Rapport 2009 de la MIVILUDES

Point de vue et commentaires du CICNS (avril 2010).

 « L’Assemblée est parvenue à la conclusion qu’il n’est pas nécessaire de définir ce que sont les sectes, ni de décider si elles sont ou non une religion. Cependant les groupes désignés sous ce nom suscitent une certaine inquiétude (…) et cela doit être pris en considération (…) Ceci dit, rien n’empêche que, dans leur champ de compétences, les sociologues des religions ne poursuivent cette réflexion intéressante engagée depuis près de trente ans » p. 19 du rapport.

Efficacité de la MIVILUDES ?

Le mot qui « vient à l’esprit » de Georges Fenech, Président de la MIVILUDES, dès les premières lignes de son rapport, c’est « efficacité ». Nous ne savons pas à quoi il fait référence : est-ce que les assauts de la MIVILUDES sur des communautés comme le Moulin des Vallées, sans cadre légal, sans respect des libertés individuelles, sans raison, en un mot, sont une action efficace ? Est-ce que la création d’une liste noire de sectes en France, déguisée sous le terme « référentiel », est une action efficace, malgré les évidentes et légitimes critiques de telles listes dans le passé ? Les coûteuses visites hivernales de M. Fenech dans les îles d’Outre-Mer, soupçonnées d’être « plus perméables aux croyances superstitieuses », sont-elles des actions efficaces ? Est-ce que la stigmatisation croissante et tous azimuts des minorités spirituelles, alors que la MIVILUDES était censée éviter les discriminations en luttant contre les « dérives » réelles et non contre les « sectes », est efficace ? L’augmentation de l’arsenal antisectes alors que l’existence du fléau que constitueraient les minorités spirituelles et thérapeutiques est démentie par les chiffres, est-elle une action efficace ? Les interrogations sont nombreuses et l’efficacité d’une telle structure semble donc nulle.

«La Miviludes a conçu un guide pratique de la protection de l’enfance face aux dérives sectaires qui verra le jour cette année ». Nous craignons le pire. « La protection de l’enfance » est un thème porteur qui pourrait être légitime sous la responsabilité d’une autre structure que la MIVILUDES laquelle a démontré dans le passé sa manipulation des chiffres pour alarmer les populations, son intrusion dans les libertés individuelles et en particulier dans les choix éducatifs légaux des parents (qu'elle souhaite contrôler). La section consacrée aux mineurs est pleine de sous-entendus (rien n’est étayé) qui viennent appuyer une sorte d'intuition de la MIVILUDES que les minorités spirituelles seraient un danger pour les enfants.

« C’est au Conseil de l’Europe que se met en place l’idée d’un observatoire ou d’une structure indépendante d’analyse et d’information » La proposition de M. Fenech ne ressemble en rien à celle du CICNS, qui a été un pionnier dans l’élaboration détaillée d’un projet d’observatoire réellement indépendant. L’observatoire de M. Fenech serait une sorte de « super MIVILUDES », un organe de répression composé exclusivement de personnalités antisectes laïcistes, comme l'indique son intitulé fumeux : « Programme européen d’études sur les dérives sectaires et leurs dangers pour les Droits fondamentaux ».

Une étude incongrue du chamanisme

« Force est de constater que des dérives en matière de chamanisme existent. Des témoignages le prouvent, des poursuites judiciaires ont déjà été introduites en France et à l’étranger et trois signalements de faits graves, parvenus en 2009 à la Miviludes, ont donné lieu à la saisine des autorités judiciaires. »

