Les médias et la MIVILUDES : faillite d'un contre-pouvoir

CICNS (juin 2011)

En avril 2010, nous écrivions un article intitulé de façon identique « la faillite du contre-pouvoir médiatique », suite au traitement par les médias du rapport 2009 de la MIVILUDES. Un an après, le même constat alarmant s’impose après les « comptes rendus/débats/articles » ayant accompagné la sortie du rapport 2010 de cette même Mission. Les médias dans leur ensemble ont, comme d’habitude, déroulé un tapis rouge au président de la MIVILUDES, Georges Fenech, pour présenter son action antisectes, sans contradictoire dans le « meilleur » des cas, mais également en cautionnant fréquemment sans aucune neutralité ses propos. Un seul point de progrès cette année : certains journaux ont mentionné brièvement notre avis sur la politique menée par Georges Fenech. Il est probable que nos communiqués répétés, tout au long de ces cinq dernières années, ont fini par fendiller la chape de plomb qui entoure la question des « sectes ». Mais après trente années de lutte antisectes outrancière, il ne s’agit plus simplement de vaguement mentionner une position contradictoire à la politique gouvernementale en ce domaine, mais de réellement demander des comptes précis au président de la MIVILUDES sur les fondements de son action et les preuves de ses allégations à l’emporte-pièce concernant plus de 500 000 citoyens (selon ses dires). 

La question des sectes fait l’objet d’un large consensus (quasi unanime) dans la classe politique, médiatique et intellectuelle qui peut se résumer ainsi : « Même si on ne sait pas trop ce qu’elles sont, les « sectes » sont partout, ces « gens » sont dangereux et il faut lutter contre, un point c’est tout ». C’est un exemple type de manipulation à grande échelle où la répétition ad nauseam des mêmes slogans a remplacé la réflexion. Nous invitons d’ailleurs les écoles de journalisme à le considérer comme tel : un thème modèle sur la désinformation de masse. 

Si l’on s’en tenait à la question des sectes, on pourrait aisément conclure que le journalisme est une profession sinistrée – d’aucuns arriveraient sans doute à la même conclusion sur d’autre sujets traités par les médias – mais il n’est jamais trop tard pour mieux faire. 

Détail de notre analyse 

Cette analyse est basée sur les informations trouvées sur Internet. Nos commentaires ne sont pas exhaustifs (nous avons peut-être omis certains articles ou émissions méritant d’être cités) mais suffisants, selon nous, pour illustrer le déficit chronique d’investigation journalistique sur la question desdites « sectes ». 

Rappelons en préambule que le CICNS propose la mise en place d’un Observatoire des minorités spirituelles, thérapeutiques, éducatives, indépendant et compétent, en lieu et place de la MIVILUDES, et que notre position sur les victimes d’abus est explicitée. 

Si vous ne deviez en lire qu'une partie, ne pas manquer le sketch du dialogue Fenech / Ménard sur ITélé

1-      France Inter - 13h – présenté par Claire Servajean – 15 juin 2011 

Claire Servajean introduit le sujet comme suit : « La MIVILUDES (...) publie aujourd’hui son rapport annuel et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il fait froid dans le dos, sans qu’il y ait de véritables nouveautés, les dégâts causés par les sectes étant toujours à peu près du même ordre, mais ce qui inquiète c’est l’ampleur prise par certains phénomènes à l’approche de l’année 2012 qui pour certains annoncent tout simplement la fin du monde, alors autant le dire la vigilance est de mise car comme le souligne la MIVILUDES, les victimes des sectes ressemblent à monsieur et madame tout le monde, exemple avec Isabelle et Dominique, un couple de la région d’Agen, ils ont été embrigadés par le gourou d’un mouvement sectaire, Robert Lé Dinh, qui depuis a été condamné, ils ont passé 22 ans sous son emprise ». 

Lorsqu’on est président de la MIVILUDES, sous l’autorité du Premier Ministre, il doit être très valorisant de voir son travail ainsi soutenu par une radio publique. Si la journaliste a lu le rapport de la mission (nous supposons qu’elle l’a fait au-delà de l’introduction), reconnaissons avec elle qu’il est assez naturel de ressentir un « froid dans le dos » car ce rapport est fait pour ça : affoler la population sur un sujet pour lequel le matraquage régulier, par médias interposés, de données fausses et de slogans alarmistes permet de conforter l’idée d’un fléau social sans nécessité d’y apporter aucune preuve. Cette année encore deux ou trois cas sensibles conditionnés dans le format « buzz » suffisent à clouer au pilori les 500 000 personnes accusées de dérives sectaires. Mais Claire Servajean n’est pas une lectrice « lambda » du rapport de la MIVILUDES, elle officie sur une des premières radios nationales, et on attend d'elle un peu plus qu'un commentaire apeuré et servile sur un rapport indigent. 

Concernant l’exemple cité par la journaliste pour appuyer son positionnement antisectes, le cas Lé Dinh, cette affaire est en cours. D’après nos informations, Robert Lé Dinh a fait appel du jugement de premier instance qui l’a effectivement condamné ; il n’est pas « définitivement » condamné et donc toujours « non coupable » en droit français ; ce point aurait dû être mentionné par la journaliste et nous l’invitons par ailleurs à lire quelques extraits de la plaidoirie des avocats de Robert Lé Dinh pour comprendre comment la phobie antisectes, à laquelle elle participe inconsciemment, assurément, peut influencer un procès aux assises. Il est clair que dans la France antisectes, si l’issue de la procédure judiciaire innocente Robert Lé Dinh, il restera coupable aux yeux du public. Et même s’il est, au final, définitivement condamné, jeter son affaire en pâture aux auditeurs comme seul justificatif illustré de l’action de la MIVILUDES est irresponsable.  

C. Servajean poursuit son journal en interviewant Georges Fenech qui n’a plus qu’à dérouler un argumentaire bien rôdé avec la voix paternaliste du fonctionnaire veillant sur nos chaumières menacées par la mouvance sectaire. 

France Inter nous offre là un triste moment d’anti-journalisme. Si le fléau social que constitueraient les dérives sectaires est un mythe, la désinformation des médias sur ce thème est une réalité navrante. 

C. Servajean : « Ça veut dire que les mouvements sectaires se cachent partout, derrière certains organismes, quels conseils donneriez-vous à ceux qui nous écoutent et notamment aux parents pour échapper à ces groupes-là ? ».

G. Fenech : « Le conseil c’est déjà, je dirais, de faire attention au contenu du discours ; parce qu’au départ, on ne vous dit pas évidemment « nous sommes une secte, venez, etc. », non, « venez dans notre éco-village, retour à la nature, des soins avec des médecines naturelles, vous allez avoir un développement personnel, etc. », donc c’est très alléchant, très chaleureux et puis de fil en aiguille, comme ça s’est passé pour les époux Lorenzato [Cicns : Isabelle et Dominique, cités plus haut], eh bien il y a une emprise mentale qui s’exerce par un gourou qui, lui, sait très bien où il veut en venir, c’est-à-dire exercer une emprise, un pouvoir qui peut être suivant les cas sexuel, financier et donc il faut être très prudent par rapport au contenu du discours ». 

