La Justice est-elle réellement indépendante ?

A partir d'un fait-divers récent (Juillet 2007), notre association s'est de nouveau intéressée à la fameuse "indépendance de la Justice" en France. La rumeur et la pression médiatique, tout autant que l'influence de personnalités politiques ou l'appartenance de magistrats à des loges maçonniques, semblent malheureusement  jouer un rôle prépondérant dans certaines décisions de justice. 

Au CICNS, nous savons comment les minorités spirituelles font les frais de ces dérapages depuis plus de 25 ans... Les médias mènent-ils la danse ? Qui d'autre ? Dans l’affaire du « Parc d’accueil » à Lisieux, nous pouvons constater comment, en l’espace d’une seule nuit, un soupçon est devenu une certitude, fondée sur la plainte d’une ancienne adepte auprès de l'ADFI

Évolution d'un fait-divers

Dépêche de l'AFP du 28 Juin :

Enquête sur des abus sexuels présumés dans une « communauté de vie » à Lisieux

Une dizaine de personnes étaient en garde à vue jeudi à Lisieux (Calvados) dans le cadre d'une enquête ouverte pour soupçons d'abus de faiblesse et d'agressions sexuelles au sein d'une "communauté de vie", a-t-on appris de source judiciaire. 

(…) Les responsables de cette communauté de vie appelée "Le parc d'accueil" pourraient être déférés jeudi au parquet de Lisieux, a-t-on précisé de même source. 

(…) "Des enfants d'une personne membre de cette communauté vivaient également au sein de la communauté, mais rien pour l'instant ne permet de dire qu'il y aurait eu des abus sexuels sur ces enfants", a expliqué à l'AFP le procureur de Lisieux, Bruno Dieudonné. 

Débutée en 2004, l'enquête s'était accélérée fin 2006 avec la plainte pour viol déposée par une ancienne adepte de la communauté qui avait réussi à s'en détacher.

Jusque-là, rien de bien concret et M. Dieudonné, procureur de la République, confirme d'ailleurs qu’il est trop tôt pour se prononcer. Dès le lendemain, pourtant, et bien que le contenu des articles soit toujours aussi vague, les titres lancent des affirmations cinglantes, au mépris de la plus élémentaire déontologie journalistique. 

En cette seule nuit, la Justice a-t-elle eu le temps d’examiner la plainte et de rendre son verdict ? 

Existe-t-il des preuves intangibles de la culpabilité de ces personnes ?

Le 29 Juin à 19h15 sur France 3 Normandie :

Lisieux : Sept mises en examen

Une maison tranquille abritait un mouvement sectaire où viols et humiliations étaient monnaie courante

Les policiers du SRPJ de Rouen sont intervenus mercredi après-midi dans un foyer d'accueil pour adolescents en difficultés à Lisieux. Ils ont interpellé une quinzaine de personnes sur lesquelles pèsent des soupçons de viol et d'abus sexuels. Plusieurs jeunes filles avaient déposé plainte il y a un peu plus d'un an au parquet de Caen.  Deux femmes incarcérées ce vendredi.

Reportage : Gwenaelle Louis & Cyril Duponchel  

Parmi les quatorze personnes interpellées mercredi, sept ont été déférées au parquet de Lisieux ce vendredi. Deux femmes ont été mise en examen pour "abus de faiblesse ou de l'état d'ignorance sur des personnes en état de sujétion psychologique, viols, agressions sexuelles et violences sur personnes vulnérables", a indiqué le procureur de la République Bruno Dieudonné.  

(…) Cinq autres personnes, membres ou proches de cette communauté de vie, devraient être prochainement mises en examen pour des abus sexuels, a indiqué le procureur. La justice doit toutefois déterminer si elles étaient elles-mêmes dans un état de sujétion ou si elles disposaient d'un libre-arbitre suffisant pour répondre de leurs actes devant un tribunal.
Le parquet a requis leur placement sous contrôle judiciaire. L'enquête a par ailleurs permis d'établir que certains membres de la communauté versaient parfois des sommes importantes sous forme de dons à la présidente de l'association, qui aurait ainsi reçu en deux ans et demi environ 400.000 euros. Débutée en 2004, l'enquête s'était accélérée fin 2006 avec la plainte pour viols déposée par une ancienne adepte de la communauté qui avait réussi à s'en détacher. Celle-ci avait raconté qu'elle devait participer à des séances de "navigation", au cours desquelles elle était contrainte d'avoir des rapports et des contacts sexuels avec des membres de la communauté, que choisissait la présidente de l'association, au domicile de laquelle se déroulaient ces actes. 

