Rapport 2007 de la MIVILUDES
Ecrémage,
critiques, questions pertinentes et impertinentes, un
condensé des 234 pages dont nous vous épargnons
volontiers la lecture.
Un
compte-rendu de lecture de
Denis Mathieu
Lire
également le commentaire d'Éric Bouzou
Lire
également le commentaire de Michel de Courtelle
INTRODUCTION
(et page culinaire).
1
I-
La besace de la MIVILUDES, ou le toujours plus grand sac des « dérives
sectaires ».
3
II-
La MIVILUDES attaquée avance des « preuves » de son utilité, en
lettres plus qu’en chiffres :
4
Introduction.
4
1-Retours
des ministères.
5
2-« Actions
de lobbying effrénées » ( !)
7
Conclusion.
9
III-
La politique dite de lutte contre les dérives sectaires, tenants et
aboutissants (non exhaustif)
9
1-Incompatibilité
avec les fondements de la Constitution française.
10
2-
« La fonction déclamatoire de la loi ».
10
3-
La MIVILUDES, instrument de l’hégémonie républicaine.
11
4-
Actions de lobbying effrénées ( ?)
12
IV-
Arrêts sur quelques pages.
13
1-
Datura et Chamanisme : la culpabilité par contagion.
13
2-
Une centaine selon les observateurs, 25 000 selon la police.
14
3-
Carnet de voyage en Europe centrale d’un militant antisecte français.
15
4-
Discriminations au quotidien.
16
5-
Instrumentalisation de l’émotion :
17
6-
« Faux souvenirs induits » :
18
Conclusions.
19
Dans
un article du Monde du 4 avril 2008,
intitulé « Critiquée,
la Miviludes
défend le principe d'une "liste" des sectes », on pouvait lire : « M.
Roulet a de nouveau défendu l'instauration d'une "liste" des
organisations sectaires, méthode dans laquelle il voit "plus
d'avantages que d'inconvénients". Un avis apparemment partagé par le
premier ministre, qui s'était prononcé en février pour une "actualisation"
de la liste de 1996, et par le président de l'Assemblée nationale, Bernard
Accoyer (UMP) qui, dans un entretien à
La Croix
, le 2 avril, a estimé à "plusieurs centaines de milliers le nombre de
victimes de groupes sectaires" »
Un
premier ministre et le président de l’assemblée nationale française émettent
un avis favorable à l’établissement de listes publiques de citoyens et de
groupes de citoyens soupçonnés de « dérives sectaires ».
Pas
une voix ne s’élève dans l’hémicycle ou dans un grand média pour dénoncer
cette incitation à des pratiques qui bafouent toutes les valeurs démocratiques
et renvoient
la France
aux heures les plus sombres de son histoire.
Que
se passe-t-il en France ? Le présent commentaire contient de nombreux éléments
de compréhension.
La
méthode de listage de pratiques, d’individus et de groupes à risque sur des
critères aussi subjectifs et arbitraires que
«la
rupture avec l’environnement d’origine et le discours anti-social »
s’est pratiquée en réalité sans discontinuité depuis
une vingtaine d’années sous une forme insidieuse.
La
recette est simple :
Ingrédients :
Des
mots qui font peur (selon la saison, mais les valeurs sûres restent « Sectes »,
« Gourous », « Enfance en Danger », « Suicide »,
« Pédophilie », « Manipulation mentale ») :
c’est en quelque sorte la levure.
Des
faits divers choquants ayant un rapport même vague avec le sujet principal :
les épices.
Un
discours de base policé, bien structuré, discrètement péremptoire, de
type Enarque : c’est la farine.
Des
exemples de ce que l’on avance (très peu suffisent).
Les
noms de groupes et pratiques que
l’on souhaite jeter au banc de la société (selon le goût).
Enfin,
peu de tout et n’importe quoi : études approximatives, intentions
diverses, rapports d’activité… : c’est le liant de ce que nous ne pouvons
appeler une farce par respect pour ceux qui en sont victimes.
Mise
en œuvre :
Mélanger
le tout (l’ordre importe peu).
Prendre
un support peu attaquable juridiquement, protégé par une certaine immunité
comme un rapport de commission d’enquête parlementaire ou un rapport fait au
premier ministre.(si la recette « attache » prévoir un renforcement
de l’immunité).
Etaler
par couches successives.
Servir
frais. Sachant que le plat mettra plusieurs mois ou années à être consommé
intégralement et supportera assez bien
d’être réchauffé.
C’est
un plat par nature indigeste, mais la majorité y trouvera satisfaction,
choisissant selon son humeur un élément ou un autre pour
satisfaire ses goûts.
Les
plus réticents se laisseront tenter par l’enthousiasme général ou
n’auront qu’à choisir une autre cantine.
Le
rapport 2007 de
la MIVILUDES
s’inspire de cette recette, comme l’argumentaire antisectes en général.
I-
La besace de
la MIVILUDES
, ou le toujours plus grand sac des
« dérives sectaires ».
De
nombreux articles de presse se sont fait le relais du rapport. Nous avons relevé
sur internet cette réaction d’une lectrice :
« Je
suis effarée de votre article sur "les charlatans" paru dans votre
journal du 3 avril 2008. Je suis sophrologue, dispose de tous mes diplômes, et
je rencontre de façon régulière des sophrologues rattachées à des unités
hospitalières notamment dans des centres de la douleur. J'aimerais obtenir un
droit de réponse, autre que cette réponse mail sur votre journal, auquel se
joindront d'ailleurs d'autres collègues. MERCI DE M'INDIQUER LE PROCESSUS
notamment pour rencontrer un de vos journalistes et éclaircir ces propos
diffamatoires sur la profession. Bien à vous. » N L.
Cette
lectrice, réalisera vite que l’article ne fait que suivre l’impulsion donnée
par le rapport de
la MIVILUDES
, rattachée au premier ministre de son pays et si elle poursuit sa recherche,
elle réalisera qu’elle vient tout simplement, de par sa profession, de
rejoindre dans le grand sac des dérives sectaires nombre de ses concitoyens qui
chacun un jour, s’est retrouvé aussi effaré qu’elle devant cette
situation.
Le
bouc émissaire idéal est adaptable à volonté et le rapport 2007 de
la MIVILUDES
en fait un usage immodéré par le biais de l’expression fourre-tout « dérive
sectaire ».
« Il
n’y a pas en droit français de définition juridique de la secte (…)
L’Observatoire interministériel sur les sectes constatait dès 1997 que «
tenter de définir et figer dans un texte, de façon forcément restrictive, une
notion au contenu évolutif et non maîtrisable (…), ne serait pas de nature
à faciliter l’exercice de l’action publique contre les dérives de ce phénomène.