C. Servajean : (…) « Il y a assez de moyens déployés pour cette lutte contre les sectes ? ».

G. Fenech : « Oh, il y aura jamais assez de moyens, mais il faut savoir qu’en France, d’abord on a une MIVILUDES, qu’on nous envie beaucoup ailleurs parce que nous sommes les seuls au monde à avoir une mission interministérielle (…) moi je suis satisfait des moyens qui sont donnés actuellement par le Premier Ministre et je vous assure qu’on n’a pas une minute à nous tellement ces questions sont de plus en plus importantes ».

[Cicns] : Si Claire Servajean avait lu correctement le rapport de la MIVILUDES, elle aurait constaté que G. Fenech affabule en prétendant que les pays européens, pour ne citer qu’eux, envient notre MIVILUDES (voir en annexe des extraits du rapport à ce sujet). 

C. Servajean : (…) « Ça veut dire que les sectes peuvent s’attaquer à n’importe qui et que personne n’est à l’abri ? ».

G. Fenech : « Personne, personne n’est à l’abri ».

C. Servajean : (…) « Et méfiance j’imagine aussi surtout pour les jeunes puisque Internet c’est leur outil favori ? ».

G. Fenech : « Les jeunes sont une cible privilégiée aussi, bien évidemment, les parents doivent être très vigilants par rapport à ça ».

G. Fenech : (…) « Aujourd’hui il y a 4 à 600 mouvements qu’on surveille (…) ». 

2-      ITélé – Ménard sans interdits, présenté par Robert Ménard, 15 juin 2011 

Robert Ménard est à notre connaissance le seul journaliste qui a su questionner le fond de l’action de la MIVILUDES lors de la remise de son rapport 2010. Georges Fenech, peu habitué à ce manque d’allégeance, s’en est trouvé décontenancé et son propos est devenu incohérent et grotesque. Il n’a pu, non plus, utiliser son accusation favorite de « défenseur des sectes » décochée à quiconque propose une réflexion alternative à la sienne, car Robert Ménard a parlé en termes assez méprisants des quelques « illuminés » et « fous furieux » auxquels s'attaque la MIVILUDES, coupant ainsi l’herbe sous le pied du président de la Mission. Le journaliste a cependant été clair dans sa défense de la liberté de conscience et a mis en évidence la posture hypocrite de Georges Fenech lorsque celui-ci prétend respecter les croyances et les libertés individuelles. 

R. Ménard : (…) « En gros le 21 décembre 2012, c’est la fin du monde et donc vous dites, attention, si j’ai bien compris, qu’il n’y ait pas des gens qui prennent ça au sérieux et qui se disent, je ne sais pas, des suicides collectifs, enfin des folies comme ça. Vous en faites pas un peu trop pour quatre fous furieux, honnêtement ? »

G. Fenech : « Robert Ménard, l’Ordre du Temple Solaire en 1995, 16 morts… ».

R. Ménard : « Je me souviens, oui ».

G. Fenech : « Dans le Vercors, partis sur l’étoile de Sirius ».

R. Ménard : « Vous croyez vraiment qu’on peut revivre quelque chose comme ça ? ».

G. Fenech : « Le Temple du Peuple du Guyana, 900 morts, dont 274 enfants, 1000 morts en Ouganda, 12 morts dans le métro de Tokyo. Quand on a affaire à des illuminés qui exploitent ces peurs, la fin du monde, vous savez, c’est la 183ème depuis la chute de l’Empire romain ».

R. Ménard : « Y a toujours des fous, qu’est-ce que vous allez faire, vous allez vous planter là pour les empêcher ? ».

G. Fenech : « L’exploitation mercantile de ce phénomène 2012, de ce buzz Internet médiatique basé sur le calendrier maya pour exploiter ces peurs. Vous avez des gens qui se laissent avoir. C’est leur droit de croire en la fin du monde. Moi ce que je veille, hein, … ».

R. Ménard : « Quoi, c’est qu’ils entrainent pas avec eux un certain nombre de gens ».

G. Fenech : « Je suis un petit peu, non pas sur le chemin de Compostelle, mais sur le chemin qui mène à Bugarach (…) pour prendre une comparaison je suis un peu le radar pédagogique sur ce chemin ou les annonces sur un paquet de cigarettes : vous avez le droit de fumer mais vous savez à quoi vous vous exposer. Vous avez le droit d’aller dans ces formations sectaires (…) mais sachez qu’à un certain moment, vous risquez gros ».

R. Ménard : « Deuxième partie du rapport alors, ça me semble autrement plus grave, si je peux me permettre, les gourous thérapeutiques enfin tous les charlatans !, qui racontent qu’ils vont guérir le cancer avec du jus de citron ou que sais-je encore, il y en a beaucoup en France ? ».

G. Fenech : « Il y en a beaucoup, il y en a des milliers. Il y en a des milliers aujourd’hui ».

R. Ménard : « Mais qui viennent en plus de la médecine traditionnelle ou qui devant la peur des gens, qu’on comprend quand on sait plus où on va, proposent des alternatives et donc les risques que ça représente ».

G. Fenech : « On est là aussi sur un terrain des libertés, chacun a la liberté de se soigner comme il veut, de se laisser mourir s’il le veut, c’est la loi Kouchner. Nous, ce que nous faisons, nous avertissons les citoyens avec le Ministère de la santé. Attention, vous avez des gourous thérapeutiques qui vont exploiter une souffrance, une peur, le cancer ça fait peur, la première cause de mortalité en France. (…) Eh bien vous avez ces gourous qui disent : « La médecine, abandonnez, abandonnez la chimiothérapie, ça va vous faire du mal, nous on sait d’où vient votre cancer (…) ». C’est contre ça qu’on lutte ».

R. Ménard : « Absolument et moi j’ai envie de vous applaudir trois fois quand vous dites ça. Est-ce que quand même vous en faites pas trop ? Parce que j’ai quand même en mémoire, à un moment donné c’était le coaching qui posait problème, après c’était les psychanalystes ».

G. Fenech : « Ça pose toujours problème ».

R. Ménard : « Enfin quand même pas tout, il y a des choses sérieuses, il y a des choses dangereuses, vous l’avez dit, et il y a des choses qui sont de la bêtise à l’état pur (…). Vous n’allez pas emprisonner tous les abrutis ».

G. Fenech : « Euh, non parce qu’il faudrait construire beaucoup… ».

R. Ménard : « Non, vous en faites pas trop sérieusement ? ».

G. Fenech : « Ecoutez, moi, ce que je crois, c’est qu’on vit dans un système de liberté que nous respectons, liberté de croyance, d’association… La ligne jaune, ma ligne conductrice, c'est tout ce qui trouble l'ordre public, tout ce qui enfreint la loi, tout ce qui est un risque pour la santé publique et surtout les enfants qui sont concernés ».

