Une réflexion sur les origines du rationalismeet la négation de la spiritualitéExtrait du site : http://www.geocities.com/Athens/Crete/9445/projet.html
1. Des valeurs de la laïcité :
Nous
vivons dans un état laïc dans lequel les médias invoquent souvent les valeurs
de la laïcité pour défendre diverses thèses ou positions. En quoi consistent
ces valeurs exactement et sur quoi reposent-elles ?
Un
état laïc est un état indépendant de toute confession religieuse, dans
lequel les instances politiques se limitent à gouverner sans interférer dans
la vie spirituelle des citoyens et où chacun est libre de pratiquer la religion
de son choix comme de n'en pratiquer aucune, en vertu de l'article X de la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen : "Nul ne doit être inquiété pour
ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas
l'ordre public." Cela signifie que chacun a le droit de croire ou de ne
pas croire ce qu'il veut dans la mesure où il ne porte de préjudice effectif
à personne, et que personne n'a le droit d'imposer ses croyances, de quelque
ordre qu'elles soient, à quiconque. Autrement dit, cela veut dire que toute
croyance est à priori respectable et qu'à ce titre la constitution garantit
qu'elle sera respectée.
La
France est devenue un état laïc en 1905, en fonction d'une loi instituant la séparation
de l'Eglise de Rome et de l'état, accordant aux citoyens la liberté de pensée
et de religion, et selon laquelle la république ne reconnaît ni ne
subventionne aucun culte. Avant 1789, elle était présentée par les pouvoirs
royaux et religieux comme "la fille aînée de l'Eglise", dont le
souverain se considérait comme roi "de droit divin". Celui-ci
cumulait les pouvoirs temporels et spirituels et pouvait intervenir dans la vie
de ses sujets qui étaient accusés de contrevenir aux dogmes religieux. De
telles accusations étant la plupart du temps indémontrables, elles reposaient
non sur la transgression des commandements de la loi religieuse originelle, ni
sur des faits établis, mais sur la simple suspicion d'intentions, qui était
ensuite étayée par des aveux extorqués sous la contrainte. En conséquence,
il suffisait aux autorités de l'époque de soupçonner quelqu'un de
sorcellerie, d'hérésie, d'idolâtrie, de sodomie ou de tout autre
"crime" du même style pour pouvoir le condamner et s'en débarrasser
sans qu'il ait pour autant fait de mal à quiconque. L'inquisition, qui dépendait
théoriquement du pape, était également au service du roi, ce dernier
s'autoproclamant "premier représentant de Dieu" dans le royaume. Dans
ces conditions, la "justice" rendue "au nom de Dieu" par des
gens qui se servaient de la religion pour accroître leur domination et servir
leurs intérêts n'avait de juste que le nom et servait en réalité à exercer
l'arbitraire le plus total.
L'indépendance
des citoyens à l'égard des pouvoirs ecclésiastiques mit fin aux persécutions
dont la population avait été l'objet durant des siècles (l'inquisition fut
responsable de huit millions de morts dans les pays d'Europe), au monopole du
discours religieux par les institutions officielles, et aux guerres de religions
que la France avait menées, que ce soit à l'extérieur de ses frontières
comme au temps des croisades, ou à l'intérieur, particulièrement entre
catholiques et protestants. Il découle de ce principe de laïcité que l'état
n'a pas à intervenir dans les questions religieuses tant que celles-ci n'empiètent
pas sur la liberté d'autrui, et que ces questions sont du domaine privé,
chacun pouvant parfaitement y apporter les réponses de son choix, qui
n'engagent que lui.
En
conséquence le concept de laïcité n'est nullement opposé à celui de
religiosité puisqu'il garantit la liberté de culte. Ces concepts sont
indissociables l'un de l'autre dans la mesure où le but de la laïcité est de
mettre fin aux conflits d'ordre religieux. Les valeurs de la laïcité ne sont
donc nullement en contradiction avec les valeurs religieuses, elles les intègrent
complètement.
Qu'il
y ait eu au cours des dernières décennies, dans les pays industrialisés, au
nombre desquels nous sommes, une désaffection à l'égard de la spiritualité
au profit du matérialisme, de l'argent, et sous l'influence d'un certain nombre
d'idéologies est une chose, mais ce phénomène n'a rien à voir avec le
postulat de base de la laïcité qui est le droit à la liberté et au respect
des croyances de chacun, il ne le modifie en rien.