» Il convient de
constater, dix ans plus tard, la justesse de cette analyse : aujourd’hui les dérives
sectaires sont plus nombreuses dans le domaine de la santé, des thérapies
alternatives et du développement personnel, que dans le cadre à proprement
parler spirituel et religieux. »
Dans
un autre passage du rapport :
« Ainsi, il importe peu que telle dérive soit commise par un mouvement
sectaire, un nouveau mouvement religieux, une religion du Livre ou par un
charlatan de la santé. Dès lors qu’un certain nombre de critères est réuni,
dont le premier est la mise sous sujétion, l’action répressive de l’État
a vocation à être mise en œuvre. »
« La
« profession » a choisi de s’organiser dans une période où les initiatives
commerciales en la matière prenaient des directions très diverses et
s’engageaient dans un certain nombre
de cas sur le chemin de dérives, a
minima commerciales, et au-delà, éventuellement susceptibles d’être qualifiées
de pratiques à dérives sectaires. »
Et,
plus loin :
« Ce
positionnement (…) expose de fait la FVD
à un risque d’adhésion de réseaux sensibles au risque de dérives
sectaires. »
C’est
la culpabilité par contagion.
Enfin :
validation du risque par les « critères officiels » (et non
reconnus juridiquement) rappelés dans le présent rapport :
–
forte emprise sur l’individu avec changement de personnalité du nouvel adepte
–
caractère exorbitant des exigences financières
–
rupture avec l’environnement : diabolisation de la famille, des amis et de
tous
ceux qui attaquent le gourou ou le mouvement
–
existence d’atteintes à l’intégrité physique et psychologique
–
embrigadement des enfants, discours antisocial et trouble à l’ordre public
–
importance des démêlés judiciaires
–
détournements des circuits économiques traditionnels
–
tentative d’infiltration des pouvoirs publics
–
élitisme et culte de la personnalité
–
mode de recrutement fondé sur la séduction
–
mode de vie différent : communauté, prosélytisme, vêtements et alimentation
différents,
refus des soins conventionnels… »
Il
est aussi rappelé qu’un seul critère rempli ne suffit pas à jeter l’anathème,
l’exemple des « réseaux de vente multi-niveaux » nous permet de
voir que deux suffisent :
« Il
se profile ici deux des critères généraux d’appréciation du risque
sectaire : la rupture avec l’environnement d’origine et le discours
anti-social. »
Voilà,
c’est aussi simple que cela, bienvenue aux réseaux de vente multi niveaux
dans le grand sac des « groupes à risque de dérives sectaires » ;
ou devrions-nous dire la besace 2007 de
la MIVILUDES
?
II-
La MIVILUDES
attaquée avance des « preuves »
de son utilité, en lettres plus qu’en chiffres :
Le
mot du président qui introduit le rapport est en grande partie une réponse aux
critiques faites à la politique de
la MIVILUDES
par ce qu’il appelle « la mouvance sectaire ».
C’est
une option qui peut paraître étonnante pour introduire le rapport annuel
d’un organisme d’État.
Ne
pourrait-il laisser les chiffres signifiant son résultat d’activité parler
d’eux-mêmes ?
Après
avoir parcouru intégralement les 234 pages du document, nous pouvons répondre
par la négative : ce rapport comme les précédents ne contient aucun
chiffre, aucune statistique probante justifiant les dénonciations de
la MIVILUDES.
Quand
Monsieur Roulet dit « Eh bien,
pendant trois ans, j’ai rencontré quotidiennement ces victimes que l’on
voudrait invisibles, j’ai écouté leurs familles, j’ai mesuré les dégâts,
les dommages irréparables commis par tout ce que la mouvance sectaire compte de
gourous et d’apprentis sorciers. », quand
la MIVILUDE
a pour mission de «lutter contre les agissements des mouvements à
caractère sectaire qui sont attentatoires aux droits de l’homme et aux libertés
fondamentales ou menacent l’ordre public »,
et qu’ils dénoncent des pratiques et
croyances qui concernent des centaines de milliers de citoyens au bas mot, on
pourrait s’attendre à voir cités un nombre conséquent de procédures
judiciaires qui ne pourraient manquer de sanctionner des « atteintes aux
libertés fondamentales ». D’autant plus que la première interpellation
de ceux qui critiquent la politique de
la MIVILUDES
est une incitation à produire des preuves factuelles à l’existence de ce
qu’elle dénonce comme un fléau social.
C’est
pour ainsi dire incidemment, dans le corps du texte, que l’on reçoit quelques
données concrètes sur l’activité de
la MIVILUDES
: Elle aurait procédé à 41
signalements
depuis 2005. Il faut savoir pour mesurer ce chiffre que chaque année en
France les affaires pénales se comptent par… millions
Le
chapitre contenant les rapports des différents ministères dans le domaine de
la lutte contre les dérives sectaires est extraordinairement dépourvu de faits
avérés de délinquances, mais rempli de désignations arbitraires et de
suspicions.
On
(mais pas
la MIVILUDES
semble-t-il) se souvient du chiffre donné officiellement par les inspecteurs
représentant l’éducation nationale qui, questionnés par la dernière
commission d’enquête parlementaire sur les « sectes », font état
de 8 cas ayant un lien supposé avec une dérive sectaire sur 19 000
signalements d’enfants en danger sur une année.
Le
nouveau bilan d’activité porté à notre connaissance par le présent rapport
ne semble pas démentir ces chiffres :
« L’année
2007 a
été pour la cellule de prévention des phénomènes sectaires, une année
durant laquelle elle a continué à mener son rôle de coordination et
d’alerte.
La CPPS
(cellule chargée de la prévention des phénomènes sectaires dans l’éducation)
a, en effet, été informée :
–
d’une demande de renouvellement d’instruction dans la famille
d’enfants dont les parents appartiennent à la secte Tabitha’s Place ;
–
de l’ouverture d’une école privée hors contrat à Brest « Cours primaire Notre-Dame de Rumengol » ;
–
du souhait de l’association « Les enfants d’abord » que de nouvelles
modalités de contrôle de l’instruction dans la famille soient mises en œuvre
rapidement.
L’Inspecteur
d’académie du Gard nous a alertés sur un
dysfonctionnement et une présomption de dérives de type sectaire dans
trois établissements hors contrat. Conformément à la loi du 18 décembre 1998
des contrôles pédagogiques ont été
effectués et aucune dérive sectaire
n’a été constatée. »
C’est
tout…
Par
contre :
« Les
responsables de
la CPPS
ont organisé, comme il est de tradition, un séminaire annuel de formation et
d’information à destination de leurs correspondants académiques afin
d’attirer leur attention sur les nouvelles formes des activités sectaires… »
En
vain semble-t-il...
