Le cas de la FECRIS

Fédération européenne des centres de recherche et d'information sur le sectarisme 

 

La FECRIS, fondée en 1994, regroupe les mouvements militants anti-sectes et anti-religieux de différents pays européens, tel que l'UNADFI en France.

 

Cette fédération a, malgré l'opposition de plusieurs membres de l'assemblée parlementaire (voir l'argumentation de Mr Vis, ci-dessous), obtenu en 2005 un statut participatif auprès du Conseil de l'Europe. Ce statut signifie que ces mouvements, qui font le culte de l'intolérance, de la diffamation et de la haine, sont consultés pour les questions relatives aux minorités spirituelles. ll faut savoir, par exemple, que le représentant serbe de la FECRIS au moment de cette requête était le spécialiste, sous le régime de Slobodan Milosevic, de l'endoctrinement des soldats serbes qui pratiquèrent la " purification ethnique " en Bosnie, Croatie et au Kosovo 7.

 

La FECRIS n'est pas, par la médiocrité des groupes qu'elle réunit, une source fiable d'informations et de réflexions sur le phénomène des minorités spirituelles. Son statut auprès du conseil de l'Europe est dramatique pour les Droits de l'Homme et nous confirme la nécessité de créer un observatoire indépendant des minorités spirituelles.

 


Note de M. Rudolf Vis, membre de l'Assemblée Parlementaire. Argumentation contre l'octroi à la FECRIS du statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe 

La FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d'information sur le sectarisme) a été fondée en 1994, et recouvre l'ensemble des groupes nationaux « antireligieux » de différents pays européens. Le message diffusé par la FECRIS vise essentiellement les groupements religieux nouvellement créés et minoritaires, que la FECRIS qualifie régulièrement, de manière péjorative, de « sectes ».

 

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est élevée contre une telle dénomination dans sa Résolution 1412 (1), et cette prise de position a été renforcée par les déclarations du Comité des Ministres(2). Cependant, en dépit de la position du Conseil de l'Europe, la FECRIS a continué à utiliser cette formulation. Sur son site Internet, dans une section intitulée « Rencontre avec des avocats en 2001 », le terme de « secte » est utilisé une soixantaine de fois. Cette approche, et d'autres méthodes de la FECRIS (que nous indiquons dans le détail plus bas), visent et conduisent effectivement à un processus d'amalgame, d'isolement et de discrimination à l'égard de petits groupes religieux, et, d'une manière générale, à une attitude d'intolérance à leur égard, de-la part de la société tout entière. 

L'une des actions les plus répréhensibles de certains représentants de groupes membres de la FECRIS est une technique baptisée « déprogrammation » : celle-ci consiste à kidnapper des personnes et à user de la force à leur égard, par différents moyens - dont la violence physique -, afin de les contraindre à renoncer à leur «foi». Ce type de méthodes est non seulement illicite, mais a également été dénoncé par la Cour européenne des Droits de l'Homme (affaire No. 37680/97, liée au Vice-président de la FECRIS (Rosa-Maria Boladeras, de nationalité espagnole - voir l'exposé plus détaillé ci-après).

 

Indépendamment de ce recours extrême à la force que constitue l'enlèvement (et qui vise, donc, à contraindre une personne à abandonner sa religion), les groupes membres de la FECRIS ne se préoccupent guère d'évaluer de manière équilibrée la religion prise pour cible : bien au contraire, ils diffusent de fausses informations, afin de troubler les esprits. 

 

Par conséquent, on ne peut considérer que la FECRIS joue un rôle suffisamment utile pour pouvoir bénéficier du statut consultatif ; et tout indique, depuis de nombreuses années, que cette organisation n'a nullement l'intention de modifier son approche. Toutes les études effectuées à ce sujet montrent que la FECRIS et ses membres ne publient que très rarement - voire jamais - des documents crédibles et sérieux, fondés sur des travaux objectifs ; en revanche, leur parti pris est constant.