C'est
pourquoi identifier les "valeurs de la laïcité" à l'athéisme pour
les opposer aux valeurs religieuses, comme le font certains sous l'influence
d'idéologies diverses, peut aboutir dans les faits à des phénomènes
d'exclusion sinon de persécution des gens qui pratiquent une religion. Un tel
raisonnement est la négation même de ces valeurs, il conduit aux mêmes écueils
que ceux dont elles sont censées nous prémunir.
De
ce fait, plaquer sur les gens qui observent une religion, quelle qu'elle soit,
des jugements de valeur tels que "délirant", "fanatique",
etc., en s'abritant derrière les valeurs de la laïcité pour accréditer l'idée
que les laïcs détiendraient le monopole de la tolérance et de la raison, et
les religieux, celui de l'intolérance et de l'irrationnel, tout en
disqualifiant d'emblée le discours de ces derniers, revient à faire preuve du
même dogmatisme, du même arbitraire, et à partir des mêmes sophismes, que
ceux qui avaient cours avant 1789. Cela revient à accuser les autres du
comportement que l'on adopte soi-même à leur égard, à les charger de sa
propre culpabilité pour justifier à ses propres yeux et aux yeux des autres
des conduites injustifiables au regard des principes démocratiques dont on se réclame.
Il s'agit là d'un intégrisme antireligieux comparable en tous points au niveau
des réactions et des effets à l'intégrisme religieux, et, qui plus est, le
meilleur moyen de l'engendrer.
2.
De l'inquisition à l'intégrisme scientiste : une double problématique de
culpabilité et existentielle :
Cet
intégrisme antireligieux repose sur les conceptions rationalistes apparues au
XVII° siècle qui ont opposé d'une part la raison, la science, considérées
comme "vraies", et d'autre part les mythes, les religions et la
"pensée magique", tenus pour "imaginaires", "non-scientifiques",
autrement dit "faux". Les rationalistes ont rangé les religions dans
la catégorie des mythes et les ont éliminées de leurs préoccupations sous prétexte
de "non-scientificité". Ils ont réduit l'image de Dieu à une
abstraction et ont déifié des concepts tels que "la science",
"la raison", "la laïcité", "les valeurs de la démocratie",
etc.
a)
Avant 1789 :
Ce
phénomène s'explique par le fait que, durant les siècles où la royauté
s'est servie du discours religieux pour exercer son pouvoir, les gens ont développé
des réflexes de défense à l'égard de ce discours. Réagissant aux mots comme
à des signaux, ils ont identifié religion et oppression et ont été
conditionnés négativement à toute évocation de Dieu, sans faire la
distinction entre l'origine des religions, à savoir les textes sur lesquels
elles reposent, et les pouvoirs terrestres qui s'en réclamaient. D'autant plus
que ces derniers s'étant arrogés le monopole du discours religieux, ils
avaient forgé une image de Dieu à leur image; ils le présentaient comme un
persécuteur censé diriger le système hiérarchique qu'ils avaient mis en
place, afin de conforter leur autorité, lui attribuant ainsi la responsabilité
des actes qu'ils commettaient en son nom. Alors que l'esprit des textes des
religions était en totale contradiction avec leur manière d'agir, ils ont détourné
celles-ci de leur vocation première à leur profit, tout comme après la révolution
d'autres se sont servi des "valeurs de la démocratie" pour imposer
une domination qui n'a rien de démocratique. C'est ainsi que l'étude du grec,
langue dans laquelle la Bible était accessible, fut interdite par la Sorbonne,
ainsi que la première traduction qui en fut faite en Français (1530).
b)
Après 1789 :
Au
XVIII° siècle, la révolution a balayé la royauté mais elle n'a pas modifié
les modes de pensée par rapport au discours religieux. Les réflexes de peur liés
au nom de Dieu, ancrés dans notre mémoire génétique, se sont transmis de génération
en génération. La révolution a débarrassé le pays d'autorités physiques,
mais n'a pas libéré les gens des mécanismes inscrits en eux. Les
rationalistes ont remplacé l'autorité religieuse par celle de la science et
ont élevé cette dernière au rang de valeur absolue, supérieure à toutes les
autres, y compris à celle de la valeur humaine. Des dogmes scientistes et matérialistes
ont remplacé ceux de l'Eglise, divinisant la raison, l'argent et les valeurs du
système hiérarchique de dominance, imposant par-là même une vision mécaniste
du monde, triviale et désenchantée, et une conception de l'existence humaine dépourvue
de finalité, absurde et désespérée. Ont été bannies des discours officiels
et médiatiques toute réflexion approfondie sur les interrogations
fondamentales et toute question ayant trait au sens de la vie humaine au profit
d'une vision de "la réalité" limitée au monde "fait
maison", fictif, banal et anesthésiant, de la société industrielle
occidentale. La mort est devenue taboue, au même titre que tous les sujets de
nature existentielle, au point qu'elle n'est plus considérée aujourd'hui comme
un phénomène naturel, mais comme une issue inacceptable, une insulte à la
soi-disant toute puissance de l'homme moderne sur sa propre vie et le monde
vivant.