Le
Ministère de la santé et des sports quant à lui s’inquiète principalement
des
« Pratiques
Non Conventionnelles A Visée Thérapeutique (PNCAVT) »
(…)
Ces PNCAVT, qui n’ont reçu aucune validation scientifique, se développent en
marge du système de santé et présentent un certain nombre de risques et/ou de
dérives qui comportent de nombreuses similitudes avec les dérives sectaires
(…)
Cela
suffit donc à justifier l’allocation par
la MIVILUDES
de cet espace d’affirmation gratuite au ministère.
En
quelques lignes sont associés :
« risques
graves pour les enfants », « illuminés charlatans escrocs »,
« prétendues formations »
et
«fondement
ésotérique ou mystique », «qui mettent en avant les bienfaits de
la « nature » », « d’origine néo-orientale »,
« inscrites dans une recherche de « développement personnel » »
sans oublier de citer le mot clé « New
age ».
On
retrouve, dans le bilan temporaire de ce qui est nommé une lutte, les « actions
engagées par le ministère en 2007 »
(numérotées).
Voici
celles qui mentionnent un cas concret qui justifierait la lutte
« 2)
Un signalement aux autorités judiciaires, par le Directeur général
de la santé, d’une PNCAVT et de son créateur-promoteur (…) Ainsi, au mois
d’août 2007, le Directeur général de la santé, après un minutieux examen
du dossier par ses services, a adressé aux autorités judiciaires un signalement
concernant le créateur-promoteur d’une PNCAVT qu’il a considérée comme
particulièrement préoccupante. »
« 3)
Suites d’une plainte de la DHOS
aux autorités judiciaires, pour une situation d’usurpation de titre Une
plainte a été déposée en 2005 par
la DHOS
auprès des autorités judicaires, pour usurpation de titre, à l’encontre du titulaire d’un diplôme de docteur en philosophie
(Ph.D), … »
« 4)
Refus opposé par
la DHOS
aux demandes d’exercice de la médecine
traditionnelle chinoise… »
La DHOS
a refusé
de délivrer une autorisation
d’exercice de la médecine
à
une personne titulaire d’un diplôme de médecine traditionnelle chinoise, qui
…
« 6)
Des études commanditées par la DGAS
sur la méthode dite « Communication facilitée », peu concluantes quant à
son efficacité… »
Nous
nous sommes rendus sur le site Internet du ministère de la santé afin de
constater l’importance qui y est donnée aux « Dérives sectaires »
et aux « PNCAVT »:
Rien
à «
La Une
», rien dans les « Campagnes nationales », rien dans «
la Presse
», ni dans les « alertes sanitaires »…
-Résultats
de recherche avec le moteur interne du site :
Votre
requête "pncavt"
correspond à 0 sur 55496 documents.
(Temps
d'exécution: 0.747 s)
Aucun
document trouvé
Le
mot aurait-il été inventé juste pour le rapport de
la MIVILUDES
?
On
ne trouve pas non plus sur le site de document dédié aux dérives sectaires
hormis, perdues dans les arborescences, des circulaires internes et les archives
des textes de lois qui leur sont consacrés.
Pourquoi
les propos extrêmement alarmistes tenus par le ministère de la santé dans son
rapport à
la MIVILUDES
ne sont-ils pas repris sur son site Internet ?
Nous
voyons deux hypothèses pour expliquer ce phénomène :
-
Le ministère de
la Santé
se plie aux consignes de
la MIVILUDES
sur les dérives sectaires sans vraiment y croire.
-
Le rapport de
la MIVILUDES
est une sorte d’exutoire ou de zone de non droit (zone de « tous les
coups sont permis ») où le ministère tient des propos qui le servent
mais qu’il ne peut pas décemment exprimer plus officiellement.
Toute
autre explication rationnelle est la bienvenue.
Les
autres ministères n’apportent pas plus que le ministère de la santé de
preuve d’un fléau majeur envahissant le pays.
A
noter dans le rapport du ministère de la défense, un chapitre particulièrement
scandaleux (de la part de fonctionnaires assermentés) de son rapport
d’activité qui désigne nommément des personnes morales intitulé :
« Viols et agressions sexuelles commis au sein de la secte « Tang ». »
A
la dernière ligne duquel on apprend que rien n’est ni jugé ni prouvé :
« Les investigations à mener ont pour but d’établir
la vérité quant aux accusations graves portées par des ex-adeptes. »
Les
rares cas cités dans l’ensemble du rapport sont la plupart du temps anciens,
et /ou approximatifs, souvent calomnieux ou irrespectueux de la présomption
d’innocence.
Dans
la l’obligation actuelle de
la MIVILUDES
de justifier son existence, une telle sélection s’est faite à l’évidence
faute de mieux et non pas faute de temps ou de devoir se justifier et révèle
donc à elle seule l’énormité du mensonge que
la Mission
semble avoir pour fonction d’entretenir.
Un
chapitre entier du rapport est consacré à dénoncer des « actions
de lobbying effrénées » de la « mouvance
sectaire » au niveau de l’Europe,
chapitre intitulé :
« Stratégie
d’influence de la mouvance sectaire à l’international : l’exemple de
l’OSCE »
Voici
donc l’occasion de saisir la réalité concrète d’instances internationales
méconnues, qui portent réellement un espoir de voir se concrétiser les textes
fondamentaux ayant inspiré nos démocraties mais qui y sont ouvertement malmenés :
un retour aux sources, l’égalité de droit et de parole du simple citoyen
avec toute instance qui le gouverne. C’est aussi l’occasion de comprendre à
quel point leur mission est urgente.
Citons
la MIVILUDES
:
« L’OSCE
est un vaste forum de consultations et de négociations pour les 56 États
participants (Europe occidentale, centrale et orientale, États-Unis et Canada).
Elle a été conçue de telle sorte que les sociétés civiles des pays membres
puissent exprimer leurs doléances lorsqu’elles estiment que leurs libertés
fondamentales sont bafouées. Ce principe permet une bonne défense des libertés
individuelles là où elles sont menacées. »
« Elle est ouverte aux représentants de la société civile qui peuvent
s’exprimer à égalité avec les délégués des États dans le cadre de
plusieurs sessions thématiques parmi lesquelles celles concernant les droits
fondamentaux ».
« Et les mouvements sectaires l’ont bien compris qui s’affichent
sans le moindre scrupule sur un pied d’égalité avec d’autres ONG qui
expriment légitimement leurs souffrances. »
Tout
est dit : pour
la MIVILUDES
les mouvements dits sectaires ne sont pas à égalité avec les autres citoyens
et n’ont aucune légitimité pour exprimer leurs souffrances.
La
cerise sur le gâteau ou plutôt l’arête dans le gosier de
la MIVILUDES
:
« En
1999 par exemple, le panel désignait comme animateurs d’une session supplémentaire
du BIDDH (Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme),
sur le « pluralisme religieux » M.