 

Dans certains pays, la FECRIS et ses groupes affiliés ont réussi à faire diffuser par certains médias leur message négatif au sujet des mouvements religieux. Plutôt que de créer un climat de tolérance et de compréhension, ces organisations ont contribué à créer un phénomène que l'on ne peut qualifier que d' «hystérique », dans ce contexte. La France est notamment l'un des pays où la FECRIS et ses membres ont réussi à créer un climat d'intolérance extrême vis-à-vis des mouvements religieux. 

 

Si la FECRIS se préoccupait authentiquement de la défense des droits de l'homme et de la réunion des familles, il serait tout à fait sensé de s'engager avec elle dans un processus démocratique et de résolution traditionnelle des conflits. La promotion du dialogue en serait l'une des principales formes. Mais les membres de la FECRIS ne recherchent pas une résolution constructive des problèmes liés aux personnes qu'ils qualifient de « victimes » ; autrement dit, ils ne cherchent pas à établir un dialogue avec les groupements qu'ils désignent sous le nom de « sectes ».

 

Le sens commun veut que deux parties en conflit soient réunies pour trouver ensemble la solution à leur problème.

 

C'est précisément l'approche adoptée par d'autres organisations, telles que INFORM(3) et l'OSCE(4), ou encore par le rapport du Parlement suédois sur les minorités religieuses(5) -dont l'un des points majeurs est de dire que « (...) rien ne doit être fait qui puisse creuser le fossé entre les mouvements religieux et le reste de la collectivité. Bien au contraire, la société doit aider au dialogue et à la résolution des conflits ».

De son côté, la FECRIS n'a pas recours à ces instruments simples et fondamentaux, qui permettent d'établir des relations ; dans sa description des mouvements visés, elle opte plutôt pour le sensationnalisme et la discrimination, de sorte qu'elle dresse une barrière entre la famille concernée et les autres parties.

 

Mais l'élément qui illustre peut-être le plus clairement l'opposition frontale entre les objectifs de la FECRlS et les principes du Conseil de l'Europe est la position prise par la FECRIS au sujet de la loi française About-Picard. Le Conseil de l'Europe a exprimé de vives inquiétudes au sujet de ce texte de loi, et a récemment publié une résolution invitant le gouvernement français à réviser la législation en question(6) .

 

A l'opposé, la FECRIS et ses membres ont, de leur propre aveu, déployé des efforts considérables pour faire exister cette loi. Plus encore, alors que d'autres gouvernements, des églises majeures et des groupes de défense des droits de l'homme protestaient contre la persécution des minorités religieuses par les autorités chinoises, la FECRIS a apporté un soutien actif à la Chine, afin que ce pays adopte une loi inspirée de la législation Française dans ce domaine.

 

Par conséquent, à la lumière de tous ces faits et d'autres points évoqués ci-après, on doit considérer qu'il n'est pas légitime d'accorder le statut consultatif à la FECRIS. Comme nous l'avons déjà démontré, et comme nous le montrerons encore, de manière plus précise, la FECRIS est un groupe de pression qui a des ambitions spécifiques, et qui se dissimule derrière une façade d'organisation-conseil objective.

 

Analyse détaillée des faits relatifs à la FECRIS :

 

Nous avons procédé à une analyse comparative des buts officiels de la FEGRIS et des actions avérées de ses membres. 

Le premier objectif revendiqué par la FECRIS est le suivant : 

"Rassembler des associations européennes représentatives préoccupées par certaines organisations actuelles de nature sectaire et totalitaire - qu'elles aient une existence juridique ou non - et dont les pratiques constituent une violation de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, de là Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, et des lois européennes et nationales." 

Or, certains groupes membres de la FECRIS ont été eux-mêmes accusés et jugés coupables de violation des droits de l'homme !

Nous donnons ci-après deux exemples significatifs concernant un mouvement espagnol membre de la FECRIS : l'AIS/Pro Juventud, dont la directrice - Maria-Rosa Boladeras est également vice-présidente de la FECRIS.