Autant dire qu’à la fin de ces articles, nous n’en savons pas plus qu’avant leur lecture. En effet, rien n’est démontré et tout repose sur la rumeur. Pourtant, la vie de ceux qui ont ainsi été désignés à la vindicte populaire ne sera plus jamais la même. Mais qui s’en soucie ? 

Dans un contexte où les journaux condamnent les accusés avant que l'enquête n'ait eu lieu, la Justice française peut-elle véritablement jouer son rôle ? Et quelles sont ses relations avec l'État ?

La Justice et l'État

La France est un État de droit et ce modèle de gouvernement est aujourd’hui « considéré comme la principale caractéristique des régimes démocratiques » (source : http://www.vie-publique.fr).

Selon la définition donnée par le juriste autrichien Hans Kelsen, un État de droit est « un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée » Il se doit de respecter deux principes fondamentaux : « le principe de légalité, qui découle de l’existence de la hiérarchie des normes, et le principe d’égalité, qui s’oppose à tout traitement différencié des personnes juridiques » (l'État étant pour la Justice une personne morale). (Source : http://www.vie-publique.fr).

«Un tel modèle implique l’existence d’une séparation des pouvoirs et d’une justice indépendante. En effet, la Justice faisant partie de l'État, seule son indépendance à l’égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir son impartialité dans l’application des normes de droit. » (source : http://www.vie-publique.fr)

Selon Charles Debbasch, Président Honoraire de l’Université de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille : « L’ensemble des magistrats constitue l’autorité judiciaire. (…) Mais cette autorité ne constitue pas un pouvoir. Il s’agit d’une autorité administrative dotée d’une certaine autonomie chargée de la régulation du service public de la justice. Il est d’ailleurs significatif que toutes les mesures relatives à l’organisation de ce service public y compris celles prises par le Conseil Supérieur de la Magistrature relèvent du contrôle du juge administratif comme le seraient celles prises dans le cadre d’un service public de droit commun. En ce sens, il n’existe naturellement pas de pouvoir judiciaire. La justice est un service public administratif et les magistrats sont des fonctionnaires dotés d’un statut particulier.
L’originalité de ce service public tient dans son organisation spécifique et dans les protections particulières dont ses membres disposent dans l’exercice de leurs fonctions. »
» (Doyen Charles Debbasch, (www.wikio.fr) 

« Le but de l’indépendance de l’autorité judiciaire n’est pas d’assurer aux magistrats un confort de carrière mais de garantir aux citoyens que ceux-ci ne se prononceront qu’en leur âme et conscience sans subir d’interventions pesant sur leurs jugements. » (ibid) « L’indépendance de la justice, c’est-à-dire l’absence de toute soumission des juges dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle à des pouvoirs extérieurs est une des composantes essentielles de l’État de droit. Sans cette indépendance, aucune garantie de droits n’existe. » (ibid) 

Dans "Le voeu d'indépendance" de Jean-Louis Nadal, (source : http://www.figaro.fr) : « Lors de l'audience solennelle de la juridiction suprême et devant le premier ministre et le garde des Sceaux, le plus haut représentant du parquet n'a pas mâché ses mots. « La première vertu de la justice est l'indépendance, a-t-il déclaré dans son discours. Sans indépendance, pas d'impartialité et sans impartialité, pas de justice. Or, le parquet n'est pas indépendant. » Pour Jean-Louis Nadal, une véritable « crise identitaire » frappe l'institution judiciaire « et plus particulièrement le parquet »  