R. Ménard : « Le coaching et les enfants, c’est quoi ? »

G. Fenech : « Le coaching, c’est très bien, le développement de soi, etc. Simplement, ce qui nous attire dans ces organismes de formation professionnelle : on vous dit pas que, derrière, on va vous distiller des principes de Ron Hubbard, fondateur de l’Eglise de Scientologie, par exemple ».

R. Ménard : « On y va justement. Alors, c’est ça où il y a le problème, quand même. (...) Les Témoins de Jéhovah, c'est une secte pour vous ? Vous l’avez dans votre liste ».

G. Fenech : « Moi, je ne sais pas ce que c’est qu’une secte, je n’ai pas de liste, vous posez des questions, je vous réponds. Il n’y a pas de définition juridique d’une secte, je ne lutte pas contre les sectes ».

R. Ménard : « Vous considérez que les Témoins de Jéhovah sont des gens dangereux ? ».

G. Fenech : « Je considère que les Témoins de Jéhovah posent des problèmes réels à l’ordre public ».

R. Ménard : « Comment vous avez réagi au fait que maintenant dans les prisons, vous l’avez vu, les Témoins de Jéhovah vont obtenir des aumôniers ? C’est une secte ou pas une secte, il faudrait savoir ? Vous, vous êtes interministériel et vous dites : « C’est une secte », quoi que vous ayez comme prudence ici et on voit le Ministère de la justice se faire condamner parce qu’il n’y a pas jusqu’à présent d’aumôniers Témoins de Jéhovah. Est-ce que là vous sortez pas de votre job pour aller sur le domaine des croyances des gens ? Et j’ai le droit de croire si je veux à ce que je veux ».

G. Fenech : « Votre interrogation, elle est légitime mais pour comprendre ce problème, il faut savoir d’abord que cette décision de condamnation, qui est réelle, n’est pas définitive... ».

R. Ménard : « On verra, on verra, mais c’est signe d’un malaise, quand même, que c’est pas aussi simple que vous le dites ».

G. Fenech : « Moi je ne suis pas contre à ce qu’un ministre du culte des Témoins de Jéhovah aille rencontrer un Témoin de Jéhovah qui le souhaite lors d’un parloir cultuel. Là où je suis beaucoup plus réservé, c’est de donner un statut d’aumônier qui est un statut… ».

R. Ménard : « Pourquoi ? ».

G. Fenech : « …où on a les clés de la prison, parce que c’est une organisation qui fait du prosélytisme et il risque de se produire un désordre ».

R. Ménard : « Attendez, il y a des catholiques qui font du prosélytisme... »

G. Fenech : « Non ».

R. Ménard : « Il y a des protestants, vous rigolez. Il n’y a pas des regroupements protestants qui font du prosélytisme ? Ceux qui gagnent le plus en adeptes en ce moment, ce sont les sectes protestantes ! ».

G. Fenech : « Vous avez jamais vu chez vous arriver deux personnes ? (…) Vous avez vu des catholiques ou des protestants ? »

R. Ménard : « Et ça vous gêne ? »

G. Fenech : « Mais ça ne me gêne pas, sauf que quand on est en prison c’est un lieu protégé, on a une population de détenus fragiles et il faut les protéger. Alors je suis pour l’exercice du culte… Ce sont les modalités… »

R. Ménard : « Mais s’ils ont envie de croire à ça ; c’est comme les scientologues, c’est leur droit, c’est une autre secte ».

G. Fenech : « Si les gens veulent se laisser mourir et refusent une transfusion sanguine, c’est leur droit. Moi ça me choque, je vais vous dire franchement, surtout quand il s’agit d’enfants, d’ailleurs… ».

R. Ménard : « Attendez, il y a des manières de lutter contre ça. Non mais ce que je veux dire, c’est que appeler « secte » l’Eglise de Scientologie, ça peut paraître des hurluberlus complets, en même temps, en même temps, Nicolas Sarkozy, je vous rappelle qu’il avait reçu Tom Cruise qui est quand même l’ambassadeur de l'Eglise de Scientologie. Là aussi, alors, c’est une secte ou pas ? Là encore, est-ce que vous ne vous mêlez pas, au fond, de ce qui ne vous regarde pas ?  ».

G. Fenech : « Je ne suis pas une police de la pensée ».

R. Ménard : « Un petit peu ».

G. Fenech : « Je ne suis pas une police de l’esprit ».

R. Ménard : « Un petit peu ».

G. Fenech : «  Des esprits criminels, oui ».

R. Ménard : « Non mais attendez, là… »

G. Fenech : « Ceux qui enfreignent la loi, oui ».

R. Ménard : « Là oui, mais on les sanctionne comme on sanctionne, vous, si vous faites quelque chose de pas bien ».

G. Fenech : « Bien sûr, bien sûr, mais moi je ne suis pas là pour sanctionner, je suis une institution… »

R. Ménard : « Enfin quand vous montrez du doigt, ça stigmatise… ».

G. fenech : « Je fais de la prévention. Oui, il m’arrive de stigmatiser certains mouvements parce qu’ils sont porteurs de danger ».

R. Ménard : « Je me rappelle en 1995, c’était pas vous, les Témoins de Jéhovah avaient été montrés du doigt, il y avait des salles qui avaient été brulées, des Témoins de Jéhovah qui avaient été agressés ».

G. Fenech : « C’est regrettable ».

R. Ménard : « Mais oui mais non, c’est parce qu’on avait dit « c’est une secte, il faut leur taper dessus » ».

G. Fenech : « C’est regrettable, c’est regrettable, nous on tape sur personne, on dénonce des dangers ».

R. Ménard : « Mais même aux Nations-Unies, ils ne sont pas d’accord avec vous, rappelez-vous, ils ont posé des questions, je me rappelle de résolutions des Nations Unies, de prises de position en disant : « Attention, en France on a une drôle de conception des sectes ».

G. Fenech : « Ce sont des ONG qui sont des faux nez de ces organisations sectaires qui sont accréditées auprès des Nations Unies ».

R. Ménard : « Alors ça, c’est trop facile quand c’est les Nations Unies qui vous remettent en cause ».

G. Fenech : «Non, c’est pas les Nations Unies… ».

R. Ménard : « Quoi, il sont infiltrés par les sectes ? ».

G. Fenech : « … Ce sont des ONG qui sont des faux nez encore une fois, qui sont accréditées auprès du Conseil de l’Europe, auprès de l’ONU, auprès des instances internationales, elles font un lobbying extraordinaire. Encore une fois je respecte l’Etat de droit et les libertés, ce qui m’importe c’est de protéger les populations vulnérables contre des charlatans !, qui vous promettent monts et merveilles et au final vous perdez tout, y compris votre vie ».

R. Ménard : « Georges Fenech, merci, je ne sais plus qui c’était qui disait : « Une Eglise, c’est une secte qui a réussi », mais ce n’est pas votre point de vue (…) ». 

3-      LCP (La chaine parlementaire) – Ça vous regarde, animé par Arnaud Ardoin – 16 juin 2011 

Une émission de 50 mn, déplorable sur le fond et la forme. 