 

Premier cas : en 1999, dans le cadre d'un jugement de la Cour européenne des Droits de l'Homme (affaire n" 37680/97 - Riera Blume contre l’Espagne) relatif à une affaire de « déprogrammation », il était établi que le groupe antireligieux AlS/Pro Juventud avait eu « une responsabilité directe et immédiate».  

Deuxième cas, datant de 1995 : ce même groupe, dirigé par Maria-Rosa Boladeras (AlS/Pro Juventud) avait enlevé un jeune homme de religion catholique, M. Canals. On avait tenté de déprogrammer ce dernier dans un hôpital psychiatrique où il avait été enfermé sous la contrainte - ce qui constituait une violation de ses droits fondamentaux. Cet incident fut alors dénoncé par le Cardinal Ruiz, attaché au Vatican, qui affirmait que le groupement religieux dont faisait partie M. Canals n'avait rien de répréhensible. Le tribunal espagnol qui jugea l'affaire devait déclarer : «Sous prétexte d'une maladie mentale inventée de toutes pièces, un citoyen adulte a été privé de liberté au seul motif de sa foi religieuse ; les responsables ont tenté de conférer à leur acte l'apparence de la légalité - ce qui constitue une violation flagrante de nos lois... Il est évident que M. Santiago Canals Coma ne souffre d'aucun trouble pouvant justifier qu'il soit frappé d'incapacité mentale, et il convient, par conséquent, de garantir son droit à la liberté de culte, inscrit dans l'article 16 de la Constitution espagnole, et tout particulièrement dans l'article 9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme » .  

On pourrait citer encore d'autres cas dans différents pays européens, où des groupements membres de la FECRIS ont été également condamnés par la Justice pour le même type de violation des droits de l'homme.

 

Le deuxième objectif de la FECRIS est le suivant : 

 

"Représenter les associations membres auprès des institutions européennes, pour la défense des familles, des personnes et des sociétés démocratiques face aux activités d'organisations sectaires répréhensibles."  

De nouveau, nous illustrerons par les exemples qui suivent l'action de la FECRIS vis-à-vis « des familles, des personnes et des sociétés démocratiques ».  

Par la diffusion d'informations fausses et négatives dans les médias et d'autres supports au sujet de groupements religieux que la FECRIS qualifie de « sectes », un certain climat social a été créé, conduisant à un traitement cruel et discriminatoire des membres de ces groupes. Les exemples qui suivent montrent que de nombreuses personnes se sont trouvées en difficulté sur leur lieu de travail et dans leur famille, dans la mesure où elles ont été considérées comme « différentes », voire « dangereuses » en raison de la propagande diffusée à leur sujet. Il faut signaler par ailleurs que des spécialistes des questions religieuses ont une opinion radicalement différente de celle exprimée par la FECRIS et ses membres.

 

Il est évident que nul ne peut s'abriter derrière des motifs religieux pour violer la loi, et que toute infraction commise par tel ou tel membre d'un mouvement religieux doit être poursuivie comme dans le cas de tout citoyen. Mais on crée une confusion totale si l'on procède - comme cela est souvent le cas - à un amalgame entre les actes d'un individu et les objectifs ou la politique globale du groupe dont il fait partie. De cette manière, la FECRIS alimente les préjugés à l'égard de groupes qu'elle qualifie de «sectes» et entraîne une discrimination à l'égard de ces groupes et de chacun de leurs membres.  

On pourrait citer véritablement plusieurs centaines d'exemples ; nous en avons adjoint quelques-uns au présent document, et l'on pourra s'informer de nombreux autres cas sur demande. Toutes ces affaires révèlent les effets de la discrimination pratiquée à l'égard de personnes ordinaires membres de petits groupes religieux. Certaines de ces personnes ont perdu leur emploi, se sont vu refuser un emploi ou la signature d'un contrat commercial, ont été soumises à des enquêtes inacceptables, ont vu leurs enfants refusés dans des écoles maternelles ou des associations, pour enfants (telles que des mouvements de guides féminins), ou encore expulsés de tels établissements ou mouvements ; et l'on pourrait encore évoquer de nombreuses autres conséquences.  