Alain Garay, qui fut un temps l’avocat
des Témoins de Jéhovah, ainsi que M. Massimo
Introvigne, directeur du CESNUR , (…). M. Alain Garay fait partie depuis
2005 du panel d’experts -au titre des deux personnalités désignées par
la France-
et il en a rejoint en 2006 le cercle plus restreint de son conseil
d’orientation. Il y côtoie d’ailleurs M.
Jeremy Gunn, désigné par les USA, autre pourfendeur des initiatives européennes
destinées à prévenir et lutter contre les dérives sectaires.
La MIVILUDES
s’offusque pendant 20 pages
que son indignation ne soit pas partagée par les instances européennes malgré
son effort pour détruire l’image des contestataires, notamment en soupçonnant
que la plupart des personnes qui s’impliquent sur ce sujet feraient
partie d’une « secte » ou auraient été en contact avec l’une
d’elles.
Cette
argumentation déshonore
la France
aux yeux de l’Europe et du Monde. Pour en mesurer la grossièreté, il faut réaliser
que la phobie antisecte française est indéfendable à l’aune de la déclaration
universelle des droits de l’homme comme n’importe quel ostracisme local, à
caractère raciste par exemple.
Prenons
un exemple du passé qui ne fâchera personne :
Que
diriez-vous d’un représentant du gouvernement de l’Afrique du Sud des années
1960 qui, pour disqualifier un discours de Nelson Mandela aux yeux du Monde,
dirait « Mais, mais enfin ne l’écoutez pas ! Ne voyez –vous pas
qu’il est noir ?! »
Pour
finir avec l’Europe, nous relevons une omission significative dans le chapitre
« Le
recours des organisations sectaires à
la Cour
européenne des droits de l’homme : la jurisprudence actuelle. »
Le
rapport mentionne deux affaires qui condamnent
la Grèce
pour manquement au respect de la liberté religieuse, mais il ne cite pas une
jurisprudence pourtant significative puisqu’elle condamne
la France
pour entrave à la liberté d’expression dans une affaire impliquant
directement la politique de lutte contre les dérives sectaires : « ARRÊT DE CHAMBRE PATUREL c. France » du 22 décembre 2005.
Pourtant,
le commentaire suivant emprunt d’une certaine amertume semble y faire référence.
« Toutefois,
elle (
la CEDH
) n’a jamais eu à statuer sur des griefs de personnes se prétendant
victimes d’agissements de sectes.
Les requêtes jugées émanaient d’adeptes actifs de mouvements qui
revendiquent la liberté de conscience et de religion. Il
est possible qu’à l’avenir les victimes des mouvements sectaires la
saisissent à leur tour et que l’exploitation faite des décisions de
la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH) par les organisations sectaires ne
soit plus aussi facile pour elles. »
Ou
« rira bien qui rira le dernier » ?
Revenons
à l’introduction de M. Roulet :
Sans
chiffre à opposer à la critique, il la caricature et la déforme,
méprisant la prudence et la rigueur des analyses faites depuis 20 ans sur la
politique française de lutte contre les dérives sectaires par des juristes,
des chercheurs reconnus et diplômés des universités françaises, et des
fonctionnaires du gouvernement français ou de l’ONU, qu’il n’a jamais
voulu écouter.
Dans
un deuxième temps, ayant ainsi ramené le débat au niveau de la guerre de
tranchées, il balaye toute argumentation en quelques lignes que l’on pourrait
résumer à : « Ce n’est pas vrai, c’est même tout le contraire »,
sans autre forme de procès.
Le
voir brandir en fin de texte l’étendard « Liberté Egalité Fraternité »
donne envie de pleurer plus que rire.
La
deuxième grande partie du rapport, intitulée « Enfance et Education »
reprend les 50 propositions de la dernière commission d’enquête
parlementaire sur les sectes et fait état de réponses qu’elles ont reçue.
On peut y voir se dessiner quelques tenants et aboutissants de la politique de
lutte contre les dérives sectaires.
Trois
de ces propositions ont été rejetées au motif qu’elles sont contraires aux
principes fondamentaux de la démocratie ou à l’esprit de la loi. Le rejet
semble pris comme un obstacle
administratif, un aléa des structures que l’on trouvera bien un moyen un jour
de contourner et non comme le signe pourtant évident qu’une action qui se
heurte ainsi aux principes fondamentaux de
la République
doit être revue sur le fond.
Proposition
1 de la commission :
« Définir
précisément les conditions du choix de l’instruction à domicile : la
maladie, le handicap de l’enfant, le déplacement de la famille ou toute autre
raison réelle et sérieuse.
Réponse
Concédant
que le choix de l’instruction à domicile puisse être motivé par l’état
de santé ou le handicap de l’enfant,
la Commission
des affaires sociales de l’Assemblée nationale a jugé qu’il pouvait également
relever « de la stricte convenance des parents ». De même, le gouvernement n’a pas souhaité « aboutir à inverser le principe
de liberté, en exigeant de tout parent de produire des raisons réelles et
sérieuses ».
Proposition
2 :
–« Exiger
le recours aux instruments pédagogiques offerts par le centre national
d’enseignement à distance ou par les organismes privés d’enseignement à
distance déclarés. (Pour l’instruction à domicile). »
Réponse
(…),
l’obligation de recourir à des
instruments pédagogiques déterminés n’apparaît pas indispensable et serait
contraire au principe de liberté des choix éducatifs des parents.
Proposition
34 :
–« Ouvrir
un nouveau délai de prescription pour les mineurs victimes de l’infraction
d’abus de faiblesse dans les mouvements à caractère sectaire, à compter de
la date de leur majorité. »
Réponse
(…)
avis défavorable du gouvernement considérant :
–
d’une part que cela aboutirait à créer
un régime spécifique de prescription, propre aux mineurs élevés en
milieu sectaire, ce qui constituerait une
rupture d’égalité entre les victimes de faits commis pendant leur
minorité ; étant par ailleurs précisé que cela renvoie à la définition non
juridiquement définie de « secte ».
Commentaire
de
la MIVILUDES
sur cette dernière réponse du gouvernement :
« De
nouvelles pistes doivent être explorées, car c’est un point capital pour les
victimes de pouvoir obtenir réparation du préjudice subi. »
Une
dizaine d’avancées législatives au sens de
la MIVILUDES
sont citées dans le rapport.
Elles
ne semblent pas pour la plupart devoir entraîner des bouleversements majeurs au
sein des cours de justice, et rappellent ce que Raphaël Liogier exprimait au
Colloque du CICNS en septembre 2007 :
« (…) le
gros avantage (NDLR : de la problématique
des sectes en politique politicienne) réside déjà dans ce que le Conseil
d’Etat appelait, dans un rapport récent, la fonction déclamatoire de la loi,
une vraie dérive : des choses dont on sait très bien qu’elles ne vont
pas s’appliquer mais « les députés pensent à vous, ils ne sont pas payés pour rien ».