Les invités d’A. Ardoin sont : Georges Fenech, Catherine Picard, présidente de l’UNADFI, Antoine Guélaud, directeur de la rédaction de TF1, auteur du livre-témoignage « Ils ne m'ont pas sauvé la vie », Agnès Buzyn, cancérologue et Présidente de l’Institut National du Cancer. 

A. Ardoin introduit l’émission comme suit : « On parle ce soir des sectes, le rapport de la MIVILUDES a été remis hier au Premier Ministre ; [ces mouvement sectaires] exploitent le business de l’apocalypse (…) et ils exploitent aussi le business du cancer, en tous cas de ces personnes atteintes de maladies graves (…) il y a derrière d’immenses enjeux financiers ». Notons que le journaliste voit le rapport de la MIVILUDES comme un rapport sur les sectes. Son introduction prend fait et cause pour les conclusions de la mission, il ne prend aucun recul sur les positions de la MIVILUDES. De fait, son plateau est entièrement composé d’acteurs antisectes organiques virulents, à l’exception d’Agnès Buzyn qui se contente d’épouser l’attitude antisectes dominante ; l’invité par webcam s’avérant également être un citoyen péremptoire dans ses condamnations sur les « sectes », bien qu’ignorant tout du sujet. Le thème de l’apocalypse ne sera pas abordé, l’émission étant entièrement consacrée aux thérapies alternatives.  

Avec un tel plateau, il est clair que le sort des thérapies alternatives est scellé : elles seront laminées. A. Ardoin n’est pas un débutant, il sait pertinemment qu’un tel panel ne peut produire une information équilibrée sur un sujet délicat. Son choix d’invités défie toutes les règles déontologiques du journalisme. Pour compenser cette évidente carence, il choisit, par tactique ou par positionnement personnel et l’un ou l’autre est aussi grave, de présenter la question des sectes comme tellement évidente qu’elle ne mérite aucune discussion sur son fondement. De fait, lui et A. Guélaud assènent des propos et propositions antisectes liberticides, notamment sur la nécessité d’établir une liste des sectes.  

Le Directeur de la rédaction de TF1 va utiliser le cas d’Evelyne Marsaleix, décédée d’un cancer et sujet de son livre « Ils ne m'ont pas sauvé la vie », comme le fil rouge de son argumentation. Ce « journaliste » n’a aucune légitimité pour s’exprimer de sang-froid sur le thème des thérapies alternatives tant son implication émotionnelle et affective avec Evelyne Marsaleix est patente (voir notre commentaire sur son livre et sur l’affaire du Dr Guéniot, qu’A. Guélaud accuse d’être un des responsables de la mort d’Evelyne Marsaleix, bien qu’il ait été relaxé par la Justice). Il n’hésite pas à appuyer la piste sectaire en mentionnant le mouvement du Graal qu’aurait croisé Evelyne Marsaleix, alors que cette piste a été clairement écartée par la Justice.  

Deux journalistes se discréditent donc sous nos yeux, ainsi que leur profession, à leur insu visiblement. Rappelons qu'il existe un accord de partenariat entre LCP et la MIVILUDES, mais en aucun cas ce partenariat ne devrait conduire à déprécier à ce point les réflexes journalistiques. 

G. Fenech n’est bien entendu pas en reste mais, de sa part, les positions idéologiques ne sont pas surprenantes ; il est cependant tenu à un devoir de réserve tout relatif, l’obligeant à la prudence sur la question des listes notamment. Quant à Catherine Picard, elle tient un propos indigent, hésitante entre ce qu’elle voudrait bien dire mais ne peut pas vraiment dire pour ne pas risquer de mettre en défaut Georges Fenech, puisqu’elle siège au Conseil d’orientation de la MIVILUDES. Elle admettra être favorable à une liste de sectes « préventive et pédagogique ». Aussi pédagogique que l’ont été celles des rapports parlementaires de 1996 et de 1999, non opposables et permettant de discriminer depuis 15 années les minorités visées ?

Agnès Buzyn reste en général en retrait sur la question des sectes, son objectif est de parvenir à garder les malades dans le giron de la médecine conventionnelle tout en y adjoignant des thérapies « complémentaires » éprouvées. Elle ne peut cependant se prévaloir d’une compétence complète sur ce que recouvrent les thérapies alternatives. Elle aurait pu préciser que le panel de l’émission n’était pas compétent pour couvrir le sujet et aurait pu aussi faire remarquer que « le groupe d'appui technique sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique (PNCVT) », mis en place au Ministère de la santé pour évaluer les thérapies alternatives, à l’initiative de la MIVILUDES, est constitué d’un panel également incompétent, puisqu’uniquement composé de praticiens conventionnels et d’un représentant de la MIVILUDES.  

Le premier reportage au format « buzz » de l’émission est un concentré informe d’expressions qui frappent l’imagination : « jus  de citron », « charlatans », « méthodes non prouvées », agrémentées d’images dont le lien avec le propos n’est pas établi. Ces mini reportages, faisant mine de résumer une situation, recherchent en fait le choc émotionnel et sont des outils d’abêtissement, confondant sciemment ou pas, amalgame et simplisme avec concision.

Le deuxième « buzz » est un témoignage à charge contre le Dr Hamer s’appuyant sur la mort d’un patient ayant utilisé la technique thérapeutique de ce praticien allemand. Il ne s'agit pas pour nous de donner un avis sur cette technique. Mais une affaire impliquant plusieurs parties ne peut être traitée sérieusement dans un reportage en ne présentant qu’une facette des faits. 

Les enjeux financiers, dont seraient friands les gourous et les sectes comme le prétend A. Ardoin, ne sont pas « énormes » pour les thérapeutes alternatifs, c’est le manque à gagner potentiel pour l’industrie médicale, organisée en lobbies, qui est conséquent. Dans ces conditions, les structures évaluant les thérapies alternatives doivent être passées au peigne fin pour tester leur impartialité et leur compétence. G. Fenech précise, lors des échanges, que les évaluations du groupe d'appui technique seront scientifiques : la méthodologie d’évaluation sera-t-elle publique et revue par des experts des thérapies alternatives (rappelons que les rapports du laboratoire Servier sur le Mediator, pour ne prendre qu’un exemple parmi des dizaines, étaient aussi qualifiés de scientifiques) ? Voilà des thèmes qu’un journaliste lucide aurait dû aborder.  

Nous proposons à A. Ardoin quelques éléments d’un débat qui auraient pu faire avancer la réflexion de façon constructive sur les thérapies alternatives : 

-       Relire les cours d’école de journalisme si nécessaire, en espérant que le B-A-BA y soit enseigné.

-     Inviter un panel équilibré et compétent, notamment des représentants des thérapies alternatives, mais également des intervenants capables d'apprécier la méthodologie d’analyse des PNCVT ; G. Fenech, C. Picard, A. Guélaud et A. Buzyn sont incompétents à eux seuls pour en parler.

-          Proposer des reportages où les aspects positifs et problématiques des thérapies alternatives sont illustrés ; le fait de systématiser une image négative sur ces pratiques est une marque de mépris envers les milliers de personnes qui les utilisent et en sont satisfaites et un déni de leur liberté thérapeutique.