D'autre part, comme nous l'avons déjà évoqué plus haut, une nouvelle loi antireligieuse a été adoptée en France sous la pression de groupes français membres de la FECRIS (processus évoqué dans le rapport de la réunion des avocats européens du 9 juin 2001). Cette loi française a été dénoncée par des mouvements de défense des droits de l'homme tels que la Fédération internationale d'Helsinki; et, à une date très récente, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe parvenait à la conclusion suivante, dans sa Résolution 1309 (2002) intitulée Liberté de religion et minorités religieuses en France : 

 

L'Assemblée invite le gouvernement français à revoir la loi en question et à clarifier la définition des termes « infraction » et « auteur de l'infraction ».

L'Assemblée invite les gouvernements des Etats membres à utiliser les procédures normales du droit pénal et civil contre les pratiques illégales menées au nom de groupes à caractère religieux, ésotérique ou spirituel.

 

Comme nous l'avons déjà souligné dans notre Introduction, un autre élément concernant la FECRIS et venant contredire l'objectif officiel de cette fédération de « défense des sociétés démocratiques » est le fait que des représentants de la FECRIS, et de son groupe français affilié, le CCMM (« Centre de Documentation, d'Education et d'Action contre les manipulations mentales »), aient participé à une conférence « anti-sectes », à Pékin, en novembre 2000. A leur retour de Chine, les représentants du CCMM ont publié une lettre d'information contenant deux pages de propagande des autorités chinoises au sujet du mouvement religieux persécuté en Chine, le « Falun Gong», et «expliquant» la nature « sectaire» de ce mouvement chinois; enfin, cette lettre d'information apportait un soutien total au gouvernement chinois dans son action contre les sectes ».

 

Cette visite en Chine a eu lieu après la révélation de persécutions importantes des minorités religieuses locales par les autorités chinoises. Des membres du mouvement «Falun Gong» avaient déjà été torturés, incarcérés et placés dans des hôpitaux psychiatriques sans avoir commis d'autre « délit » que la pratique de leur religion. Des informations témoignant de nombreuses morts causées par le traitement infligé par les autorités chinoises aux membres du groupe Falun Gong avaient déjà été fournies par des organisations telles que Amnesty International. Ces violences avaient été vivement dénoncées par la plupart des pays occidentaux et par les grandes organisations de défense des droits de l'homme, qui avaient tout particulièrement souligné le caractère brutal de ces traitements ; en revanche, il n'y a eu aucune condamnation de la part de la FECRIS ou du CCMM : bien au contraire, ces organisations ont diffusé de la propagande chinoise dans ce domaine et ont participé à la conférence contre les « sectes » que nous venons d'évoquer. De leur côté, les autorités chinoises ont très chaleureusement accueilli la délégation française et déclaré que la France constituait un modèle dans ce domaine.

 

En résumé, la FECRIS et l'un de ses groupes affiliés ont approuvé l'action d'un pays - la Chine - qui réprime très activement les minorités religieuses. Les violences perpétrées par la Chine à l'égard des minorités religieuses du pays ont entraîné des souffrances, des morts et la désagrégation de certaines familles - faits dont on a encore peu parlé -, en violation totale des principes fondamentaux du Conseil de l'Europe. 

 

Le troisième objectif de la FECRIS est le suivant :

 

"Alerter les pouvoirs publics et les institutions internationales en cas d'activités condamnables».

Les groupes membres de la FECRIS ont certainement contribué (lorsqu'ils n'ont pas été les acteurs principaux en la matière) à créer une image publique négative de certains mouvements auxquels ils ont accolé l'étiquette de « sectes », et se sont appuyés sûr ce processus pour « alerter » les médias et les pouvoirs publics.