Des
spécialistes de tout poil, détenteurs du "savoir", se sont substitués
aux prêtres. Pour accréditer l'idée que cette vision absurde de la vie
humaine était "la seule vraie", partant du postulat que la réalité
se limitait à ce qu'en embrassait leur science, et que ce qu'ils n'en
connaissaient pas ne pouvait raisonnablement pas exister, ils se sont appuyés
sur des théories visant à faire accroire que la souffrance, l'angoisse, générée
par ce vide existentiel était de nature pathologique, de façon que ceux qui en
souffrent attribuent leur mal-être non pas à cette conception absurde et désespérée
de l'existence, mais à une maladie psychique dont ils seraient atteints et dont
la source, liée à des traumatismes infantiles, se trouverait en eux-mêmes.
L'angoisse est devenue un symptôme et ceux qui en souffrent et expriment cette
souffrance, des névrosés. Quant aux croyances religieuses et aux préoccupations
d'ordre fondamental, celles-ci n'entrant pas dans leur conception de "la réalité",
ils les ont assimilées à des phénomènes psychologiques subjectifs de nature
délirante, et ont étiqueté les gens qui les expriment de psychotiques.
Ils
ont ainsi répandu l'idée que personne n'est mentalement sain et que tout être
humain ne peut être que "soit" névrosé, "soit"
psychotique, raisonnant selon le principe du tiers exclu de la logique
d'Aristote. Ils ont assimilé sur cette base l'ensemble de la population à un
inépuisable réservoir de patients potentiels dont ils ont entrepris de soigner
les "symptômes" au moyen de tonnes de médicaments psychotropes.
Cette conception de la pathologie mentale et son exploitation ont donné lieu au
développement d'une industrie florissante au point que, grâce au commerce de
l'angoisse, notre pays est devenu le plus grand consommateur au monde de médicaments
psychotropes et que plusieurs millions de Français sont aujourd'hui
officiellement suivis en psychiatrie.
3.
Un "animal composé d'un corps et d'une âme" :
Un
autre facteur également dû à la logique par opposition est important pour
comprendre le cheminement effectué par notre civilisation dans son mode de pensée
et sa vision de l'homme, et les désordres qui en découlent : Aristote avait défini
l'être humain comme "un animal composé d'un corps et d'une âme",
opposant d'un côté le corps, la matière, qu'il considérait comme le siège
de l'animalité, à savoir "inférieur", et de l'autre l'âme, qu'il
concevait comme "un moteur qui délibère", la considérant à
ce titre comme "supérieure", et qui était censée dominer le corps.
Cette vision de l'homme comme d'un animal scindé en deux parties en conflit
l'une avec l'autre a fait autorité en Occident d'Aristote à nos jours aux
niveaux philosophique, religieux, médical, et dans toutes les sciences humaines
en général. Elle a eu pour conséquence une infériorisation du corps, une
culpabilisation des fonctions corporelles, en particulier sexuelles, et de la
notion de plaisir. Elle est à l'origine de la plupart de nos conflits
psychiques.
a)
Du dogme du péché originel...
Elle
a imprégné les pères de l'Eglise dès saint Paul et a structuré les dogmes
ecclésiastiques, dont celui du péché originel qui considère qu'en naissant,
tout être humain est coupable de la faute commise par Adam et Eve, autrement
dit pêcheur par essence. Le fait est qu'au moment de l'avènement du
christianisme, la logique aristotélicienne, apparue quatre siècles auparavant,
était le courant philosophique correspondant au contexte scientifique de l'époque.
Partant de là, les principes de cette logique étaient alors considérés comme
"vrais" sur la base des données alors disponibles. Au Moyen Age, des
théologiens, soucieux de faire coïncider les préceptes religieux avec les
conceptions philosophiques et scientifiques du moment, élaborèrent la
scolastique, méthode de pensée qui structurait la doctrine chrétienne en
fonction de la logique d'Aristote.