Une grande partie de ce rapport est consacrée à ce que la MIVILUDES présente comme une « étude de fond » sur le chamanisme. Des dizaines de pages sont consacrées à la description de ces pratiques dans divers pays du monde avec une tentative affichée de respecter ces croyances (on trouve par exemple des passages aussi étonnants, dans un tel rapport, que celui-ci : « Un chaman, après une longue initiation, est en mesure de communiquer avec les esprits. Il est ainsi chargé d’établir ce lien entre les hommes et les esprits de la nature, pour le bien de sa communauté »). De tels efforts de la part de la MIVILUDES seraient louables s’ils n’étaient démentis quotidiennement par les actions de cette officine qui affiche un mépris et une volonté de répression sans discernement (ce qui signifie, pour être tout à fait clair, que si des dérapages existent réellement, ils peuvent être pris en charge dans le cadre des lois existantes, sans stigmatiser des courants particuliers). Dans cette section surréaliste, un autre passage a attiré notre attention. La MIVILUDES accuse en effet les médias d’être responsables de la « banalisation des dérives » : « (Ces dernières remarques) posent le problème de la responsabilité de certains médias dans la banalisation de dérives chamaniques, supposées sans danger puisque « naturelles ». Il arrive que l’on puisse reprocher à la presse grand public et aux médias audio-visuels une certaine négligence et un manque de vigilance dans leurs reportages  (p. 63) ». Une façon de « cracher dans la soupe » quand on connaît l’usage fait par la MIVILUDES du battage médiatique, dont ce rapport est un bon exemple puisque les médias ont été les premiers à en connaître le contenu, lui  assurant ainsi une large couverture avant que des organismes comme le CICNS puissent le commenter.

Toujours autour du chamanisme, page 92, le rapport présente un tableau des plantes psycho-actives utilisées par les chamans et, bonne surprise pour ceux qui n’aiment pas la cigarette, le tabac est épinglé sous le nom scientifique Nicotiana. La culture du tabac devrait donc être rapidement interdite sur le sol français puisque des chamans risquent de l’utiliser.

« Tout ce qui est naturel peut cacher des dérives sectaires »

Le rapport prend ensuite pour cible la kinésiologie, le Mouvement du Graal, l’instinctothérapie, la naturopathie, le végétarisme et, invention pour la circonstance,  « l’hygiéniethérapie »,  le tout mis dans un même sac, amalgamant des mouvements spirituels, des thérapies, une alimentation différente, des modes de vie. Sur l’exemple de la naturopathie, il est intéressant de noter que la description qui en est faite est globalement positive, avec des insinuations sur le risque potentiel de ne pas utiliser les  remèdes de la médecine conventionnelle. Ce délayage continuel, tout au long de ce rapport, de faits positifs avec des insinuations et des allégations sans fondement est une marque de fabrique des récents rapports de la MIVILUDES.  Le rapport conclut d’ailleurs : « Cette  présentation  place  sans  ambiguïté  la  naturopathie  dans  les médecines alternatives ». Le simple fait d’être une médecine alternative représente un danger. M. Fenech l’a déclaré sans ambiguïté, en effet « Il faut alerter l'opinion : tout ce qui est naturel peut cacher en partie des dérives sectaires (source) »

Le comble de l’hypocrisie

Après l’attaque des médias citée plus haut, vient ensuite celle des Juges : « En préalable, il faut citer ici, pour mieux l’écarter d’emblée, le mauvais usage qui est fait parfois par le juge de la notion de « mouvement sectaire dangereux ». (...) Mais surtout, il est regrettable que les juges se soient engagés sur ce terrain, à la fois glissant et stérile, car d’une part, quelle est la légitimité du juge pour décerner un certificat d’innocuité ou entériner la dangerosité d’un mouvement, en se fondant au demeurant sur un rapport parlementaire sans portée normative, et d’autre part ce seul élément sans explicitations ne saurait justifier  l’atteinte que le juge estimerait devoir porter aux droits des parents en cas de « danger ». p190-191 ». Que des juges aient tendance à subir les battages médiatiques et finissent par être sensibles à certaines thèses est une réalité que nous avons déjà soulignée, mais que la MIVILUDES, qui a la plus grande part de responsabilité dans la propagation des thèses liberticides les plus révoltantes, se permette d’accuser les Juges d’une sorte de dérive est à la fois comique et dramatique.