 

De l'avis d'éminents spécialistes des questions religieuses, tels que Mikael Rothstein de l'Université de Copenhague et le Dr Bryan Wilson, Professeur émérite à l'Université d'Oxford, les groupes antireligieux se livrent à des exagérations et ne donnent pas une image fidèle des mouvements qu'ils qualifient de « sectes ». De telles « fausses alertes » peuvent avoir - et ont effectivement, dans certains cas - des effets dévastateurs sur des individus membres de ces mouvements et sur les mouvements eux-mêmes.

Les deux exemples qui suivent en sont la preuve manifeste.

 

En 1993, en France, des assauts ont été menés contre les locaux et domiciles, à Lyon et Marseille, d'un petit groupement chrétien - dit « La famille » ; plus de 200 agents de police y participaient, cassant les portes d'entrée au moyen de haches, et armés de fusils automatiques. Les parents des familles en question ont été menottés devant leurs enfants. Cette action des pouvoirs publics français faisait suite à des accusations formulées par l'ADFI, organisation française antireligieuse (et membre de la FECRIS). Pendant plusieurs années, l'ADFI a, sans aucun fondement, accusé « la Famille » de violences à l'égard d'enfants, de prostitution et d'autres activités illicites. Six ans après l'assaut de la police, le Tribunal d'Aix-en-Provence établissait que les allégations n'avaient aucun fondement,- et classait l'affaire. Tous les accusés furent déclarés non coupables et acquittés. L'ADFI n'a jamais présenté d'excuses pour la souffrance et le malheur ainsi causés à de nombreuses familles, et n'a jamais fait en sorte de démentir les fausses informations qu'elle avait diffusées.

 

D'autre part, en 1992, un homme du nom de Jean Migueres, fondateur d'un groupe baptisé « CEIRUS », était abattu en pleine rue. L'auteur du meurtre était son beau-père - lequel avait été informé des activités « suspectes » de la victime par la branche de l'ADFI de Lyon. Celle-ci avait classé le groupe CEIRUS dans la catégorie des « sectes dangereuses ». Le groupe CEIRUS et M. Jean Migueres n'avaient jamais été condamnés pour activités criminelles ; et pourtant, même après la publication, dans la presse, de la nouvelle de l'assassinat de M. Migueres, le président de l'ADFI poursuivit publiquement ses attaques contre ce dernier, et continua à déclarer que la victime était une « personnalité dangereuse et nuisible » - sans aucune considération pour la veuve et la famille de M. Migueres.

 

Le quatrième objectif de la FECRIS est le suivant :

 

« Participer à la création d'un espace juridique européen en matière de questions sectaires ».

 

En ce qui concerne l'étude d'une participation éventuelle de la FECRIS à l'espace juridique européen, il est très important d'examiner le rôle de cet organisme dans l'élaboration de la loi française - qui a fait l'objet de nombreuses critiques - sur les «mouvements sectaires ». 

 

Comme nous l'avons déjà souligné, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a jugé que cette loi était peu satisfaisante et invité le gouvernement français à la réviser. Le texte de loi en question autorise les tribunaux à dissoudre tout groupe (ou à condamner tout dirigeant de groupe) jugé coupable de plusieurs infractions et ce même si ces infractions n'ont aucun rapport avec les principes religieux que défend le groupe en question. Comme nous l'avons également évoqué plus haut, la FECRIS a revendiqué un certain crédit au sujet de l'élaboration de cette loi, en déclarant notamment : « C'est une loi très importante qui a pu être adoptée en particulier grâce à l'action d'associations qui combattent les sectes ».

 

D'éminentes organisations de défense des droits de l'homme ont émis de vives critiques à l'égard de cette loi. Ainsi, la Fédération internationale d'Helsinki a fait la déclaration suivante : 

« Un certain nombre de groupements religieux et d'associations de défense des droits civils ont exprimé leur préoccupation au sujet de la proposition de loi française contre les sectes. Si un Etat a bel et bien le devoir de protéger ses citoyens des excès de membres de certains groupes ou associations, cela ne doit pas se faire au prix d'une discrimination - ce qui est le cas en ce qui concerne la proposition de loi française. Les excès ou abus en question doivent relever du Code Pénal, voire d'autres textes de loi, mais ne doivent certainement pas faire l'objet d'une loi spécifique visant les minorités religieuses. Une telle loi ouvrirait la voie à des abus de la part des pouvoirs publics, qui pourraient se rendre coupables de violations de la liberté de culte et d'association, notamment par le démantèlement de minorités religieuses pacifiques ».