Cette dérive déclamatoire, elle s’est produite dans le domaine desdites
sectes parce que ça ne touche pratiquement personne statistiquement, mais néanmoins
tout le monde trouve ça horrible et voit des sectes partout …»
Sans
être juriste, on peut se demander si le texte suivant trouvera un jour matière
à s’appliquer (à notre connaissance, ce n’est toujours pas le cas).
«
Est puni de 7 500 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce
soit, des messages destinés à la jeunesse et faisant la promotion d’une
personne morale, quelle qu’en soit la forme juridique ou l’objet, qui
poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou
d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui
participent à ces activités, lorsque a été prononcée au moins une fois,
contre la personne morale elle-même ou ses dirigeants de droit ou de fait, une
condamnation pénale définitive… »
Ce
texte est cité dans le rapport parce que les députés militants antisectes ont
récemment obtenu le changement de « plusieurs
condamnations pénales » à « une
condamnation pénale ». Cela permettra peut-être une première
jurisprudence dont
la MIVILUDES
fera inévitablement une « avancée majeure dans la lutte contre les dérives
sectaires ».
3-
La MIVILUDES
, instrument de l’hégémonie républicaine
Une
grande part des propositions de la commission d’enquête parlementaire n’a
pas eu de suites, mais deux d’entre elles ont retenu notre attention parce
qu’elles sont plus ou moins directement caution de modifications de la loi à
l’encontre de pratiques qui concernent l’ensemble de la population française
et qu’elles renforcent significativement les préséances de l’Etat dans
deux domaines que Raphaël Liogier situait récemment dans « le monopole que la
laïcité, en tant que système symbolique et système politique d’Etat, se
donne à elle-même » .
Domaine
de la santé :
« la
loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance, a émis un avis
favorable à l’aggravation
des peines encourues pour les infractions de défaut de déclaration de
naissance d’enfant et défaut de vaccination.
Ces
deux contraventions aggravées sont devenues des délits,
prévus et réprimés par l’article 4 -18-1 du code pénal (défaut de déclaration)
et l’article 116-4 du code de la santé publique (défaut de vaccination), et
sont punis de la peine de 6 mois d’emprisonnement et 750 euros d’amende. »
Domaine
de l’éducation :
« La
loi de protection de l’enfance a redéfini les processus de suivi de l’absentéisme scolaire :
Article
L.131-8 (Loi nº 2006-396 du 31 mars 2006, art. 48 II, Journal officiel du 2
avril
2006),
(Loi nº 2007-297 du 5 mars 2007, art. 12-3º, Journal officiel du 7 mars 2007) »
Pour
un approfondissement sur la sacralisation et l’instrumentalisation de la médecine
et de l’école au service d’une hégémonie de l’Etat et de son incidence
sur la « Lutte contre les dérives sectaires », nous vous
conseillons les interventions de Jean Baubérot et de Raphaël Liogier au
colloque du CICNS en septembre 2007 intitulé « Sectes :
fléau social ou bouc émissaire ? »
D’autres
recommandations de la troisième commission d’enquête parlementaire sur les
sectes relayées par
la MIVILUDES.
10
- Prévoir une sensibilisation aux dérives
sectaires dans les programmes d’éducation
civique au collège et au lycée.
12
- Prévoir un enseignement sur les dérives sectaires dans les
unités universitaires de formation et de recherche (UFR) de psychologie,
des sciences de l’éducation ainsi que dans les
IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres).
13
- Introduire, au sein des facultés de médecine,
des enseignements dédiés à l’emprise mentale et à la victimologie.
14
- Instituer une formation des auditeurs
de justice et des avocats stagiaires au fait sectaire, portant notamment sur
la spécificité des contentieux relatifs au droit de la famille et au droit de
la protection de l’enfance.
17
- Rappeler par voie de circulaire du
garde des Sceaux les sanctions pénales applicables pour défaut de vaccination.
37
- Accroître le rôle des « référents
sectes » des parquets généraux.
43
- Former les référents régionaux « sectes » du ministère chargé de
la Santé
et du ministère chargé de
la Jeunesse
et des Sports, afin qu’ils aient la qualification requise pour
sensibiliser les agents des services déconcentrés aux dangers des dérives
sectaires.
41
- Promouvoir des formations au fait sectaire en direction des magistrats
et des avocats.
42
- Inciter les conseils généraux à
mettre en place des formations au fait sectaire en direction des
personnels de leurs services sociaux, en charge des procédures d’agrément
des assistants familiaux ou des adoptants.
44
- Créer un poste de correspondant chargé, au sein du ministère
(des Affaires
Etrangères), de suivre les problèmes liés
aux dérives sectaires et de proposer des politiques d’action, de formation et
d’information.
45
- Sensibiliser les agents du ministère
en poste à l’étranger aux risques
des dérives sectaires.
48
- Favoriser
la coordination des actions des associations participant à la lutte contre les
dérives sectaires.
Les
deux principales associations de lutte contre les dérives sectaires, l’UNADFI et le CCMM, sont régulièrement associées à des journées
de réflexion initiées par
la MIVILUDES. Par
ailleurs, leurs
présidents sont membres du Comité d’orientation de
la Mission.
50
- Réaffirmer
la spécificité de la lutte contre les dérives sectaires à l’échelon
départemental.
« Le
9 janvier
2008, M
. Jean-François Thony, Directeur de l’ENM, écrivait au Président de
la MIVILUDES
: «…J’ai bien pris note de votre proposition d’étendre cette action de
sensibilisation aux auditeurs de justice en formation. Cela me paraît une
excellente suggestion.
«
Je dois vous préciser qu’une séquence
de formation pour les futurs juges pour enfants, en fin de formation, dans le
cadre de leur spécialisation, a d’ores et déjà été programmée au mois de
mars 2008 sous l’intitulé « Phénomène sectaire et mineurs »…»
Les
associations antisectes ainsi que
la MIVILUDES
disent recevoir de plus en plus d’appels de citoyens inquiets à propos de
tel ou tel comportement ou de telle ou telle pratique spirituelle éducative ou
médicale qui serait déviante. C’est certainement vrai, du reste nous en
recevons aussi régulièrement (par erreur).
Au
vu de ce qu’a investi l’Etat depuis 25 ans en subventions aux associations
antisectes et en matière de communication, de formation et d’information à
tous les niveaux de son administration sur les théories antisectes, et du
relais inconditionnel des grands médias fait à cette propagande, il n’est
pas surprenant que la peur grandisse. C’est là certainement un des résultats
les plus significatifs de la politique de lutte contre les dérives sectaires.