Charles Debbasch : « L’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique est essentielle. Mais, il serait hypocrite d'imaginer que l’indépendance ne dépend que des textes. Le pouvoir politique dispose de moyens d’influence qui passent par des canaux multiples et aucun des Gardes des Sceaux ne pourrait jurer sur l’honneur qu’il n’a jamais tenté d’intervenir dans le cours de la Justice. Le pouvoir politique est et restera toujours une sphère d’influence et on voit mal comment les magistrats pourraient échapper totalement à son rayonnement Rien n’impose bien évidemment aux magistrats de se soumettre à ces interventions. La garantie de leur conscience est le meilleur rempart contre ces débordements. » (article cité)  

Selon Jean-Louis Nadal : « Une réforme profonde » doit être engagée afin « de clarifier le lien hiérarchique avec le pouvoir exécutif ». Pour cela il préconise notamment l'arrêt des instructions individuelles venues du garde des Sceaux. » (article cité)

Médias et indépendance de la Justice

Charles Debbasch : « Il faut le reconnaître, ces interventions (de l’État dans les affaires judiciaires) sont aujourd’hui plus subtiles ou moins fréquentes en raison du rôle des médias qui empêchent que des affaires gênantes pour les pouvoirs ne soient étouffées. A ce titre, l’action des médias est positive. Elle est une garantie de la démocratie et elle doit être encouragée. Cependant, le rôle des médias est moins clair qu’il y paraît.  Il peut se faire tout d’abord que le juge utilise les médias pour légitimer ou conforter son action. Particulièrement, dans la matière pénale, les indiscrétions apparaissent comme une façon de rendre irréversible le cours de la justice imaginé par le juge. Il s’agit alors d’une pré condamnation sans jugement de personnes qui ignorent tout de ce qui leur est reproché et qui apprennent par les médias ce que les juges ou les enquêteurs croient avoir découvert.  Il arrive également que les médias soient utilisés par certains juges pour engager un combat contre le pouvoir politique. Pour ceux-la, il s’agit ainsi d’aller plus loin et de marquer à travers cette influence leur conception du renouveau du pouvoir politique. Un peu à la façon des magistrats italiens qui naguère déracinèrent la classe politique italienne avec l’aide des médias. 

Mais, comme le remarque justement Michel Winock : « Du Conseil constitutionnel aux « petits juges », les magistrats se redressent, contestent le pouvoir politique, s’arrogent l’arbitrage de la moralité publique. On applaudirait volontiers leur indépendance, à condition qu’ils ne veuillent pas substituer leur magistrature au pouvoir légitime des élus de la nation, ce qui n’est pas toujours évident. » Il peut se faire également que les médias reflètent les passions ou les revendications de l’opinion et dictent aux juges leurs décisions. Lorsqu’il perd sa dépendance à l’égard du pouvoir, le juge retrouve une autre subordination, beaucoup plus lourde, celle à l’égard de l’opinion publique et des médias. La dépendance du juge à l’égard du pouvoir était, en définitive, assez légère. Il arrivait que, dans des cas exceptionnels, le Parquet reçût des directives qui n’étaient d’ailleurs pas toutes inspirées par la politique. Mais, rien n’obligeait les magistrats du siège de les suivre, ils étaient seuls face à leur conscience. Il ne dépendait que d’eux de statuer en pleine indépendance. Aucun pouvoir républicain n’a jamais été en situation de dicter aux juges leurs décisions. Il en va autrement avec la pression de l’opinion publique. Elle impose ses vues aux magistrats, leur demande de traduire ses énervements, ses pulsions, ses passions, en jugements. (…) Le juge qui croit devenir indépendant du pouvoir politique a trouvé, en réalité, de nouveaux maîtres qui, s’il n’y prend pas garde, l’assujettissent de façon autrement plus pesante que, hier, la Chancellerie.  (…) Quand la Justice devient dépendante de l’opinion publique et qu’elle s’incline devant elle, elle perd la boussole du droit et s’enfle des soubresauts, des sautes d’humeur, des erreurs, des passions du moment pour ne pas dire de l’instant. » (Doyen Charles Debbasch, Président Honoraire de l’Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-Marseille sur http://www.wikio.fr)

Ci-dessous, quelques extraits du compte-rendu, établi par Estelle Sédilot, d’un colloque qui s’est tenu à l’université de Malakoff en décembre 1999 (texte complet), intitulé « Médias et indépendance de la Justice ».   

