Courrier à Mme Anne Hidalgo

Lettre envoyée à Mme Anne Hidalgo, Première Adjointe à M. Bertrand Delanoë, Maire de Paris, quand le CICNS a pris connaissance d'une carte de Paris indiquant l'emplacement de tous les mouvements spirituels de la capitale, réalisée par l'APUR sur la demande de Mme Hidalgo et mise (discrètement, il est vrai) à la disposition de tous les citoyens dans les mairies d'arrondissements.

Copies à MM. Jacques Chirac, Président de la République ; Dominique de Villepin, Premier Ministre ; Nicolas Sarkozy, Ministre de l'Intérieur ; Louis Schweitzer, Président de la HALDE ; Bertrand Delanoë, Maire de Paris.

10 juin 2005

Madame la Première Adjointe

Le Centre d'Information et de Conseil des Nouvelles Spiritualités est une association indépendante qui propose un nouveau regard sur les minorités spirituelles en France. Vous êtes invitée à visiter notre site www.cicns.net pour des informations détaillées sur notre action.

Nous avons pris connaissance de plusieurs initiatives auxquelles est associée la Mairie de Paris et que vous soutenez ou avez vous-même initiées :

- La première est la participation active de la ville de Paris au sein des CICA (Comité d'Initiative et de Consultation d'Arrondissement) à la lutte contre ce qui est appelé les "dérives sectaires".

- La deuxième est la mise en place d'une cartographie (que vous avez demandé à l'APUR) des prétendues sectes et "mouvements spirituels signalés par des organismes et associations de lutte contre les sectes", pour la ville de Paris.

Nous avons également pris connaissance d'un tract du "Comité de soutien à Anne Hidalgo"(*). Un des objectifs affichés des CICA est de se débarrasser des minorités spirituelles.

Après les listes des rapports parlementaires qui désignent du doigt les coupables, sans jugement et sans enquête, voilà maintenant les cartes géographiques qui localisent les lieux d'infamie. Doit-on rappeler la note du Ministère de l'Intérieur qui confirme que ces listes n'ont aucune valeur normative et juridique ? Le tract de soutien à votre intention est un véritable appel à la délation pour délit de comportement non conforme. Il suffit d'être végétarien aujourd'hui pour être mis à l'index.

Comment peut-on distribuer un document de cette teneur dans notre démocratie et apparemment inspiré par des responsables publics, sans qu'aussitôt de nombreuses voix s'élèvent pour appeler à la tolérance et demander une analyse contradictoire ? Il semble qu'il y ait sur ce sujet un consensus des pouvoirs publics et des médias qui n'est pas de bonne augure pour les libertés fondamentales.

Ces deux dernières semaines, M. Langlais Président de la MIVILUDES (dans le Nouvel Observateur) et Mme PICARD présidente de l'UNADFI (dans l'émission "Ça se discute" sur France 2) ont dit sans équivoque que l'ensemble de la population (le chiffre avancé est de 500 000 personnes) qui adhérait à des démarches minoritaires spirituelles et de santé est sous l'emprise de sectes. La lutte peut donc être généralisée à tous les mouvements et c'est bien ce que révèle l'action conduite actuellement à Paris.

L'UNADFI parle d'une liste non publiée de 500 mouvements suspectés. De quoi ? D'être des sectes. Le mot se suffit à lui-même, aucune preuve n'est avancée. Plus de 1% de la population française serait donc aliénée dans ses choix. On décide alors d'appeler ces personnes des "victimes" et de discréditer les croyances et les pratiques.

Il y a un parti pris d'ignorance à la fois sur le phénomène spirituel en France et sur la réalité des dérives sectaires.

Posons-nous les questions suivantes :

- Existe-t-il une preuve vérifiable et solide, c'est-à-dire un dossier consultable par qui souhaite s'informer, de la dangerosité des mouvements listés ? Selon notre point de vue, cette preuve devrait consister en un dossier juridique qui montrerait sans ambiguïté que les délits sanctionnés, quand ils existent (ce qui n'est pas le cas pour la majorité des mouvements), ont un rapport avec la pratique spirituelle ou de santé, et une étude sociologique qui montrerait avec le recul nécessaire à ce type d'étude, la dangerosité d'un mouvement.

- Existe-t-il des statistiques qui, sur la base de dossiers vérifiables, permettent de parler du phénomène de dérives sectaires comme d'un danger important pour notre société, comme l'affirment officiellement les instances de l'Etat chargées de ce sujet et les médias ?

Si de telles preuves n'existent pas, cette campagne de lutte contre les minorités spirituelles est une atteinte aux droits de l'homme, lesquels vous servent pourtant à justifier vos actions. Et même si ces preuves existent, pour certains, le procédé d'établir des listes et des cartes (des pratiques que l'on croyait révolues) n'est pas admissible dans un Etat de droit.

Mais sommes nous dans un Etat de droit ? On peut en douter.

Monsieur Grosnon, votre Directeur de Cabinet, et les responsables des ADFI et du CCMM se plaisent à dire que le contexte est difficile — entendez que l'on ne peut pas discriminer en paix — parce que la notion de secte n'est pas définie. Il n'y a aucun problème à diffamer et à discriminer en paix : vos actions en sont la preuve. Il y a par contre un mensonge qui est entretenu derrière la réalité des dérives sectaires pour les minorités spirituelles et ce mensonge est dissimulé derrière la notion floue de secte. Cette imprécision loin d'handicaper la répression, la facilite.

La valeur de jugement de ce mot en dehors de tout cadre juridique et en toute impunité, s'étend maintenant à d'autres groupes : le compte rendu du CICA du 19ème arrondissement du 30 Nov. 2004 amalgame le Parti Humaniste à une secte en s'appuyant sur un rapport parlementaire de 1995 qui n'a pas de valeur juridique.

Nous joignons à ce courrier un témoignage vidéo de ce que peut être la discrimination contre les minorités spirituelles en France, dont aucun média ne se fait l'écho. Cette discrimination est basée sur la peur de la différence, la même peur que vous distillez dans les arrondissements de Paris. Prendre acte de cette discrimination sera un premier pas.

Ensuite, comme proposé précédemment, vous pourriez vous interroger en conscience sur la réalité du phénomène de dérives sectaires, au lieu de vous contenter des informations fournies par la MIVILUDES, l'ADFI et le CCMM.

Le CICNS peut vous y aider. Votre discours de justice et d'égalité ne peut se satisfaire d'une vision aussi unilatérale. Vous avez su agir en faveur de l'intégration des étrangers à la société française, mais avez-vous un véritable souhait de lutter contre l'exclusion dans notre pays ?

Les très nombreuses personnes qui animent la dimension spirituelle de l'homme enrichissent la société française par leurs idées et leur diversité. On peut ne pas partager leur vision de la vie, mais les mettre au banc de la société est une attitude contraire à notre Constitution qui appauvrit l'ensemble des citoyens.

Veuillez recevoir, Madame la Première Adjointe, l'expression de nos cordiales salutations.

Pour le CICNS

Le Président

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(*) Peu après l'envoi de cette lettre, Mme Hidalgo a porté plainte contre X au sujet de ce tract qui n'aurait pas été produit par son comité de soutien. La révélation de la carte des sectes n'a cependant pas entrainé de démenti, sinon le fait que Mme Hidalgo souhaitait qu'elle reste confidentielle. Nous avons pourtant pu vérifier que n'importe quel citoyen pouvait à ce moment-là demander à la consulter à la mairie de son arrondissement.

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