 

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a immédiatement diligenté une étude sur le sujet (cf. Doc. 8560, intitulé « Liberté de religion et minorités religieuses en France »), où l'on peut lire ceci : 

 

« Cette loi semble dirigée contre les minorités religieuses, qui sont péjorativement qualifiées de « sectes » dans la proposition. L'Assemblée, qui a récemment étudié ce phénomène (ses travaux ont abouti à l'adoption, en juin 1999, de la Recommandation 1412), dénonce cette attitude à l'égard des minorités religieuses et invite instamment les Etats membres à ne pas employer de termes aussi discriminatoires).

 

Or, le terme de « secte » est largement utilisé par la FECRIS tout au long de son document intitulé « Rencontre d'avocats européens, le 9 juin 2001 ». Le mot « secte » est employé une soixantaine de fois en sept pages. Il a une connotation péjorative, dans la mesure où il désigne des groupes considérés comme « dangereux » par la FECRIS. Celle-ci a concentré tous ses objectifs sur une notion qui n'a pas d'existence juridique, que l'organisation en question ne se donne pas la peine de définir, mais qu'elle utilise comme fondement d'une campagne en faveur de réformes législatives majeures dans ce domaine, dans l'ensemble de l'Europe. Or, l'adoption d'une législation relative à une catégorie mal définie (et qui, de ce fait, pourrait s'appliquer à tout groupe correspondant aux a priori de fonctionnaires, d'avocats et de juges) risquerait de conduire à des pouvoirs arbitraires tels que les droits de l'homme fondamentaux seraient certainement menacés.

 

Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe s'est, assez récemment (le 21 septembre 2001), situé à l'opposé de ce type de loi dans ses réponses à deux recommandations adoptées par l'Assemblée parlementaire (1412 et 1396), réponses où il indique clairement sa position en matière de minorités religieuses. Le Comité des Ministres déclare que les éléments suivants devraient être pris en considération :

 

(1) il convient de souligner et d'affirmer qu'un Etat souhaitant traiter le problème des minorités religieuses doit respecter la liberté de religion, le principe de non-discrimination et tous les autres principes de défense des droits de l'homme inscrits clans la Convention européenne des Droits de l'Homme.

(2) il convient de s'accorder, de manière très claire, sur le fait qu'il n'y a pas nécessité de lois spécifiques sur les groupes à caractère religieux, spirituel ou ésotérique, dans la mesure où toute pratique illégale menée dans ce domaine relève des procédures courantes du droit pénal et du droit civil.

(3) on doit décliner la proposition de création d'un « Observatoire européen » relatif aux confessions minoritaires - et ce, du fait que d'importantes ressources seraient nécessaires pour garantir une information fiable et objective sur les religions en question.

 

Citons encore un exemple qui illustre bien l'orientation actuelle de la FECRIS. L'organisation allemande AGPF, membre de la FECRIS, et représentée par M. Ingo Heinemann - l'un des principaux responsables de cet organisme et membre du conseil de la FECRIS -, a publiquement déclaré sur Internet que le critère de «discrimination antireligieuse » devrait être exclu du champ d'application, par les différents pays de l'UE, de la Directive européenne sur l'égalité de traitement dans l'emploi (2000/43/EG, 2000/78/EG), dans la mesure où un tel élément pourrait conduire à des « abus » (on pourra s'informer à ce sujet sur la page d'accueil du site de l'AGPF).

