Une foi ouverte pour un monde de paix

Samedi 28 juillet 2007

Michel Maxime Egger est sociologue, ancien journaliste et membre de l'Eglise orthodoxe. Il vient de créer Trilogies, un site Internet qui propose un espace de réflexion et de dialogue interreligieux.

" On ne parviendra pas à résoudre les immenses défis qui se posent aujourd'hui à l'humanité sans les saisir à leur racine, qui est d'ordre spirituel. Et l'on ne trouvera de solutions durables aux problèmes graves et complexes de notre temps que dans une articulation, une intégration en profondeur entre transformation personnelle et transformation structurelle. La mutation intérieure comme fondement du changement extérieur. "

" Faire émerger et vivre une foi ouverte est aujourd'hui une nécessité. Un impératif historique dans la situation de crise sociétale et de pluralisme interculturel qui est la nôtre. Car sans une telle foi - qui s'enracine dans une tradition religieuse tout en la transcendant de l'intérieur - il ne saurait y avoir de vrai dialogue. Et sans dialogue authentique, qui engage l'être entier dans sa vérité nue, l'humanité ne parviendra pas à relever les immenses défis actuels. L'enjeu de cette ouverture de la foi est donc majeur, en ces temps où les religions sont de plus en plus déconnectées du réel, travaillées par l'intégrisme, le communautarisme, le repli identitaire. "

" La foi est précisément l'ouverture du cœur à la profondeur ultime de la réalité, l'éveil de l'esprit à la lumière de la Vérité divine. Elle est, fondamentalement, de l'ordre de l'expérience et du don (de la grâce). Non pas une conviction intellectuelle ou l'adhésion à un corps de doctrines, mais une connaissance existentielle, mystique, sans intermédiaire. Une expérience où l'être et Dieu sont dans une relation de co-naissance et de révélation mutuelle. "

" Avoir une foi ouverte, c'est également ne pas la confondre avec les croyances qui l'expriment. Certes, il n'y a pas de foi sans croyances. L'être humain, pour comprendre et partager son expérience de Dieu, a besoin de la traduire en symboles, doctrines et rites. Ainsi, en tant que membre de l'Eglise orthodoxe, j'adhère au Credo de Nicée-Constantinople, aux dogmes des Conciles œcuméniques sur le Christ et la Trinité, aux mystères sacramentels. Mais, en même temps, aussi sublimes soient-elles, je ne peux en aucun cas absolutiser ces expressions de la foi. Cela reviendrait à confondre la lune (Dieu) avec le doigt qui la montre. Au risque alors de devenir idolâtre et intégriste, et donc incapable d'un vrai dialogue. N'est-ce pas notamment à cause de cette identification entre la foi, les croyances et l'institution qui les porte, que les actes les plus affreux ont été commis au nom de Dieu et de la religion ? "

Le site a pour but de développer " un espace en mouvement pour en-chanter l'être et le monde, re-lier le cosmique, l'humain et le divin, unir l'engagement citoyen et le cheminement spirituel, ouvrir le dialogue entre soi et l'Autre. Une autre manière d'habiter le monde en se laissant habiter par ce qui l'anime et le transcende ", afin de dépasser par la spiritualité les frontières établies par les religions et participer à l'émergence d'une nouvelle conscience.

" La pluralité des religions, qui sont autant de manières différentes d'accéder à l'Inaccessible et de nommer ce qui est au-delà de tout nom, est une chance. "

" L'homme et la femme d'aujourd'hui ne peuvent plus accepter telles quelles les formulations dogmatiques et doctrinales des religions traditionnelles. De nombreuses personnes en quête spirituelle ont besoin d'un autre langage et s'en vont ailleurs assouvir leur soif. "

En réaction à la déclaration du Vatican selon laquelle l'Eglise catholique serait " la seule à être la véritable Eglise du Christ ", Michel Maxime Egger a publié sur Trilogies, le 13 juillet 2007, un commentaire au titre éloquent : Quand la religion se transforme en tombeau.

" La paix et l'unité humaine enracinées dans l'amour-compassion. Tel est le cœur de la " bonne nouvelle " que le Christ - comme la plupart des maîtres de sagesses et fondateurs de religion - est venu non seulement annoncer mais incarner dans sa vie. Un message qu'il a invité ses disciples à enseigner et mettre en pratique. Or, plus de 2000 ans après sa crucifixion-résurrection, le Christ est toujours source de divisions et de conflits. "

" La religion est comme un ventre dans lequel l'être humain peut être conçu et éveillé à la vie spirituelle, être nourri et croître dans un espace protégé, sécurisant, cohérent. Mais (…) il faut prendre garde que la matrice (womb) ne devienne pas un tombeau (tomb). C'est ce qui arrive quand les croyances - relatives - se transforment en vérités absolues et les doctrines en idéologies, quand " la religion devient plus grande que l'homme et même que Dieu ". Alors, l'être conçu n'arrive pas à naître vraiment à lui-même et à sa vérité personnelle, il ne parvient pas à accomplir tout son potentiel spirituel. "

" La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant ", écrivait Irénée de Lyon (IIe siècle). Les Eglises, comme toutes les religions, ne sont et ne seront vivantes que lorsqu'elles accepteront de laisser leurs fidèles sortir de leur ventre pour enfin naître à eux-mêmes et à leur âge adulte. Que lorsqu'elles engendreront des disciples pour la vie dans l'éternelle Présence et non pour leur propre continuité. Que lorsqu'elles seront sources de liberté et donc de paix. "

Michel Maxime Egger a fondé et anime le réseau " Trilogies - Entre le cosmique, l'humain et le divin " pour un dialogue entre traditions spirituelles, quêtes de sens et grandes questions de notre temps.

" C'est par le dialogue, dans la rencontre de l'Autre en soi-même et dans l'autre - au plan individuel et collectif - que pourront émerger les nouveaux paradigmes dont notre monde a besoin pour traverser les " crises " qu'il affronte et aller vers davantage de justice, de paix et de beauté. "

" Se connecter, se re-lier. Au plus profond de soi-même, aux autres, à la nature, au divin, mais aussi aux mouvements et réseaux des chercheurs de sens. "

Le site propose des textes de réflexion, des conférences et une newsletter. Il est parrainé par la théologienne protestante Lytta Basset, le maître soufi Khaled Bentounès, l'historien et théologien orthodoxe Olivier Clément, le philosophe Edgar Morin, l'exégète Annick de Souzenelle ou encore le journaliste catholique Jean-Claude Guillebaud.

Trilogies nous invite également à réfléchir sur les questions de l'écologie, de la justice, de l'éducation et de l'économie afin de redonner, selon les mots du jeune philosophe Abdennour Bidar, " une dimension spirituelle à la citoyenneté ".

Michel Maxime Egger: "Boris Cyrulnik a démontré dans l'un de ses livres que les fourmis qui travaillent à la périphérie de la fourmilière sont les plus créatives. Car ce sont elles qui, en créant des ponts entre l'extérieur et l'intérieur, permettent à la fourmilière de s'adapter aux changements de l'environnement. "

http://www.trilogies.org

(Adaptation par le CICNS d'un article paru dans " Le Temps ", édition du 28 juillet 2007, www.letemps.ch)

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