Comme
le souligne l’analyse de l’ethnologue Maurice Duval :
« Le
néolibéralisme que nous vivons actuellement se caractérise par deux traits
fondamentaux. D'une part, le retrait croissant de l'État en tant que garant de
la solidarité sociale, et notamment des politiques sociales et, d'autre part,
le renforcement de la présence de l'État dans les domaines de la répression
: augmentation du nombre et des pouvoirs des forces de l'ordre, développement
de la politique pénale ,
fichage, recul des droits sociaux, etc. Or, pour faire accepter cette politique
néolibérale, l'idéologie sécuritaire, en se fondant en grande partie sur «
les sectes », produit de la peur collective qui appelle d'elle-même en retour
une demande de protection accrue et la stigmatisation de ce qui est hors norme
comme étant potentiellement dangereux. »
Il
ne nous appartient pas de revenir sur la dangerosité de la consommation de
datura (champignon hallucinogène).
Ce
que nous soulignons ici est l’orientation du discours de
la MIVILUDES
qui se hâte de conclure :
« Le
chamanisme à « l’occidentale » mérite une vigilance particulière des
pouvoirs publics, car il se développe sans cesse dans de nouvelles voies.
Ainsi, certaines revues d’informations pratiques en «
thérapies naturelles et en développement personnel » font
état d’un concept nouveau : le chaman d’entreprise… »
Nous
souhaitons mettre en parallèle cette attitude avec celle d’INFORM,
l’institut indépendant qui au Royaume Uni fait référence pour l’Etat au
sujet des minorités spirituelles et dont le rapport reprend quelques appréciations :
INFORM
met en garde sur les dangers du datura mais rajoute :
« l’une
des figures les plus influentes du néo-chamanisme dans les pays occidentaux
refuserait d’en promouvoir l’utilisation lors des rituels chamaniques pour
cette raison. »
« Il
est précisé par Inform, que M. Harner, fondateur de
la FSS
(The Foundation for shamanic studies) et ses « franchises », bien que très
influents dans la mouvance néo-chamane, ne promeuvent l’utilisation du datura
dans aucune publication. »
Deux
démarches bien différentes dans la forme et dans l’intention :
-INFORM
enquête et expose les données recueillies ; il précise le champ et les
contours du problème.
-
La MIVILUDES
se saisit d’un cas et tire des conclusions abusives stigmatisant tout un
ensemble de pratiques sans laisser place à la nuance ni au droit de réponse.
La MIVILUDES
consacre une partie de son rapport au satanisme :
Ses
conclusions :
« Aujourd’hui,
en raison du secret dont s’entourent ces groupes, il est difficile d’en
estimer le nombre et notamment celui des groupes structurés, mais les services
spécialisés considèrent que le nombre d’adeptes de la
mouvance satanique au sens large, toutes branches et chapelles confondues, est
de l’ordre de 25 000 personnes en France, dont 80 % se situe dans la
tranche d’âge des moins de 21 ans.
C’est
une bonne raison de rester vigilant et de détecter le plus en amont possible
l’instant où l’adolescent manifeste
une véritable addiction et où il est probablement soumis à l’emprise d’autres personnes qui veulent lui faire parcourir son
voyage initiatique dans les arcanes démoniaques. »
On
pouvait lire dans le journal Libération du 3 avril 2008 :
« Avant
même sa présentation, ce passage du rapport a été contesté par le
sociologue Olivier Bobineau, auteur d’un ouvrage tout juste paru sur le sujet.
Tandis que
la Mission
de lutte contre les sectes chiffre le nombre des personnes en contact avec
cette mouvance à 25 000 dont 80% seraient âgés de moins de 21 ans, le
chercheur estime à «une dizaine le nombre de satanistes affiliés à des
courants et à une centaine les satanistes non affiliés, pratiquant de manière
informelle et régulière».
Qui
croire ?
Olivier
Bobineau est : « Diplômé Canonique en sciences sociales et économiques »,
« Qualifié par les sections Sociologie et Démographie et Science
Politique du Conseil National des Universités », « Docteur de
l'Institut d’Études Politiques de Paris en Sociologie, avec la mention
« très honorable » et les félicitations du jury décernées à
l'unanimité »,
Il
rejoint dans son commentaire un autre chercheur de ses ainés, Pierre Barucand,
anthropologue et maître de recherches honoraire au CNRS, qui a commenté une précédente
publication de
la MIVILUDES
sur le satanisme et que nous laissons conclure :
« (…)
Le problème du satanisme aux USA, où se répandirent des rumeurs délirantes
est complexe à cause de l’Église de Satan. Mais en Europe, les seuls
satanistes sont des adolescents « gothiques », en « crise d’originalité
juvénile » et passionnés de « black métal » et aussi de quelques schizophrènes.
Quant aux liens avec des « néonazis », ils semblent fort rares ! Régler le
problème de l’originalité juvénile est un vaste programme encore qu’en général,
il se résolve par lui-même ! Les « dérives sectaires », rarissimes, doivent
être sanctionnées quand elles ont un caractère délictueux, mais faudrait-il
créer une mission interministérielle contre le… cannibalisme en France ? »
Un
chapitre du rapport s’intitule « Le risque sectaire : dispositif
juridique et administratif en Europe centrale ».
Nous
en reprenons des extraits avec un brin d’humour soulignant l’égocentrisme
français qui s’exerce pour la « lutte contre les dérives sectaires »
de manière moins inoffensive que pour ses fromages, mais avec la même
obstination à se croire détenteur de la vérité dans un domaine où elle fait
figure d’exception pour le reste du monde.
En
Bulgarie, « La
notion de « mouvement à caractère sectaire » est (…) inconnue du droit ».
Des mouvements nommés secte en France y sont désignés « sous
le terme générique de
«
Nouveaux Mouvements Religieux ».
Nous imaginons que le militant antisecte à cette première étape de son voyage
regrette déjà un peu
la France
et son « franc parlé »..
La Hongrie
, n’aura pas manqué de le retenir tant elle peut lui paraître exotique :
« Les nouveaux mouvements religieux suscitent parfois des
interrogations, mais ne font pas l’objet d’une stigmatisation dans les médias
ni l’opinion publique. », « D’une manière générale, le climat
entre l’État, les Églises et les mouvements religieux est serein, et le thème
des « sectes » n’est pas un sujet médiatiquement porteur. », il
enquête sur les fondements de coutumes si singulières… et il apprend
alors que « depuis le changement de régime en 1989, les autorités veillent
scrupuleusement au respect de la liberté de religion. » et que «
La Constitution
garantit la liberté de religion non seulement en théorie mais aussi en
pratique depuis 1990. ». Notre militant antisecte poursuit alors son
voyage un peu rasséréné par cette explication pratique à ce qu’il considère
comme les errements de jeunesse libertaires de
la Hongrie.