Cette
opposition entre l'âme et le corps, l'esprit et la matière, est à l'origine
de toute la répression sexuelle qui a imprégné l'Occident et des tabous
institués dans ce domaine. Elle a enfermé les gens dans une problématique de
culpabilité instillée dès l'enfance, qui leur renvoyait d'eux-mêmes l'image
d'êtres inférieurs, censés avoir toujours quelque chose à se reprocher, même
s'ils n'ont rien fait de mal, image qui sape à la base leur confiance en eux.
b)...à
la théorie des névroses :
Après
la révolution, les rationalistes ont cru qu'il suffirait de se débarrasser des
dogmes de l'Eglise pour en finir avec l'oppression. Mais étant eux-mêmes
prisonniers de cette problématique de culpabilité, et n'ayant pas les moyens
d'en prendre conscience ni de l'analyser, ils ont transposé cette image divisée
et dévalorisée de l'être humain dans les théories qu'ils ont élaborées,
perpétuant ainsi l'opposition entre l'esprit et la matière. A la fin du XIX°
siècle, Freud, considérant la sexualité comme "digne d'objet d'étude",
entreprit de séparer d'une part la "sexualité normale", qu'il
limitait au seul et unique cadre de la procréation, et d'autre part la
"sexualité pathologique", dans laquelle il incluait toute activité
sexuelle quelle qu'elle soit accomplie dans tout autre but que celui de procréer,
taxant le plaisir sexuel de "peu recommandable, c'est à dire pervers,
et comme tel, voué au mépris." ("Introduction à la
psychanalyse"). Sur la base de ces critères, il déduisit que tout être
humain est pervers de nature, et ceci dès l'enfance, et qu'il n'y avait pas de
différence entre l'individu normal et le névrosé. De ce fait, toute la théorie
freudienne des névroses et des perversions repose sur l'opposition entre
l'esprit et la matière, le psychique et le somatique, ainsi que sur la
culpabilisation du plaisir sexuel et à travers elle, sur une infériorisation
de la personne humaine.
Nous
sommes ainsi passés du statut de pêcheurs, véhiculé par l'Eglise à travers
le dogme du péché originel, à celui de malades, véhiculé par les dogmes
freudiens. La problématique de culpabilité qui structure notre vision de
nous-mêmes s'est déplacée des dogmes religieux aux dogmes scientistes. Les
termes ont changé, mais le principe est le même : il consiste à culpabiliser
les gens à partir d'une vision erronée d'eux-mêmes basée sur un faux
postulat, à leur imposer des conditions de vie intolérables, puis à prétendre
que la souffrance qu'ils en éprouvent est due à leur nature même, à une infériorité
qui leur serait intrinsèque, inhérente à leur humanité, et qu'à ce titre,
cette souffrance serait "normale" et devant être acceptée comme
faisant partie de la "condition humaine".
c)
Des valeurs économiques transposées en valeurs éthiques :
L'opposition
aristotélicienne entre les notions de "bien" et de "mal"
s'est perpétuée à travers l'opposition entre les notions de
"normal" et "pathologique". Est devenu "bon" ce
qui est considéré comme "normal" et "mauvais" ce qui ne
l'est pas, les notions de "bon" et de "mauvais"
correspondant, comme avant 1789, aux critères des détenteurs de l'autorité,
des décideurs du système de production et à leurs valeurs : le pouvoir hiérarchique
et d'argent. Sur cette base sont considérés comme "bons" et
"normaux" la compétition inhérente à la recherche de dominance,
l'accumulation du pouvoir et de l'argent et les rapports de force qui en découlent,
et comme "mauvais" et "anormal" tout ce qui ne vise pas à
la recherche du profit, tout ce qui n'est pas "productif" ou risque de
remettre en cause la structure de ce système.
On
en est ainsi arrivé à la scission de la population en deux parties, d'un côté
les gens "normaux", "intégrés", "inclus" dans ce
système, qui en adoptent les critères, reconnaissent comme
"normale", sous-entendu "bonne", la recherche de dominance
et d'argent et structurent leur mode de pensée et de comportement en fonction
de ses valeurs, et de l'autre les gens "anormaux",
"marginaux", "exclus", qui ne "produisent" pas, ne
bénéficient pas des avantages du système, et au détriment desquels celui-ci
se perpétue. Ce deuxième groupe étant de ce fait susceptible de remettre ce
système en question, les gens qui le composent se voient considérés comme
ennemis du premier groupe, et perçus par eux comme dangereux.