-          Pour chaque point de réflexion, proposer une analyse du positionnement des autres pays européens sur le même sujet afin d’éviter cet autisme français très caractéristique. 

G. Fenech : (…) « Il y a un engouement pour tout ce qui est médecines naturelles, douces, sur lesquelles on n’a strictement rien à redire ».

[Cicns] Le CICNS aimerait connaitre la liste de ces « médecines douces » sur lesquelles la MIVILUDES n’a rien à redire. 

G. Fenech : (…) « Le cancer c’est une maladie incurable pour un certain nombre de cancers. C’est tout de même 900 000 français atteints du cancer ; c’est 350 000 chaque année en plus ; et c’est la première cause de mortalité : 145 000 morts. Donc, quand on est face à une maladie, dans certaines formes incurable, on comprend que des gens veuillent aller chercher autre chose ».

[Cicns] Si le cancer est souvent incurable, pourquoi l'utilisation d’une thérapie alternative qui n’aboutit pas est-elle systématiquement déclarée comme responsable de la mort d'un patient ? La « perte de chances » de guérir avec la médecine conventionnelle, dont parle G. Fenech dans ses interventions, est une notion extrêmement discutable et ne peut pas faire l'objet d'une condamnation généralisée sur l’utilisation des pratiques thérapeutiques alternatives. 

C. Picard : (…) « La technique d’emprise des terrains de vulnérabilité qui sont vraiment au cœur du sujet, c’est un sujet qui est un sujet long à expliquer, long à faire comprendre ».

[Cicns] Voir notre dossier sur la manipulation mentale (ou emprise mentale).  

G. Fenech : (…) « La problématique santé, la question de la santé, est sous-jacente à toutes les organisations sectaires parce qu’il y a une recherche de mieux-être, voire même d’un être supérieur (…). C’est devenu pour nous à la MIVILUDES la majorité de notre travail. (...) Moi je me félicite (...) du travail qu'a fait le Ministère de la santé depuis ces dernières années, on a créé un groupe d'appui technique (...), on recense toutes ces méthodes, on a levé un tabou, on est en train de les recenser, de les évaluer. (…) Il y en a à peu près 400 en France, enfin ça bouge tous les jours. Donc, on va les évaluer, on va dire par exemple le Reiki, la kinésiologie, les constellations familiales, la réflexologie, on va dire voilà, c’est dangereux, c’est pas dangereux (…) et on informera ensuite les citoyens sur un site Internet ». 

C. Picard : (…) « En effet, le mouvement de la santé est nécessaire aux mouvements sectaires parce que c’est le moyen d’aller aussi puiser chez l’individu tout ce qui est de l’ordre de l’intime, de lui faire, j’allais dire, avouer des choses, de rentrer au plus profond de ce qu’il ne dit jamais ailleurs parce que nous sommes tous vulnérables vis-à-vis des situations de santé ». 

A. Buzyn : (…) « Nous, on veut surtout insister sur la frontière entre ces médecins alternatives qui font partie des dérives sectaires et qui brassent de l’argent, et ce à quoi les patients ont droit qui sont des médecines complémentaires et les soins de support qu’il faut prendre en compte ». 

G. Fenech : (…) « Il y a quelque chose qui est très important à dire et qui sera probablement l’un de mes prochains combats à la tête de la MIVILUDES sur cette question-là, c’est qu’on n’a pas affaire uniquement à des gourous thérapeutiques isolés. Sont en train de se constituer en France, vous le savez très bien, des facultés ! Des facultés de médecine, dans lesquelles on voit même enseigner des médecins, qui se développent partout en France, il y en a à Paris, des facultés de médecine naturelle, où on délivre des diplômes bidons d’éducateurs de santé, ça coûte à peu près 4000 euros pour l’obtenir, et on forme comme ça des étudiants en médecine naturelle (…) la kinésiologie, le reiki, les constellations familiales, donc moi, j’ai demandé au Ministère de l’Education nationale et au Ministère de la santé pour savoir comment on peut empêcher ce genre de choses. (…) Vous voyez comme c’est grave ». 

C. Picard : (…) « Il y a un travail aussi très, très important à faire, c’est auprès du personnel hospitalier, parce qu’il n’est pas rare de voir dans le personnel hospitalier des infirmières, des aides soignantes qui, parce qu’elles sont elles-mêmes appartenant à un mouvement qui exploite ces techniques, tentent par le biais de leur proximité professionnelle de l’introduire ne serait-ce que dans l’hôpital public ». 

G. Fenech : (…) « Le problème des sectes aussi, c’est qu’on est dans le domaine de la liberté, la liberté de soins. Vous savez que la loi Kouchner, la loi de liberté du malade, on n’est pas obligé de se soigner, on n’est pas obligé de se transfuser, c’est comme ça que les Témoins de Jéhovah utilisent cette liberté, donc tout ça, on est en train de faire tomber un tabou parce qu’on est sur un domaine de santé publique extrêmement important ». 

G. Fenech : (…) « Il y aura une troisième étape, après l’évaluation, après l’information du public, la troisième étape logique, ce serait d’interdire légalement un certain nombre de ces pratiques les plus dangereuses. La réponse elle est ici [Assemblée Nationale] dans quelque temps, le plus vite possible, d’interdire certaines pratiques et que ceux qui s’amuseraient ensuite à proposer le décodage biologique commettraient une infraction susceptible de les mettre en prison, n’ayons pas peur des mots ». 

A. Guélaud : (…) « Sur la prévention, moi je reste persuadé qu’il faut informer davantage encore le public et qu'il faut absolument établir une liste des mouvements sectaires. (…) Les sectes sont aujourd’hui partout et il faut que les gens le sachent. Ce n’est plus le Mandarom avec des gens qui tournent autour d’un pylône et qui sont enfermés. Malheureusement, les mouvements sectaires sont partout, pour faire du fric mais pas seulement, pour conditionner les esprits et moi je trouve que cette liste, elle est indispensable ». 

A. Ardoin : (…) « Excusez-moi, Catherine Picard, il n’y a pas un peu d’idéologie dans le fait qu’on ne veuille plus répertorier ces mouvements ? ». 

G. Fenech : (…) « C’est un sujet sensible. (…) D’abord, on n’a pas de définition juridique d’une secte. Secondo, toutes les sectes ne sont pas à mettre dans le même panier. Il y a des sectes, c’est leur droit d’exister, c’est la liberté d’association, on n’est pas là pour interdire les sectes en France, hein, on serait plus en démocratie si on le faisait, vous imaginez ? Nous, ce qui nous intéresse, ce sont les mouvements qui sont porteurs de danger, voilà. Et pour ceux-là, je peux vous garantir qu’à la MIVILUDES, nous avons un bureau d’ordre, chaque fois que nous considérons qu'il y a un danger quelque part, non seulement un signalement, nous ouvrons un dossier et à partir de ce dossier nous informons les pouvoirs publics, les citoyens, les associations, c’est notre rôle. Alors, appelez-le liste, comme vous voudrez, en tous cas nous, nous avons chez nous des dossiers qui sont référencés en fonction des dangers ».  