L
’Ukraine et ses 1227 organisations religieuses enregistrées, où il constate
que « Les populations ne sont ni
protégées sur le plan légal, ni informées des menaces émanant des sectes. »,
que « La propagation des
nouvelles religions n’est pas maîtrisée » et que la loi « laisse
toute latitude à n’importe quelle organisation religieuse qui ne présente
pas de menace directe pour la vie et la santé de l’individu. » le
met au bord de l’apoplexie. C’est scrutant
en vain les journaux Ukrainien à la recherche d’un suicide collectif ou autre
catastrophe qui ne saurait manquer de survenir qu’il s’envole pour
la Slovénie.
Là
pas plus qu’ailleurs il ne trouve de véritable compréhension pour les
subtilités de la « Laïcité à
la Française
», en effet « les autorités ne semblent pas préoccupées par les risques que
les mouvements à caractère sectaire pourraient représenter. L’opinion
publique et la presse slovènes sont peu sensibilisées à ce sujet. ».
Par acquis de conscience plus que par véritable intérêt pour des contrées
dont il ignorait jusqu’alors l’existence, il décide de faire un détour par
les pays Baltes.
La Lituanie
lui apporte une lueur d’espoir car bien que « Les
autorités ne semblent jamais avoir considéré que les sectes posaient Problème »,
« à la suite d’articles de presse
alarmistes publiés en 2000, dénonçant les activités suspectes de 300 sectes
dans le pays, elles ont mis sur pied une commission chargée de coordonner
l’action des institutions étatiques contre les activités illégales des
sectes ».: « Campagne de presse alarmiste », « commission
sur les sectes », « Voilà !» se dit-il « on est en
bonne voie dans quelques années ils auront leur MIVILUDES… » En
Lettonie, où « sont reconnues comme
religions traditionnelles » les
Adventistes du 7e Jour qui sont estampillés « secte dangereuses »
dans la Bible que constitue pour lui le rapport Gest-Guyard, il aura haussé
les épaules et ne se sera pas attardé. Quant à l’Estonie
qui semble ignorer jusqu’à l’existence des « sectes dangereuses »
il note que : « la population réduite (1, 5 million d’habitants) (…) ne
favorise pas l’implantation ou l’activité des mouvements à caractère
sectaire, qui seraient assez aisément détectables par les services de police. »
Pour
être sur de bien finir son voyage il avait gardé en avant dernière étape
L’Albanie qu’il considère avec amitié pour son athéisme
traditionnel. Il y trouvera pourtant encore une absence d’inquiétude notable
pour le « problème des sectes » :
« L’indifférence
aux questions de religion, répandue dans la population albanaise très marquée
encore par l’athéisme officiel et militant, peut constituer un facteur
d’explication à cette sérénité des autorités. »
La Russie
elle ne le déçoit pas et c’est avec
enthousiasme qu’il rapporte :
« En
Russie, suite à la loi très libérale sur la liberté religieuse adoptée en
1990, une multitude d’organisations religieuses et surtout d’organisations
à caractère sectaire déferla sur le pays. Les effets néfastes de l’action
de ces mouvements ne tardèrent pas à se faire sentir. Prenant
conscience du danger, notamment des risques de manipulation de la jeunesse,
et après des débats très vifs entre défenseurs de la liberté absolue de
conscience et tenants d’une nécessaire régulation de l’activité des
mouvements à caractère sectaire,
la Douma
(Parlement) adopte, le 26 septembre 2007, une loi sur la liberté de conscience
plus restrictive que celle de 1990, soumettant l’activité de ces mouvements
à des conditions très restrictives sous la vigilance du Service fédéral
d’enregistrement. »
L’introduction
et synthèse de l’étude des pays d’Europe centrale par
la MIVILUDES
:
« Certains
pays – comme
la Russie
– pratiquent une politique restrictive, d’autres, très permissive ; mais
tous sont concernés par le problème
des dérives sectaires et restent vigilants. »
Notre
synthèse et conclusion : les plus « concernés » de ces pays
sont loin derrière
la France
par leur préoccupation pour lesdites « sectes », ceux qui
pratiquent une politique « restrictive » le font comme en France au
détriment des libertés individuelles et au bénéfice d’une religion ou pensée
dominante. La plupart de ces pays ne voient pas en ces minorités un problème
significatif et s’en portent très bien.
On
trouve dans le rapport d’activité de la « Délégation
générale à l’emploi et à la formation professionnelle »,
un exemple synthétique des conséquences de la politique menée par
la MIVILUDES
:
Suspicion
induite par la psychose ambiante et les circulaires ministérielles :
« Il
a été constaté, depuis plusieurs années, une montée en puissance de
certains groupes à risque, (…) prestations à visée thérapeutique, guérisseuse
et/ou de développement personnel [bien-être]. Les prestations proposées,
s’inscrivant dans la durée, peuvent conduire, par leurs contenus et leurs
modalités de déroulement, à des risques sérieux de dérives sectaires pour
les bénéficiaires.
(…) »
Stigmatisation :
« Parmi
ces actions litigieuses certaines, qu’elles soient sollicitées, proposées ou
poursuivies, entendaient promouvoir des concepts, thérapies, pratiques,
techniques ou méthodes (souvent associées) relatives au Décodage
biologique [de la maladie], à
la Biologie
totale [des êtres vivants] au Channeling,
à
la Fasciathérapie
, à
la Kinésiologie
, à
la Guérison
cellulaire, à
la Méthode Silva
[de contrôle mental] au Rebirth,
aux Constellations familiales, Constellations d’entreprises, au
Reiki, à
la PNL
(Programmation Neuro-Linguistique), à l’EMF Balancing, Technique, au
Kundalini Yoga. »
Et
sur cette base de jugements subjective : des mises en gardes et des actes
administratifs lourds de conséquence :
« Les
suites réservées aux dossiers concernés ont conduit parfois au désistement
du demandeur, ou en application de l’article L.920-4 du code du travail, soit
au refus d’enregistrement des déclarations d’activité, présentées en
tant qu’organisme de formation professionnelle continue, soit à
l’annulation de cet enregistrement par l’autorité administrative de l’État
chargée de la formation professionnelle. »
En
« annexe » du document on trouve un chapitre « Témoignages »
qui contient deux témoignages de souffrances familiales déchirants dont
la retranscription particulièrement émouvante d’une lettre de petite fille
à sa « mamie ».
Des
témoignages de familles écartelées, de parents à la dérive, de souffrances
psychologiques porteurs d’une charge émotionnelle importante incluant des cas
de dénonciation abusive d’inceste.
Il
ne s’agit pas de banaliser la souffrance contenue dans ces témoignages mais
de pointer le procédé honteux qui consiste
à justifier une dénonciation tous azimuts et plus de deux cents pages
de discours mettant en cause des milliers de personnes innocentes (jusqu’à
preuve du contraire) et soufflant sur la société un vent de suspicion et de
haine en se réclamant de pragmatisme et de rationalisme, par deux témoignages
qui n’ont aucune valeur de démonstration pour ce qui précède mais vont
attirer immanquablement le lecteur lassé de l’infatigable répétition des mêmes
arguments et le plonger dans une émotion compatissante et indignée propre à
lui ôter tout discernement.