En
conséquence, les "valeurs" auxquelles les décideurs se réfèrent
souvent ne sont pas tant celles de la constitution sur laquelle repose notre
système politique, à savoir la liberté, l'égalité et la fraternité, que
celles du système économique, l'un et l'autre étant totalement incompatibles
: le premier est similaire à la structure de l'organisme humain, il inclut tous
les individus dans un même ensemble et engendre entre eux des relations
harmonieuses; le deuxième ne respecte pas la structure de l'organisme ni celle
du monde vivant, il aboutit à l'assujettissement des individus, engendre entre
eux des relations de domination/soumission, génératrices de conflits préjudiciables
à l'être humain et au milieu dans lequel il vit, et conduit à la destruction
des espèces et de l'écosystème.
d)
Le monde absurde et désespéré du descendant du singe :
La
vision officielle du monde véhiculée par ce système de pensée correspond à
celle des rationalistes : vision scientiste d'un univers limité à ce qui peut
en être scientifiquement perçu, à son aspect matériel et apparent,
assimilation des mythes et des religions au domaine de l'imaginaire, négation
des fondements de la spiritualité, et conception de l'existence humaine comme
limitée à sa vie sur terre, au temps de vie de son organisme physique,
autrement dit une existence dépourvue de sens et de but en tant que telle.
Cette conception étant considérée comme "normale" par ce système,
en opposition à toute autre, y compris d'ordre spirituel et religieux, le
niveau du sacré se voit considéré comme "contraire à la réalité"
et, de ce fait, comme relevant du délire, de la pathologie mentale. L'image de
Dieu est alors réduite à celle de concept abstrait, élaboré par l'homme pour
fournir une explication à sa vie, à une époque où il ne disposait pas des
moyens scientifiques ni des théories de l'évolutionnisme qui le classent
officiellement comme un descendant du singe, c'est-à-dire d'origine animale.
En
conséquence de quoi notre image, partie au IV° siècle avant Jésus Christ de
celle d'un animal composé d'un corps et d'une âme, a aboutit au XX° siècle
à celle d'un descendant du singe composé d'un corps et d'un psychisme. La
problématique existentielle élaborée au moyen âge, qui repose sur l'image
d'un Dieu persécuteur et une conception de l'existence tragique et désespérée,
s'est perpétuée jusqu'à nos jours par le biais des théories scientistes, à
travers l'image d'un Dieu abstrait et une vision de l'existence absurde et désespérée.
4.
Conséquences de la logique par opposition sur le retard d'évolution au niveau
spirituel :
Cette
double problématique de culpabilité et existentielle qui enferme encore
l'Occident s'est perpétuée au fil des siècles par le biais de la logique par
opposition. Celle-ci a édifié en nous des barrières mentales qui nous
conditionnent à reproduire sans cesse des schémas de pensée et de
comportement similaires de génération en génération. Ainsi cette conception
animalière de l'homme se traduit dans les faits chez les gens et les peuples
qui la partagent par un comportement plus proche de celui des sociétés
animales, sociétés statiques aux comportements figés et régies par la loi du
plus fort, que celui des sociétés humaines dont la spécificité consiste à "élaborer
des cultures et des civilisations et dont chaque génération transmet, enrichit
et refaçonne un acquis à la génération suivante qui va le modifier et
l'accroître à son tour." (Alfred Korzybski). En conséquence de quoi
l'évolution de ces peuples se limite au niveau matériel, apparent, extérieur,
et ne peut être intégrée au niveau spirituel, intérieur, non apparent, du
fait de la séparation doctrinale, des barrières mentales, qui ont été érigées
entre les deux niveaux. De là une incapacité à bâtir des sociétés
humainement vivables et stables, celles-ci passant successivement par une période
d'apogée et de décadence et s'effondrant les unes après les autres.
Ce
déséquilibre a joué un grand rôle dans notre incapacité à traduire dans
les faits les articles de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et
à intégrer au niveau structurel le changement relationnel qu'impliquait cette
déclaration. Cette séparation nous a littéralement interdit l'accès à notre
espace intérieur, à notre partie soi-disant "supérieure", celle-ci
ne pouvant qu'apparaître inaccessible, hors de portée et inconcevable à des
gens ayant d'eux-mêmes l'image d'êtres d'origine animale, inférieurs de
nature. Cette incapacité à évoluer au niveau spirituel a retenti sur notre évolution
aux niveaux humains, d'où notre retard dans les sciences humaines qui n'ont pas
intégré les données de notre évolution scientifique, et l'effondrement des
valeurs morales que beaucoup dénoncent actuellement.
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