A. Ardoin : (…) « Vous dirigez l’Inca, vous êtes médecin, ça vous aiderait un peu quand même une liste comme ça, très claire, très identifiée et que vous puissiez montrer à vos patients en disant : la liste est claire et nette, ces mouvements-là, c’est pas possible, ça serait plus pratique ? Je ne veux pas vous embarrasser, Agnès Buzyn ». 

A. Buzyn : « Quand ils sont dans ces mouvements-là, ils ont déjà échappé à l’hôpital, donc moi mon devoir, il est vraiment en amont, je ne nie pas l’utilité pour les citoyens de connaître ces sectes et même pour les familles, mais mon travail est en amont, d’alerter les patients atteints de cancer très tôt (…) pour dire : voilà, au moment où on vous propose tel type de médecine, alerte, c’est peut-être une dérive sectaire et votre traitement risque d’en pâtir, soyez vigilants ». 

C. Picard : (…) « Moi je serais pour qu’on refasse une nouvelle liste, préventive, pédagogique ». 

G. Fenech : (…) « J’ai comparu, très souvent traduit comme un prévenu devant le tribunal correctionnel, pour avoir cité des noms dans le rapport, Catherine Picard également, et donc vous voyez, ça pose d’autres problèmes ». 

4-      France 2

La chaîne de télévision publique propose un résumé du rapport de la MIVILUDES et trois reportages en forme de « buzz ».

Le premier illustre les dangers des thèses de fin du monde en insistant sur la manne financière que cet « événement » représente pour les sectes. Le site de Bugarach est évoqué comme épicentre du phénomène. La voix du commentaire off est alarmiste, le lien entre les images et le propos est souvent impossible à établir.

Le deuxième aborde les thérapies alternatives. Il reprend le même exemple que le deuxième reportage présenté sur LCP (voir plus haut) sur un patient décédé, ayant utilisé les techniques du Dr Hamer, et y adjoint un sujet supplémentaire sur une pratique de jeûne critiquée par l’Ordre des médecins.

Le troisième reprend en résumé à la fois le thème « 2012 » et celui des thérapies alternatives. 

Le script de ces trois reportages est le rapport de la MIVILUDES. Aucune distance critique, aucune investigation sérieuse n’est proposée, aucun argument contradictoire n’est évoqué, le format du « buzz » le rend de toute façon impossible.  

5-      TF1  

Laurence Ferrari a couvert la sortie du rapport de la MIVILUDES dans le journal de 20h du 15 juin 2011 sous la forme d’un reportage : « Selon le rapport, la cible privilégiée des gourous, ce sont les 900 000 malades du cancer. Parmi cette population affaiblie et donc vulnérable, 60 % des malades ont recours à des médecines alternatives. Le risque, ce sont les dérives proposées par des prétendus spécialistes ; le rapport a identifié 4000 psychothérapeutes auto-proclamés ; leurs séances sont souvent hors de prix et leurs méthodes à défaut d’être efficaces ne manquent pas d’imagination (…) ». Cette introduction donne l’occasion à Georges Fenech, interviewé dans le reportage, d’évoquer « le jus de citron » – son mantra pour la sortie de ce rapport –, l’urinothérapie, etc. 

De même que pour France 2, le script de ce reportage est le rapport de la MIVILUDES. La réflexion journalistique en est totalement absente. 

6-      Europe 1 

L’article d’Aurélie Frex, comme beaucoup d’autres articles, peut se résumer ainsi : « la MIVILUDES dit que…, La MIVILUDES pense que… », etc. Une mission interministérielle employant une douzaine de personnes, disposant d’un budget conséquent, avec des relais dans tous les ministères, dans toutes les préfectures, déploie depuis 8 ans une politique antisectes unique au monde (si l’on se réfère aux démocraties occidentales, s’entend) qui, pour cette raison-là, devrait apparaître suspecte ou à tout le moins questionnable, et les journalistes n’ont rien d’autre à proposer que « la MIVILUDES dit que…, la MIVILUDES pense que… » ? 

Dans un deuxième article, Fabienne le Moal reprend les thèmes du rapport de la MIVILUDES en proposant un mini-clip témoignage d’un frère dont la sœur décédée d’un cancer avait décidé de suivre la méthode du Dr Hamer : « Ma sœur y croyait, elle était à fond dedans, elle m’a dit : « T’inquiète pas, mon frère, je suis en train de guérir » (…) Elle me suppliait de ne pas l’emmener à l’hôpital, c’étaient ses paroles, elle me tenait la main et me disait « A l’hôpital, ils vont me faire mourir » ». 

Fabienne le Moal pense-t-elle, avec un tel témoignage proposé sur fond de remise du rapport de la MIVILUDES, faire significativement avancer les questions du deuil, de la liberté thérapeutique et des thérapies alternatives ? 

S’il s’agit de compter les morts, alors la médecine conventionnelle bat les thérapies alternatives à plate couture. S’il s’agit de lutter contre les charlatans, alors la proportion doit être la même dans les deux camps. S'il s'agit d'évaluer les thérapies alternatives, alors il est nécessaire de lancer une réflexion ouverte et publique. La question principale posée est donc de savoir si les organismes en charge de cette évaluation aujourd'hui, MIVILUDES et cellule d'appui technique au Ministère de la santé, apportent les garanties nécessaires dans un pays où la médecine conventionnelle est sacralisée (voir Sacrée médecine – Histoire et devenir d’un sanctuaire de la raison, Jean Baubérot et Raphaël Liogier, Entrelacs) ? Cette question essentielle n’est abordée par aucun média. 

7-      Le Monde 

Le Monde propose un article bref en forme de compte rendu du contenu du rapport. Aucune mise en perspective n’est présentée, aucune analyse de la politique de la MIVILUDES n’est envisagée.

Lors d’un entretien avec Stéphanie Le Bars (responsable des questions religieuses et cultuelles), la journaliste nous avait précisé que la direction rédactionnelle ne souhaitait pas aborder la question des sectes, trop « difficile » en France. Nous convenons que cette question est difficile mais surtout si le courage manque pour l’aborder de front. Un journal de référence comme le Monde ne devrait pas pouvoir se cacher derrière la difficulté d’un sujet pour ne pas le traiter. Dernièrement, Stéphanie Le Bars a couvert la question des aumôniers Témoins de Jéhovah (Le Monde, 31 mai 2011). Pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas aller demander des comptes beaucoup plus fouillés à Georges Fenech ?  

8-      Le Monde des religions 

Le Monde des religions traite le sujet de façon similaire à celle du Monde. Pour des raisons probablement identiques également, le staff de Frédéric Lenoir nous avait précisé que ce dernier ne souhaitait pas aborder la question des sectes dans ce média. Nous adressons donc les mêmes remarques au Monde des religions qu’au Monde : si ce thème génère des réactions épidermiques, c’est une raison supplémentaire pour l’aborder et démystifier la peur des « sectes ». De plus, dans le climat antisectes français, un compte rendu « neutre » du rapport de la MIVILUDES n’est en fait plus neutre, il s’inscrit dans la pensée unique qui étouffe ce sujet de société. 

