige un véritable renouveau ; une révolution. Mais nous avons cru comprendre, durant cette campagne que le candidat y aspirait autant que son peuple.

M. Sarkozy veut restaurer l'autorité et la sécurité

Une autorité saine et efficace veille à rester équilibrée. Elle ne s'exprime pas par emportement brusque. Elle s'appuie sur l'écoute, la concertation, et une compréhension non manichéenne des problèmes d'une société. Un gouvernement peut faire preuve d'autorité et même de fermeté mais celle-ci sera d'autant mieux acceptée par tous qu'elle puisera dans des valeurs humanistes, pour le moins, et spirituelles. Il ne s'agit pas d'observer le monde comme un champ de bataille mais comme un espace où faire triompher l'intelligence et l'amour.

M. Sarkozy veut une société plus morale

Qui va décider de ce qui est moral et de ce qui ne l'est pas dans les cinq prochaines années ? Quand nous voyons comment les minorités spirituelles en France ont été dans le passé condamnées sans discernement, le rouleau compresseur d'une Justice sous influence et de médias sans déontologie écrasant comme de la vermine des projets et des existences sans la moindre considération pour leur valeur et avec l'excuse d'une certaine morale, nous exhortons le nouveau dirigeant de notre pays à une révolution dans le domaine de la morale républicaine, qui devrait d'ailleurs gagner toutes les sphères du pouvoir. Il y a là une urgence qui n'a pas fait la une des campagnes mais qui nous semble beaucoup plus sérieuse et fondatrice.

Pour notre part, nous souhaitons que soient restaurés le respect de la différence, la tolérance et la place de nos démarches spirituelles dans cette société à naître.

Nous avons cru lire dans les propos de M. Sarkozy, ces dernières années, une aspiration qui ressemble à la nôtre. Il nous a semblé que son souhait de voir la religion et la spiritualité garder leur place dans l'existence de ses concitoyens était sincère et même courageux devant les critiques qu'il a suscitées.

Nous espérons plus que tout que la charge qui l'attend ne le lui fera pas oublier.

Le CICNS se présente en tous cas comme un partenaire et un relais pour cette question essentielle dans notre société. Toute l'équipe de notre association présente ses félicitations au nouveau Président de la République française et l'assure de son entier dévouement à mettre en œuvre les réformes évoquées ci-dessus.


Lettre à M. François Fillon, à la suite de son élection au poste de Premier Ministre du gouvernement de M. Sarkozy

M. François Fillon
Premier Ministre
Hôtel de Matignon - 72 rue de Varennes
75007 - PARIS

Montpezat de Quercy, mardi 22 mai 2007

Objet : Présentation du CICNS

Réf : cicns/FF/n°1

Copies : Mme Rachida Dati, Garde des Sceaux, Mme Michèle Alliot-Marie, Ministre de l'Intérieur

Monsieur le Premier Ministre,

Le CICNS est une association indépendante dont l'objet est d'équilibrer le débat sur la place des minorités spirituelles en France.

Depuis trois ans, notre travail de recherche sur les conditions d'existence des nouvelles formes d'expression spirituelle aboutit à un constat préoccupant sur l'état de la liberté spirituelle. Ce travail s'est fait en ouvrant une large tribune à celui des sociologues, des juristes et de divers acteurs sociaux qui prennent le recul nécessaire pour aborder ces questions. Nous allons également à la rencontre de ceux qui subissent des discriminations en raison de leurs choix spirituels. Nous vous invitons, si vous le souhaitez, à prendre connaissance de ces interviews et témoignages sur notre site : http://www.cicns.net/Video.htm.