 

Par ailleurs, l'organisation suisse SADK, également membre de la FECRIS, illustre aussi dans quelle direction on irait si la FECRIS devait participer à l'élaboration des lois. En effet, dans une lettre adressée aux hommes politiques, la SADK demandait l'élaboration de lois autorisant à placer en situation d'isolement, pendant des périodes pouvant aller jusqu'à 30 jours, les membres de sectes - en les éloignant, malgré eux, du groupe dont ils font partie. On voit bien que ce type de loi, qui serait fondé sur le rejet des croyances religieuses des autres est à l'opposé des principes d'une démocratie digne de ce nom.

 

Le cinquième objectif de la FECRIS est le suivant : 

 

« Créer un réseau international d'information »

 

La page d'accueil du site Internet de la FECRIS indique que cette organisation coopère avec quatre groupes internationaux. Le premier groupe mentionné - et le plus réputé, dans ce contexte - est l'AFF («American Family Foundation »). L'AFF a joué un rôle majeur dans la création de la FECRIS en parrainant une conférence qui s'est tenue à Barcelone en 1993, et où la FECRIS a été conçue. Par ailleurs l'AFF tire probablement sa notoriété du fait de son partenariat avec le CAN (« Cult Awareness Network»), groupe basé à Chicago et dissout en 1996, à la suite d'un procès ayant accordé des dommages et intérêts de 5 millions de dollars à un plaignant qui avait entamé des poursuites pour enlèvement illégal et tentative de « déprogrammation » de la part des membres du CAN.

 

Pendant plus de vingt ans, l'AFF a eu recours aux services d'un psychiatre américain du nom de Louis « Jolly » West. Ce dernier s'était fait une réputation autour des expériences importantes qu'il avait effectuées sur le LSD, et par ses déclarations à l'époque de l'explosion de violence des ghettos américains vers la fin des années 1960. Louis West s'était fait alors le champion de la castration par des moyens chimiques, et de l'implantation d'électrodes dans le cerveau en vue d'influer sur les comportements violents et la contestation politique.

Dès les années 1980, ce psychiatre américain avait formé des Européens antireligieux à la « déprogrammation » des individus. Parmi ses disciples, le psychiatre espagnol et membre de là FECRIS Josep Jansa, et Enrique Sagnier Sagues.

 

Ces actions de « déprogrammation » sont tout à fait contestables - pour ne pas dire plus. M. Enrique Sagnier Sagues a participé à la tentative avortée de déprogrammation de M. Canals en 1995 (voir plus haut). Cette affaire a été condamnée non seulement par la Justice, mais aussi par le Cardinal Ruiz, en poste au Vatican, qui a déclaré qu'il était totalement erroné de qualifier de « secte » le groupe de M. Canals - mouvement chrétien qui lui paraissait parfaitement acceptable.

 

Le sixième objectif de la FECRIS est le suivant :

 

« Effectuer des recherches sur l'aspect juridique des « déviances sectaires ». »

On peut avoir de sérieuses inquiétudes au sujet de ce concept de « déviance sectaire », formulé par la FECRIS.

 

En effet, si l'on analyse les propos d'un autre Vice-Président de la FECRIS - l'Autrichien Friedrich Griess, dans un ouvrage consacré aux sectes, on peut être très sérieusement alarmé. M. Griess écrit notamment ceci : « Les membres des sectes sont, à 80%, primitifs et stupides», ou encore: « Ces gens sont de plus en plus imbéciles, et l'on peut facilement deviner, à un kilomètre, qu'il s'agit de membres de sectes ».

On peut encore trouver un exemple très significatif de cette approche peu scientifique et intolérante dans les écrits de M. Roger Ikor, fondateur du CCMM (Centre de Documentation, d'Education et d'Action contre les manipulations mentales), organisation française membre de la FECRIS.