On
peut bien entendu trouver dans la masse des destins tragiques produits par notre
époque
quelques exemples correspondant à n’importe quelle théorie désignant un
« ennemi public » aussi flou que les « dérives sectaires ».
Il est enfin audacieux, dans des cas aussi complexes et subjectifs que les deux
cas cités, de déterminer à chaque instant de leur vie la prédisposition des
sujets à la paranoïa et la responsabilité des tiers, sujet sur lequel la
justice ne s’est semble-t-il pas prononcée puisque aucun jugement allant dans
ce sens n’est évoqué.
La MIVILUDES
, elle, de manière implicite, s’autorise à désigner un coupable dans
l’affaire (certaines pratiques thérapeutiques).
La
lettre de la fillette à sa Mamie, vibrant témoignage d’amour et de
reconnaissance d’une enfant malmenée par la vie pour celle qui y a incarné
le soutien et la stabilité, ne contient aucun élément, aucun fait éclairant.
Voir ce témoignage de tendresse au service de la cause inique de ce rapport est
vraiment désolant.
La MIVILUDES
, depuis quelques temps s’est fait le relais
d’une théorie marginale à la quelle elle consacre un chapitre de son rapport
2007.
Elle
y dénonce la « Naissance d’un phénomène dangereux », à savoir
le « Syndrome des faux souvenirs induits »..
Remonter
à la source de cette théorie conduit à une circonspection très éloignée de
l’assurance de
la MIVILUDES.
La
page
américaine que Wikipédia consacre à ce supposé syndrome est le lieu de
controverses importantes sur la validité de la dite théorie et se conclue par
la citation du « American
Heritage Dictionary of the English Language, » dans son édition de
l’an 2000 :
false
memory syndrome" as "The belief that one remembers events, especially
traumatic ones, that have not actually occurred. Not in scientific use." (« syndrome des faux souvenirs »
« la conviction de se rappeler d’événements traumatisants qui ne se
sont pas produits »).
On
apprend aussi que le concept est l’invention d’une association,
la False Memory
Syndrome Foundation (…), crée
par des parents qui disent avoir été faussement accusés d’inceste par leurs
enfants.
Enfin,
la page consacrée à
la FMSF
, pointe l’ambiguïté d’une démarche si providentielle pour celui qui
serait accusé à raison d’avoir abusé sexuellement de ses enfants.
A
noter enfin :
On
ne peut passer à coté de la similitude entre la naissance de ce concept et
celle de la « manipulation mentale ».
Des
personnes qui ne trouvent pas auprès de la justice une oreille suffisamment
attentive à leurs revendications, se constituent en association et avec
l’aide de quelques universitaires développent une théorie
pseudo-scientifique qui cautionne leur point de vue.
De
même que la théorie du « Lavage de cerveau » ou de «
la Manipulation
mentale », le concept trouve soudain outre-Atlantique un essor nouveau au
service de la « Lutte française contre les sectes » sans qu’il
ait été démontré ou validé par une quelconque étude contradictoire.
Il
ne s’agit pas encore une fois de nier l’existence de cas qui « collent »
à cette théorie, ni de nier les souffrances qui y sont associées, mais de dénoncer
la dangereuse généralisation d’un concept suffisamment subjectif pour donner
lieu à toutes les dérives liberticides et discriminatoires.
La
paille et la poutre ?
Certaines
associations anti-sectes se présentent déjà comme un lieu d’accueil pour "les
victimes du syndrome des faux souvenirs" (voir sur
ce site). Ce qui constitue un anachronisme de plus dans la lutte
anti-sectes, compte tenu de la capacité de ces associations à générer
elles-mêmes de « faux souvenirs traumatiques » chez des personnes
afin de les aider à détruire une « secte » qu’elles ont dans le
collimateur.
Nous
travaillons actuellement sur des témoignages où le procédé est flagrant de
la manipulation de la réalité par ces associations dont certaines sont
subventionnées par l’État.
Depuis
25 ans les militants antisectes rabâchent :
« Il
faut par tous les moyens aider les membres ou ex-membres des minorités
spirituelles à se rendre compte qu’elles sont des « victimes de sectes »
et les encourager à porter plainte ».
Ils
réclamaient même récemment l’ouverture d’un « nouveau délai de
prescription pour les mineurs victimes de l’infraction d’abus de faiblesse dans
les mouvements à caractère sectaire à compter de la date de leur majorité »
nécessaire selon eux et entre autres « compte tenu, (…) de la nécessité
d’un temps de « reconstruction » psychologique après la sortie de la
secte… »
S’il
n’y a pas dans l’assistance offerte par les associations antisectes « Induction
de faux souvenirs » et incitation à les faire valoir en justice il n’y
en a nulle part ailleurs.
Extraits de la conclusion
du rapport de
la MIVILUDES
:
« La
phrase que prononcent le plus souvent les victimes des mouvements sectaires,
qu’il s’agisse d’anciens adeptes ou des familles de personnes encore sous
influence, rappelle une fable bien connue : «
c’est la lutte du pot de terre contre le pot de fer ».
En
2007, les interlocuteurs de
la MIVILUDES
l’ont dite des dizaines de fois. »
(…)
comme lobbying, désinformation, poursuites judiciaires, intimidation,
manipulation constituent les méthodes quotidiennes de ces groupes,
le risque est réel que, après les victimes qui renoncent à saisir la
justice, l’État s’interroge sur la légitimité
de son action. »
« Ne
nous laissons pas leurrer et ne nous trompons pas de victimes ! Le pot de fer
cogne toujours sur le faible, sur le pot de terre, mais il cogne également
toujours sur le naïf qui a cru bon, souvent de bonne foi d’ailleurs, de voler
à son secours, en entendant ses hurlements ! »
Nous
faisons partie des interlocuteurs de
la MIVILUDES
et lui avons présenté des « pots de terre » brisés ou
ébréchés par le pot de fer d’un ostracisme qui reste sourd (comme un pot)
à la souffrance qu’il engendre. Ils auront été rangés dans le dossier
« Lobbying effréné ».
Le
rapport 2007 de
la MIVILUDES
, pour l’essentiel, affabule, mais bien loin de l’élégance des fables de
La Fontaine
, il enfonce sa morale en la répétant inlassablement pendant plus de 200
pages, et cette méthode est encourageante en ce sens qu’elle signifie la résistance
de l’être humain à voir l’ennemi partout surtout quand il n’est pas armé
et ne produit pas de dégâts probants.
Enfin,
l’inquiétude de
la MIVILUDES
de voir l’État s’interroger sur la légitimité de son action nous parait
fondée et nous encourage à poursuivre notre travail.
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