9-      Le Figaro 

Le Figaro intitule son article : « Fin du monde : l’alerte de la mission antisecte ». Le Figaro a au moins compris que la MIVILUDES ne lutte pas contre les dérives sectaires mais contre les sectes. Cet article relaie les inquiétudes de Georges Fenech en reprenant l’argument massue des morts de l’Ordre du Temple Solaire : « Seize personnes, membres de l'OTS, l'Ordre du Temple Solaire, avaient été immolées par le feu ». L’auteure de l’article, Angélique Négroni, ne cherche pas à savoir qui aurait immolé ces personnes, alors même que pendant une dizaine d’années les médias (et probablement le Figaro aussi) ont affirmé que les membres de l’Ordre du Temple Solaire s’étaient suicidés et que la Justice a clos le procès de l’OTS par un non lieu.  

L’affaire Lé Dinh est également évoquée. La journaliste précise que R. Lé Dinh a fait appel, mais les propos tenus ne laissent aucun doute sur la culpabilité finale de cet homme. Il est vrai qu’un vulgaire gourou de secte ne peut pas bénéficier des précautions oratoires qui ont entouré la personne de Dominique Strauss-Kahn, à juste titre, au sujet de sa présomption d’innocence (Robert Lé Dinh a été laminé par la presse avant le verdict du procès en première instance) et il est clair que si DSK est déclaré coupable et fait appel (dans la mesure où cette possibilité lui est offerte), beaucoup dans la presse sauront rappeler qu’avant sa condamnation définitive, il n’est pas coupable. 

En fin d’article, Angélique Négroni cite Georges Fenech, sans percevoir le double langage du haut fonctionnaire : « Il ne s'agit évidemment pas de créer une psychose, mais nous sommes dans notre rôle en sensibilisant les pouvoirs publics à d'éventuels dangers et en proposant des mesures de prévention ».  

10-   Les Inrockuptibles 

L’article de Laure Adolphe est plus équilibré que la plupart de ceux que nous avons consultés.  

Néanmoins, quelle impulsion a poussé le concepteur de la page à insérer une image illustrative extraite du film Eyes Wide Shut, une scène où Tom Cruise est introduit dans une société secrète, sans aucun lien avec le contenu du rapport de la MIVILUDES, si ce n’est dans le but d’établir une association, consciente ou pas, entre les sectes et l’attrait pour une certaine forme de luxure évoquée dans le film de Stanley Kubrick ?  

300 pages de rapport sont résumées en 10 lignes. Ce type d’exercice, sans prise de recul et sans réflexion de fond sur la politique antisectes française à laquelle il pourrait être fait référence, est forcément une impasse. La journaliste présente ce qu’elle appelle la réponse des « sectes apocalyptiques face aux accusations présentes dans le rapport » et cite pêle-mêle : les Témoins de Jéhovah, la Scientologie (qui n’a rien à voir avec l’apocalypse), le CICNS (qui n’est pas un groupe spirituel mais une association d’information). 

Cet article, malgré sa recherche d’équilibre louable, illustre l’inculture médiatique généralisée sur la question des « sectes » qui est pourtant un marronnier médiatique.  

11-   La Croix 

Sur le thème des dérives sectaires, le journal La Croix adopte en général une position plus mesurée que celle du discours dominant. Cette réflexion critique semble avoir disparu pour le compte rendu de cette mouture 2010 du rapport de la MIVILUDES, hormis une timide référence au sociologue Jean-François Meyer : « Selon lui, on ne peut exclure qu’avec 2012 « un ou deux groupuscules dérivent », mais « beaucoup de prédictions évoquent avant tout un processus de renouveau, ce qui relativise les inquiétudes ». » 

12-   Le JDD 

L’article du JDD commence ainsi : « Mercredi, la MIVILUDES, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes, a publié son rapport annuel ». Comme dans le cas du Figaro, il est à la fois réconfortant et interpellant de constater que le JDD voit en la MIVILUDES une mission de lutte contre les sectes. Car c’est effectivement de cela qu’il s’agit. Mais si l’hypocrisie est dénoncée (sectes versus dérives sectaires), il n’en reste pas moins qu’un journaliste incapable de vérifier la signification du sigle de la MIVILUDES a probablement lu son rapport de façon superficielle, sans parler de la façon dont ce journaliste peut évaluer l’action de la MIVILUDES de façon générale. De deux choses l’une, soit le sujet n’a aucun intérêt pour la rédaction et pourquoi alors ne pas décider de ne point en parler (ou alors simplement de manière laconique en mentionnant un lien vers le site de la MIVILUDES) ? ; soit le sujet a un intérêt pour la rédaction et il faut le travailler un peu plus. 

13-   L’Express 

En guise d’évaluation du rapport de la MIVILUDES, L’Express choisit d’interroger Charline Delporte présidente de l’ADFI Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Sachant que l'UNADFI, en la personne de sa présidente Catherine Picard, siège au Conseil d’Orientation de la MIVILUDES, c’est un peu comme si un journal allait interroger Christophe Barbier pour savoir ce qu’il pense de la ligne éditoriale de l’Express. Comme, par ailleurs, Charline Delporte n’est pas tenue à un devoir de réserve hypocrite, elle se lâche sans vergogne : « Nous souhaitons que soit mise en place une campagne nationale contre les dérives sectaires au même titre que d'autres dépendances telles que l'alcool, les drogues ou le tabac ». 

14-   Le Point 

Le Point reprend les éléments du rapport de la MIVILUDES sur l’aspect « santé », sans analyse critique, ni des éléments présentés dans le rapport, ni de l’action de la MIVILUDES dans son ensemble. Néanmoins, un paragraphe intitulé « se sentir acteur de son traitement » présente les bénéfices de médecines alternatives/complémentaires, citant le Dr Etienne Brain : « En Europe, on a encore beaucoup de mal à rentrer dans cette démarche. Les médecins ne doivent pas être catégoriquement fermés à ces médecines complémentaires car c'est le meilleur moyen de laisser les malades s'y engouffrer de manière désordonnée ». La journaliste Chloé Durand-Parenti aurait pu nuancer les propos du Dr Etienne Brain qui semble généraliser un peu vite à l’Europe une attitude d’ostracisme très française vis-à-vis des thérapies alternatives (la Suisse les a déjà intégrées à la Faculté de médecine). 

15-   Libération, Nouvel Observateur

Libération et Le Nouvel Observateur (ce dernier magazine a écrit plusieurs articles équivalents sur le sujet) citent, entre autres, une dépêche AFP. Comme nous l’avons fait remarquer au sujet du Monde, une dépêche apparemment neutre sur le contenu du rapport de la MIVILUDES, dans un contexte où tout contradictoire a été supprimé, n’est plus neutre, elle valide la pensée dominante. 