Dans un ouvrage intitulé « Le livre des rationalistes », M. Ikor écrit notamment :  

Considérons à présent le problème de l'endoctrinement. Admettons que tel ou tel individu soit un visionnaire : cela, en fait, n'est pas suffisant pour être capable de créer une secte ; ou, tout au moins, ce n'est pas suffisant pour le développement d'une secte. En réalité, il faut en principe l'intervention d'une personne plus experte. Ainsi, Moïse fut secondé par Aaron. La philosophie de Jésus Christ a été exploitée par St Paul (certes après la mort de Jésus, mais peu importe). Seul Mahomet est, semble-t-il, un cas différent dans la mesure où il a réussi à réunir des qualités de visionnaire et d'expert. D'ailleurs, ce fut aussi le cas d'Hitler. Effectivement, il n'y a aucune différence de nature - ou plutôt de philosophie - entre une secte et une religion. Si l'on était un tant soit peu sérieux, on mettrait fin non seulement à toutes les absurdités qui entourent les sectes, mais aussi aux grandes religions elles-mêmes.

M. Roger Ikor a également déclaré à la presse : 

 

« Nous devons éliminer les sectes qui prolifèrent sur la base de notre déclin. Lorsqu'il y aura suffisamment de gens qui détruiront le fondement même des sectes, les pouvoirs publics réagiront peut-être ».  

On peut difficilement mettre en harmonie ces messages relatifs aux « déviances sectaires» et le discours inaugural de M. Walter Schwimmer, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, lors d'une conférence sur le dialogue religieux, en 2002. Dans ce discours, M. Schwimmer soulignait notamment l'importance d'une vraie empathie à l'égard des autres, y compris de leurs choix et convictions religieux, aussi différents soient-ils.

Une grande partie des informations fournies par la FECRIS au sujet des «comportements sectaires » est tout simplement fausse et très partisane - même si cette organisation tente de créer une polémique en diffusant son message tel quel dans les médias, c'est-à-dire sans aucun commentaire. L'érudit danois Mikael Rothstein, historien des religions de l'Université de Copenhague, déclarait récemment ceci : 

 

« Tous les chercheurs spécialisés dans l'étude de ce type de conflits (à savoir les historiens et sociologues des religions, les psychologues sociaux, les juristes, etc.) s'accordent à dire que la description que les mouvements « antireligieux » font des nouvelles religions est erronée. Les réalités qu'ils décrivent dans ce domaine n'ont, tout simplement, aucune existence».

Résumé

Le premier critère qui doit être satisfait est de savoir si l'action de tel ou tel groupement constitue un complément aux activités du Conseil de l'Europe - en conformité avec la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Sur la base de tous ces arguments, on peut dire en conclusion que la FECRIS a une action non seulement non conforme, mais, en fait, totalement contraire aux activités et aux normes du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme, et que la FECRIS n'est pas une source d'information fiable au sujet des nouveaux mouvements religieux (qu'elle qualifie, de manière péjorative, de « sectes » ). Par conséquent, la FECRIS ne répond pas aux critères nécessaires pour l'octroi du statut consultatif auprès du Conseil de l'Europe.

 

Critiques lors du débat pour l'obtention du statut de la Fecris

Lire les résultats du débat pour l'obtention du statut consultatif de la FECRIS

 

1  Activités illégales des sectes, Recommandation 1412 (1999), Doc. 9220 21, septembre 2001

2  Réponse du Comité des Ministres, adoptée lors de la 765° réunion des Délégués des Ministres (19 septembre 2001)

3 Groupement britannique indépendant, mais soutenu par le gouvernement de Londres, et qui fournit des informations non partisanes et objectives sur les mouvements religieux ; dans la recherche d'un dialogue, INFORM s'efforce également de réunir les parties en conflit.

4 Cf. la Réunion supplémentaire de l'OSCE sur la Liberté de croyance et de culte (22 mars 1999).

5 Rapport intitulé « De bonne foi : la Société et les nouveaux mouvements religieux », 1998 : 113.

6 Résolution 1309 (2002) : « Liberté de religion et minorités religieuses en France ».

7Patricia Duval Juriste spécialisée en Droits de l'Homme - Paris, France 11-07-2005

 

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