« En matière de rapports entre la justice et les médias, le texte de référence est l'article 11 du code de procédure pénale, celui-ci pose en effet le principe du secret de l'instruction. Les rapports conflictuels qu'entretiennent ces deux entités reposent pour l'essentiel sur ce problème épineux. Cet article précise en effet que : « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel. Le secret de l'instruction ne s'impose pas directement aux journalistes. En effet « ne sont tenus au secret que les personnes qui concourent à la procédure d'information, c'est-à-dire aux mesures ordonnées en vue d'établir la vérité, de rechercher si les éléments de l'infraction sont réunis, et de fournir, à la juridiction de jugement, les renseignements nécessaires à sa décision" (TGI Paris, 31 août 1973). Pour autant, les journalistes peuvent tomber sous le coup d'une inculpation pour complicité, en offrant par exemple les moyens de toute publication ou publicité, ou être poursuivi pour recel de violation du secret de l'instruction (Cass. crim. 13 mai 1991, cité dans L.Franceschini, E.Mauboussin, L.Cormier, S. Croix, V. Freland, C. Haquet, G. Moureaux, « Les questions clés de l’audiovisuel », Dixit, Paris, 1996, p. 219-220).   

En pratique, on observe que la vérité judiciaire est combattue par la vérité médiatique, qui l'emporte sur la première. Ainsi, dans une affaire très médiatisée, la vérité judiciaire a du mal à apparaître et risque de se faire accuser de vouloir étouffer l'affaire.  (…) Le temps médiatique n'est pas le même que le temps judiciaire. Le temps médiatique, c'est l'instantané, contrairement au temps judiciaire, beaucoup plus long (le temps de la procédure). » On assiste actuellement à une accélération de la diffusion de l'information. Parallèlement à ce premier phénomène, on entre dans une logique de commercialisation de l'information, ce qui explique que la presse recherche avant tout le scoop, le fait qui fera vendre, et non l'information réelle.  Le jugement et son résultat restent ainsi secondaires. Ce qui importe, c'est le déroulement de la procédure (avec tous ses temps forts, particulièrement les arrestations). Se développe ainsi un pouvoir arbitraire, non maîtrisé, sans balancier, sans aucun contrôle ni recours réel.  La majorité des articles est écrite par des journalistes qui n'ont aucune culture judiciaire. Ceux-ci jouent aux justiciers en clouant l'accusation au pilori. Il arrive également que la presse soit instrumentalisée pour déstabiliser l’adversaire (…). » « La presse et les médias peuvent donc avoir un effet néfaste dans le déroulement des affaires judiciaires. On voit même apparaître actuellement une nouvelle race de journalistes, qui n'écoutent plus ce que le procureur ou les avocats leurs communiquent, et préfèrent rester sur leurs visions des choses. »  

« …Beaucoup d'affaires dont la presse se prétend « découvreuse » n'ont en réalité pas été révélées grâce à elle, mais grâce à des informateurs plus ou moins officieux. »  « Un autre élément est à prendre en compte : il existe des cycles de poursuites. Et selon ces cycles la justice poursuit plus ou moins certains genres d'affaires. Actuellement, et depuis un certain nombre d’années, les affaires politico-financières sont au centre du pouvoir judiciaire. Et la presse n'en est que le relais. » 

Le même raisonnement s’applique aux sectes, où l’on voit régulièrement apparaître des affaires « en série », selon les besoins du moment, et la question peut se poser de savoir si ces affaires ne tombent pas à point nommé pour en dissimuler d’autres en détournant l’attention du public.  

