Michel Onfray et « la détestation de
l'autre »
Par
André Tarassi Dans
une interview publiée sur http://www.voir.ca
le philosophe au pamphlet (1) Michel
Onfray affirme : « les
trois monothéismes font l'éloge dans leurs livres sacrés de la violence et de
la détestation de l'Autre, au profit de sa propre communauté. Il ne faut pas
se leurrer! Cette haine viscérale de l'Autre est omniprésente dans les livres
saints du christianisme, du judaïsme et de l'islam »
M.
Onfray occulte le fait que « la détestation
de l’autre », effectivement « omniprésente »,
n’appartient donc pas seulement aux trois grandes communautés religieuses
mais que celle des athées, dont il se perçoit de toute évidence comme le
meilleur représentant, alimente la même mécanique de violence et de détestation.
Ses
propos à l’encontre de Raël - qui s’était amusé à le nommer
« prêtre honoraire » de son mouvement - démontre son manque
d’humour, pour le moins, ainsi que son orgueil et sa violence : « Ce
crétin (…) cet allumé (..) ce demeuré (…) est nauséabond ».
Il ne fait plus œuvre de « raison » mais manifeste, tout à coup,
cette terreur bien populaire devant la possibilité d’être associé à une
« secte ».
C’est
comme un problème d’image.
Ces
propos ressemblent à une catharsis dans laquelle le pauvre homme exprime ses
peurs enfantines et ses rejets d’adolescents.
M. Onfray évoque « la célérité avec laquelle les gens se ruent lorsqu'il s'agit de préférer un irrationnel rapide à un rationalisme nécessitant un long investissement ». Voilà un argument qui a existé bien avant lui, mais dans l’autre sens, pour évoquer la profondeur de la foi. Pourquoi sa certitude serait-elle supérieure à celle d’un homme qui a consacré sa vie à la spiritualité ? Le philosophe « pense » là où l’homme de foi « vit » quelque chose qui ne peut pas toujours être « pensé » et encore moins communiqué avec précision à l’autre. Il s’agit en effet d’une expérience intime, avant tout, que les athées ont beau jeu de démolir avec leurs affirmations nihilistes. La supériorité de la pensée rationnelle sur le témoignage authentique de l’expérience spirituelle est une tendance qui n’a rien d’original et qui repose pour beaucoup sur un caprice intellectuel tissé d’arrogance, de rébellion adolescente et de violence.
Un
lecteur commente : « M.
Michel Onfray est-il en croisade pour propager une doctrine de l'athéisme? Se
fait il le prosélyte, l'apôtre, le gourou de dogmes qu'il faut entendre, tel
la parole divine, qui doit nous libérer de nos entraves et nous permettre une
vie meilleure
?
Il semble que notre philosophe veuille nous proposer une voie qui selon lui
serait plus apte à créer la paix sur terre ».
On apprécie également cet autre commentaire d’une lectrice : « Le travail de Régis Debray (2) est autrement plus formateur. Ce traité (quelle prétention !) n'apporte rien de neuf en matière de philosophie; l'auteur se dit pourtant Philosophe ah c'est vrai il se dit aussi militant ! d'où, sans doute, cette propension à la lutte finale pour éradiquer définitivement Dieu ...avec des arguments très "courts" et des raccourcis simplistes , on touche le plus grand nombre de lecteurs mais ce n'est pas avec des bazookas qu'on incite les gens à réfléchir... malheureusement ce type de bouquin qui caracole en tête des ventes est très représentatif de ce qui se lit et se vend aujourd'hui : cris d'orfraie et coups de gueule. Onfray est le Jean-Pierre Coffe de la philosophie et ça marche ! »
Michel
Onfray pense que la religion joue sur le registre émotionnel et les
instincts mais son ouvrage sur l’athéisme, vendu à plus de 200 000
exemplaires à ce jour, fait le même usage de l’émotion pour parvenir à
porter son message dans le plus grand nombre de chaumières. Sans mettre en
doute la vocation originelle de ce monsieur à se rapprocher de « la vérité »,
il n’empêche que ses propos le font ressembler de plus en plus à un commerçant
vindicatif en quête de notoriété qu’à un homme tolérant qui tenterait
d’apporter un peu de lumière sur les grandes questions de l’humanité.
En
fait, les tentatives de tous bords pour éclairer nos existences conduisent
immanquablement depuis des lustres à la même violence, à la même arrogance
et à la même « détestation de
l’autre » qu’il soit athée ou religieux. Il serait temps de se
pencher sur les mécanismes universels de ces croisades diverses plutôt que de
tenter d’en faire triompher une sur l’autre.
Commentaire
d’un autre
lecteur,
en conclusion :
« On s'imagine naïvement avoir affaire à un traité sur l'athéisme et
sur l'éthique qui en découle dans une perspective moderne, et on tombe sur une
entreprise de démolition « religiophobe » mise en oeuvre au
bulldozer. Il appelle en renfort l'Histoire qui apporterait la preuve de la
criminalité intrinsèque des religions, mais il ne la connaît pas. Son livre
essaye de réhabiliter des délires d'historiens amateurs (comme lorsqu'il prétend
sans rire que Jésus n'a pas existé !) et ignore superbement toute analyse un
peu quantitative. Plus grave peut-être, son rejet des valeurs religieuses va
jusqu'à la mise à l'écart d'une certaine forme de démocratie prétendument
judéo-chrétienne. Son livre est un anti-traité d'athéologie en somme, où la
recherche philosophique aurait été remplacée par l'assaut contre les
religions. Je suis navré de cette présentation très réductrice de l'athéisme.
Si Dieu n'existe pas, pourquoi perdre son temps à raconter tout mais surtout
n'importe quoi sur les religions ? »
Lire
également
«
L'after-philosophie
de Michel Onfray »
et
le rapprochement entre les formes de son enseignement et une secte… de quoi
l’inciter à produire une autre violente diatribe contre son « détestable » auteur !
Lire, l'excellent article du même auteur des textes en liens ci-dessus : "L'athéisme est une forme d'orgueil"
(1)
Traité d’athéologie – Grasset 2005 (2)
Avec ou sans dieu, le philosophe et le théologien – Bayard 2005
André Tarassi est né en 1961, il est le fondateur du CICNS. Chercheur indépendant, il étudie les Nouvelles Spiritualités depuis 25 ans. Il a étudié le journalisme et la télévision aux états-unis. Il a publié, sous un autre nom, plusieurs ouvrages sur la démarche spirituelle.
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