Nous croyons que l'action publique menée jusqu'à aujourd'hui n'est pas respectueuse de l'esprit de la laïcité et du droit des personnes à exercer leur liberté de conscience. Cette action est justifiée en évoquant l'existence d'un fléau social et la nécessité de protéger les victimes. Aucune preuve n'a été fournie tant sociologique que juridique sur l'existence de ce prétendu fléau et l'attention portée aux victimes a été instrumentalisée ; citons Robert Badinter s'exprimant sur le statut de victime en général : "Il y a eu une dérive et une récupération de cette juste cause. On est passé de la légitime préoccupation de la condition des victimes à un activisme politique. Des associations d'aide se sont transformées en associations de défense de tel ou tel, à qui on donne un rôle équivalant à celui des parties civiles ou du ministère public dans le processus judiciaire, dans une compassion sélective". "La justice ne peut devenir un service d'assistance psychologique, une "justice de deuil".

Nous espérons que la mission qui vous a été confiée au sein du nouveau gouvernement saura prendre en compte les excès d'une lutte tous azimuts (trois commissions d'enquêtes parlementaires ne respectant pas le contradictoire, une action partiale de la MILS puis de la MIVILUDES) et rétablira les conditions d'un débat équilibré.

L'équipe du CICNS est à votre disposition pour contribuer à votre information sur ces questions. Nous serions très honorés de votre présence au colloque que nous organisons le dimanche 30 septembre 2007 intitulé "Sectes : fléau social ou bouc émissaire ?" dont vous trouverez l'annonce ci-jointe.

Nous vous remercions pour l'attention que vous aurez bien voulu porter à ce courrier et vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, en l'assurance de notre haute considération.

Pour le CICNS, le Président
Eric Bouzou

COLLOQUE : " SECTES : FLEAU SOCIAL OU BOUC EMISSAIRE ?

Le CICNS organise à Paris, le dimanche 30 septembre 2007 de 9h à 19h, un colloque intitulé : "Sectes : fléau social ou bouc émissaire ?".

Le mot "secte" fait peur en France. Il est utilisé dans ce but. Les pouvoirs publics et les médias le brandissent fréquemment pour alimenter une psychose : l'idée d'un fléau social. Tout discours alternatif est automatiquement discrédité et on accuse ses auteurs d'être "passés à l'ennemi".

Il est temps d'aborder la question de manière plus honnête. Le sens dévoyé du mot "secte", qui signifie aujourd'hui "groupe délinquant" dans le langage commun, permet-il un débat serein sur le phénomène d'émergence spirituelle de ces dernières années ? N'est-il pas porteur d'une intention d'intimidation et de discriminations récurrentes à l'encontre des nombreuses personnes honnêtes et sincères qui font un choix alternatif spirituel, de santé, de vie ?

Lors de cette journée, vous pourrez prendre connaissance des apports sociologiques comme juridiques et entendre des témoignages vivants qui, nous le pensons, contribueront à restaurer un débat équilibré et respectueux des droits des personnes.

Participeront à cette journée : Jean Baubérot : historien et sociologue, qui dirige la chaire sur la laïcité à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) ; Raphaël Liogier, professeur des universités à l'IEP d'Aix en Provence, qui enseigne la sociologie et l'anthropologie et dirige l'Observatoire du Religieux et le Master Religion et Société ; Me Olivier-Louis Séguy, enseignant et praticien du droit spécialisé dans les problématiques de la liberté de conscience.

Une table ronde, durant laquelle le public pourra intervenir, réunira également d'autres personnalités du monde universitaire et juridique, comme Anne Morelli, présidente adjointe du Centre Interdisciplinaire d'Etude des Religions et de la Laïcité à l'université libre de Bruxelles, Me Laurent Hincker, avocat au barreau de Strasbourg et professeur associé des universités et le pasteur Kounkou (d'autres en attente de leur confirmation). Nous vous invitons à consulter régulièrement la page : http://www.cicns.net/Colloque_Paris.htm pour vous informer des dernières mises à jour.

Le CICNS présentera "en avant-première" des extraits de la seconde partie de son film documentaire réalisé sur la question des minorités spirituelles en France : "120 minutes pour la liberté spirituelle", un voile levé sur une campagne anti-sectes qui a fait des centaines de victimes en France depuis 25 ans.

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