« Dans une vision pessimiste des rapports médias/justice, on dira que la presse n'aide pas à la résolution des affaires, bien au contraire. Aujourd'hui, la presse condamne. On assiste à la naissance d'une justice non judiciaire, une justice de pilori. » « Un mis en examen (non tenu par le secret de l'instruction) est poussé à prendre la parole pour répondre aux approximations développées par la presse en violation caractérisée du secret de l'instruction. L'intéressé est ainsi amené à devancer les dérives médiatiques pour éviter que ce soit pire, alors que sans cette pression il aurait gardé le silence. On arrive là à une situation de déstabilisation totale.  « Tout ceci aboutit à une situation absurde : désormais, lorsqu'il y a violation du secret de l'instruction, il est souvent préférable de ne rien faire, car le seul fait de déposer une plainte entraîne des conséquences beaucoup plus graves que quand on ne fait rien. En effet, la justice ne sanctionne pas très fortement les journaux qui ont violé le secret de l'instruction. Il n'y a aucune mesure entre l'amende - faible en général - à payer pour violation du secret et l’argent que rapporte au journal un scoop.  « C'est donc bien le harcèlement médiatique, et non le harcèlement judiciaire, qui pousse le mis en examen à mettre les choses au point. »  « La liberté de la presse est nécessaire à la démocratie 

(…). La presse a un rôle fondamental d'information. Mais cette information ne doit pas être dénaturée. » « Une des solutions serait d’appliquer aux affaires concernant les majeurs les règles prévues pour les affaires de mineurs. On augmenterait ainsi la responsabilité des journaux en étendant l'importance des sanctions dont ils font l'objet. »  « Une solution complémentaire serait que tous les citoyens connaissent les bases du fonctionnement de la justice. Cela freinerait cette sur-médiatisation à laquelle nous assistons depuis quelques années car le public aurait d'autres moyens de se tenir informé et pourrait rester objectif face à ce traitement des affaires. » (Estelle Sédilot, colloque tenu à l’université de Malakoff en décembre 1999)

On constate aussi l’influence des médias lorsqu'ils passent une information sous silence. Ainsi, de nombreux journaux diffusent les « histoires de sectes » mais peuvent facilement omettre de publier le résultat d’un procès lorsque celui-ci est favorable à une minorité spirituelle précédemment incriminée. Ainsi les réputations sont salies de manière irréversible.

« Il peut arriver aussi que des groupes de pression idéologiques, politiques ou financiers disposant de relais médiatiques cherchent à peser sur les jugements. On assure souvent que la procédure inquisitoire délivre la France des excès financiers des procédures à l’américaine. Propos exagérément optimistes qui ignorent le rôle de certaines agences de communication qui stipendient directement ou indirectement des journalistes pour forger l’opinion en général et celle des juges en particulier. Pour l’heure, la déontologie des journalistes est moins exigeante que celle des magistrats ou des parlementaires. On s’oriente de ce fait vers une situation où la justice s’éloigne de son protecteur politique somme toute légitime dans une démocratie pour se placer sous la dépendance de puissances occultes et illégitimes. On en revient alors à l’essentiel. La qualité de la justice n’est pas qu’une affaire de statut. Elle repose sur la compétence du magistrat. La meilleure indépendance est celle qui s’affirme dans la force du raisonnement, la hauteur de vue, l’absence de parti pris. Celle qui fait que le jugement est respecté parce que respectable. Une justice indépendante est avant tout une justice compétente au service de la loi et des citoyens. » (Doyen Charles Debbasch, Président Honoraire de l’Université de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille sur http://www.wikio.fr)

Si la Justice était rendue par des êtres humains au service des citoyens, que ce soit par vocation ou parce qu'ils ont été formés dans cet esprit, il n'y aurait pas de parti pris ni de préjugés dans les tribunaux. Les "sectes" n'existeraient pas avant d'avoir été jugées effectivement dangereuses, les coupables n'existeraient pas avant que leur culpabilité ait été prouvée, les idéologies personnelles des magistrats n'auraient pas leur place dans l'évaluation d'une situation, l'emballement médiatique n'aurait aucune influence sur la réflexion des juges. Bien que ces conditions ne soient pas impossibles à réaliser, nous sommes malheureusement contraints de constater que cela ressemble encore aujourd'hui à une utopie. 

Il faudra plus qu'un sursaut de conscience passager (comme ce fut le cas lors de l'affaire d'Outreau) pour que notre système de Justice évolue, pour que le jeu des médias soit contrôlé et ne détruise plus des existences en diffusant les rumeurs les plus odieuses, pour que les convictions personnelles ou les intérêts des magistrats ne se mêlent pas à l'indispensable "objectivité" que requiert cette profession à la fois importante et terrifiante par sa capacité à changer les destins.

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