16-   Paris Match 

Paris Match traite le sujet à l’instar des autres médias, sans aucune mise en perspective : « Le rapport annuel de la MIVILUDES, rendu public ce mercredi, met en garde contre les «pseudo-thérapeutes » et leurs méthodes miracles censées guérir les cancers et autres maladies incurables ». Si ces maladies sont incurables, quel besoin impératif y aurait-il à rester dans le giron de la médecine conventionnelle qui ne répond plus aux demandes de patients de plus en plus nombreux ? Cette écriture réflexe illustre le manque d’approfondissement des questions évoquées. 

17-   Ouest France 

« Sectes. Le jus de citron ne guérit pas le cancer et 2012 n'est pas la fin du monde ». Un article sans surprise. Il est probable que le « jus de citron » a connu son heure de gloire avec la sortie du rapport 2010 de la MIVILUDES. La répétition compulsive des mêmes expressions et slogans, dont Georges Fenech sait très bien faire usage, participe au naufrage de la réflexion sur la question des minorités spirituelles, thérapeutiques et éducatives. 

18-   La Dépêche 

La Dépêche commente la sortie du rapport en consacrant un article complet à l'affaire R. Lé Dinh (probablement parce qu'il est de la région). Un autre article contient une interview de G. Fenech qui connait bien le pitch de son rapport.  

19-   AFP 

L’AFP nous a contactés pour avoir notre point de vue sur le rapport de la MIVILUDES et a diffusé un nouvel article mentionnant notre avis (tout en faisant une faute sur le sigle de notre association : CNIS au lieu de CICNS). Cet article et nos commentaires ont ensuite été repris par un certain nombre de journaux : Nouvel Obs, La Dépêche, L’Indépendant, Midi Libre, Ouest France, Dernières Nouvelles d’Alsace, ActuOrange, Tribune de Genève. 

Comme nous l’avons précisé en introduction, si la prise en compte de notre voix est un progrès, la réflexion journalistique ne peut s’arrêter là. La façon dont les dépêches AFP sont copiées-collées illustrent d’ailleurs le mimétisme journalistique. 

Annexe – Extraits du rapport 2010 de la MIVILUDES concernant l'action dans les autres pays européens

Ces extraits démontrent que la France est le seul pays à opter pour une lutte contre les sectes institutionnalisée. Les médias seraient bien inspirés d’observer nos voisins pour analyser la situation française.

Suisse  

« En Suisse, où les questions religieuses relèvent avant tout de la compétence cantonale, les autorités fédérales ne se préoccupent guère des dérives sectaires.

Le Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC) – qui est, en Suisse, la seule institution en mesure d’apporter des éléments d’information sur une menace potentielle de dérive sectaire – fait preuve de la plus grande sérénité à ce sujet.

(…) Les autorités cantonales genevoises, vaudoises, valaisannes et tessinoises n’ont pas rédigé de rapport sur les messages apocalyptiques favorisant les phénomènes d’emprise mentale ». 

Espagne 

« Bien qu’il n’y ait pas en Espagne d’importants phénomènes d’emprise mentale liée à des messages apocalyptiques, il existe un groupe organisé qui s’active dans ce domaine : El grupo de supervivencia de España 2012 ». 

Pays-Bas 

« Les services de l’État avouent l’absence de prise en compte officielle de ce phénomène. Historiquement, la réglementation néerlandaise n’a jamais encadré le phénomène sectaire.

Le droit pénal local ne peut encadrer que de façon très marginale les déviances qui pourraient y être liées. Une jurisprudence très maigre témoigne de ce manque d’intérêt des pouvoirs publics. En corollaire, ni les services de police du KLPD (Corps national de police criminelle), ni les services de renseignement (AIVD) n’ont mené une quelconque étude d’impact sur le « phénomène 2012 ».

(…) En conclusion, si des incidents ou des troubles à l’ordre public sont toujours possibles, ils s’inscriraient aux Pays-Bas, selon les autorités locales consultées, dans des démarches davantage individuelles que collectives ». 

Belgique 

« La Belgique ne connaît pas de développement sensible des mouvements millénaristes, mais reste vigilante à leur encontre.

Les activités du « Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles » (CIAOSN) sont largement déterminées par les sollicitations du public qui a recours à lui. Particuliers et associations saisissent le Centre en fonction des problèmes rencontrés, qui sur le long terme conservent, aux yeux de son président, des caractéristiques largement similaires. Dans ce contexte, le Centre n’a pas relevé de montée sensible du phénomène millénariste ». 

Allemagne 

« Aucune autre mesure ou initiative n’est prévue dans le cadre de la prévention « apocalypse » car, bien que ce sujet mérite toute l’attention des autorités, elles n’envisagent pas d’instaurer un « groupe de travail » spécifique en l’absence d’éléments de danger concrets ». 

Italie 

« En Italie, la menace d’actions d’envergure de la part de groupes ou d’idéologie active de type apocalyptique ne semble pas constituer un risque effectif, au vu des bases de données actuelles, même si l’attente de la date prophétique de 2012, accompagnée de peurs pseudo-scientifiques relatives à l’arrivée de catastrophes imminentes planétaires, sont présentes dans ces milieux ». 

Norvège 

« Il n’y a pas de messages de type apocalyptique véhiculés actuellement en Norvège à l’approche de l’année 2012 ».

Finlande 

« Si les médias, en Finlande, se sont bien fait l’écho des différentes « prédictions » autour de l’année 2012, celles-ci ne semblent pas avoir soulevé un intérêt particulier dans la population ». 

Danemark 

« L’ambassade de France au Danemark indique que le recensement des mouvements de nature « millénariste » ou « apocalyptique » susceptibles d’être à l’origine d’une emprise mentale sur les personnes n’a abouti à aucun résultat dans ce pays, qui observe à l’égard des « mouvements spirituels » une très grande tolérance ». 

Suède 

« De même, aucun groupe de nature millénariste n’a été recensé en Suède. Ce pays fait traditionnellement preuve d’une très grande tolérance à l’égard des « mouvements spirituels ».

Les autorités procèdent à leur surveillance uniquement dans le cas où des infractions pénales pourraient y être commises ». 

Portugal 

« Au Portugal, le ministère de l’Intérieur, sollicité par l’ambassade, a indiqué – après consultation des différentes forces de sécurité – qu’il n’existe aucune information, aucun événement, aucune plainte en relation avec le phénomène des messages apocalyptiques ».

Pologne

« En Pologne, en l’absence de structures publiques, seule l’Église polonaise tente d’assurer un suivi des messages millénaristes ». 

Russie 

« En Russie plus qu’ailleurs, l’idée apocalyptique occupe une place à part dans l’histoire. Diffuse dans la pensée et dans l’inconscient russes, cette idée va bien au-delà de mouvances à caractère sectaire dont elle n’est pas le monopole. Sa prégnance historique explique sans doute que l’approche de l’année 2012 ne cristallise pas autant qu’aux Etats-Unis ou en Europe occidentale les peurs irrationnelles ». 

 

 

Haut de page


© CICNS 2004-2015 - www.cicns.net (Textes, photos et dessins sur le site)