Courrier à M. le Procureur de la République, Toulouse

Lettre à M. le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Toulouse pour l'informer d'une enquête de gendarmerie dans un centre de conférences pour les milieux spirituels dans la région de Toulouse, et lui présenter le point de vue du CICNS

Montpezat de Quercy, le 21 août 2006

Objet : Enquête au centre de conférences de ...

Réf : cicns/ProcToul/n°1

Monsieur le Procureur,

Nous nous permettons d'intervenir auprès de vos services, en notre qualité d'association, dont l'objet est d'équilibrer le débat sur la question des nouvelles spiritualités.

Dans le cadre de cet objet, il nous semble utile de porter à votre connaissance les faits qui nous apparaissent comme revêtant un caractère préoccupant. Nous avons pris connaissance d'une enquête menée par les services de gendarmerie dans un centre de conférences pour les milieux spirituels dans la région de Toulouse. Les enquêtes rentrent dans le cadre normal de la mission de la gendarmerie. Pourtant, l'enquête effectuée dans ce centre de conférences a déjà eu une incidence significative sur la liberté de réunion et d'expression des groupes concernés. Plusieurs conférenciers nous ont expliqué ne pas pouvoir bénéficier des services de celle salle parce que le propriétaire subissait une enquête sur la nature desdites conférences et qu'il préférait suspendre ses activités.

La politique de lutte contre les dérives sectaires en France, au nom de la protection des libertés individuelles, est à l'origine de nombreuses discriminations et du non respect de ces mêmes libertés, pourtant inscrites dans notre Constitution et dans la loi de 1905.

Comme de nombreux sociologues et juristes spécialistes de la question avec qui nous sommes en relation, notre association fait le constat que le respect de l'ordre public est trop souvent utilisé comme un paravent pour discriminer des groupes spirituels minoritaires au moindre signe de comportement original ou à la moindre suspicion. Certaines associations, comme l'ADFI, utilisent sans réserve leur statut d'utilité publique pour jeter la suspicion sur toute minorité spirituelle et encourager une mise sous surveillance que l'on croyait réservée aux terroristes.

Il nous semble important que vous soyez informés de points de vue différents des thèses habituelles, afin de mieux appréhender ce phénomène de société, en particulier afin que certains excès portés à notre connaissance lors d'opérations policières à l'encontre de minorités spirituelles ne se reproduisent plus en France ; voir le témoignage au sujet de l'assaut de la gendarmerie sur la propriété des membres d'un groupe spirituel de l'Aveyron : http://www.cicns.net/Lessentiel.htm. Plus généralement, nous vous invitons à prendre connaissance de notre site : www.cicns.net et de notre section vidéos qui présente des interviews de sociologues, juristes, écrivains ainsi que le témoignage de personnes discriminées : http://www.cicns.net/Video.htm.

Le CICNS est déterminé à dénoncer publiquement tous les manquements au respect de la liberté spirituelle dans notre République démocratique.

Les principaux mouvements spirituels de la région toulousaine ont été montrés du doigt dans une carte des sectes parue dans la revue Toulouse Mag de janvier 2006. Ces procédés médiatiques fort discutables, étant donnée la pauvreté des justifications énoncées, mettent au ban de la société toute une frange de la population.

Le rapport parlementaire de 1996 établissant, sans respect du contradictoire, une liste des sectes dangereuses, n'a aucune valeur juridique et ne peut en aucune manière être utilisé à lui seul pour nuire à la liberté de réunion d'un groupe ou d'une association. Dans une circulaire adressée aux préfets le 20 décembre 1999 (réf. NOR INTD9900262C), le Ministre de l'Intérieur avait fort justement rappelé que " ces rapports parlementaires ne constituent qu'un élément d'information et de proposition ; ils ne prétendent pas avoir valeur normative et ne sauraient fonder ni des distinctions entre les associations qualifiées de " sectaires " et celles qui ne le sont pas au regard desdits rapports, ni des sanctions quelconques. Tant qu'une association ne fait pas l'objet d'une dissolution administrative ou judiciaire, elle jouit des libertés constitutionnellement reconnues et peut exercer l'activité correspondant à son objet dans le strict cadre des lois en vigueur. " Et plus loin : " La qualification de mouvement sectaire qui est donnée à une association par les différents rapports parlementaires ne saurait révéler à elle seule un quelconque trouble à l'ordre public. "

Nous vous remercions par avance des diligences que vous voudrez bien apporter, Monsieur le Procureur, à notre courrier.

Nous vous en remercions et vous prions d'accepter l'expression de notre parfaite considération.

Eric Bouzou, Président du CICNS

PS : une lettre similaire a été envoyée à la gendarmerie du lieu de l'enquête et au groupement de gendarmerie du département

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