Aucune mention des voix alternatives sur la lutte antisectes dans ce rapport

La seule allusion se trouve dans cette phrase, au milieu d’un paragraphe relatif à la présence de la MIVILUDES à l’OSCE : « Aux attaques de certaines ONG concernant la politique de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (reproches sur les subventions accordées aux associations, action de la Miviludes, etc.), la délégation française par la voix du conseiller pour les affaires religieuses, a justifié l’attitude de la France, notamment en ce qui concerne la protection des victimes. ». Un compte rendu très différent de notre propre constat.

Les formations à risque

« Les formations »... un thème récurrent pour la MIVILUDES. Le souhait affiché est d'« identifier les actions qui ne sont pas « formatrices » par nature, repérer les pratiques qualifiées de « charlatanesques », voire les dérives sectaires ». Sont considérées à risque les formations sur  les médecines alternatives, le développement des capacités comportementales et relationnelles, la psychothérapie, la recherche spirituelle, les pratiques de médecines alternatives,  les processus de changement de l’individu, la connaissance et l’estime de soi, la communication harmonieuse, la relation à l’autre (p 258). La liste parle d’elle-même.

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la capacité de la MIVILUDES à dispenser une formation de qualité à tous ceux qu'elle prétend former, jusqu'aux « formateurs de la Fédération française de Yoga à Paris ». (p.290).

Beaucoup de bruit pour rien

La MIVILUDES n’aime pas beaucoup les chiffres, ni les statistiques, parce qu’elle sait qu’ils desservent sa propagande (voir le problème des chiffres lors d’auditions au cours de certaines commissions parlementaires). « Afin de refléter l’activité des juridictions pénales, en matière de lutte  contre les dérives sectaires, plusieurs dossiers d’action publique peuvent utilement être évoqués ». Comme souvent, beaucoup de bruit pour rien : deux seulement sont cités ! Mais la MIVILUDES semble chercher à se donner une apparence de sérieux et de « raison d’État » quand elle déclare  Il convient de mentionner enfin notre activité constante de collaboration avec les services de renseignement, d’enquête et d’instruction, ainsi qu’avec les organes de la coopération internationale. Cette dimension de notre mission ne peut être portée à la connaissance du public que de manière générale et indicative. »

Conclusion sans surprise

Si, afin de démontrer notre impartialité dans l’étude d’un tel rapport, nous devions trouver un point positif à souligner dans celui-ci, nous serions en difficulté. Nous avons noté que les rapports de ces trois dernières années, par le biais des « études de fond » (cette année sur le chamanisme traditionnel), avaient un peu évolué en comparaison des précédents qui pouvaient se permettre une approche antisectes primaire. Mais force est de constater que ces belles paroles, au ton « sociologique », constituent un maquillage officiel de l’action réelle de la MIVILUDES dont on peut trouver la nature véritable dans les propos régulièrement médiatisés de son Président M. Fenech. La « mission » maintient son approche répressive, ne reconnait pas ses erreurs (discriminations), ni n'adopte une approche de connaissance sur le sujet des « dérives sectaires ». Le laïus sur le chamanisme traditionnel, dans le rapport de cette année, pour un lecteur averti, n’est qu’une pauvre tentative pour atténuer officiellement le violent laïcisme de cette mission d’État. Tous les domaines montrés du doigt par la MIVILUDES, comme susceptibles de dérives sectaires, correspondent à une demande croissante de la population de trouver des solutions sur le plan éducatif, thérapeutique, et spirituel à laquelle les structures en place ne répondent pas. La détermination de la MIVILUDES à stigmatiser ces alternatives reflète une volonté de détourner l’attention du malaise général de notre société et de ses propres dérives.

Lire l'édifiante analyse des chiffres de l'enquête internationale de la MIVILUDES !

Lire également Parentalité, convictions et droits de l'enfance dans le rapport 2009 de la MIVILUDES

Lire aussi : les médias et la MIVILUDES, la faillité d'un contre-pouvoir

Haut de page


© CICNS 2004-2015 - www.cicns.net (Textes, photos et dessins sur le site)