Sept ans. Bilan moral et perspectives de l'action du CICNS

André Tarassi (mars 2011)

En France, depuis près de 30 ans, il est devenu à peu près impossible de faire un choix de vie alternatif (spirituel, thérapeutique, éducatif) sans être catégorisé comme « secte ». La situation est au mieux inconfortable et au pire catastrophique pour des milliers de personnes qui subissent un harcèlement médiatique et policier amplifié par la venue de Georges Fenech à la présidence de la MIVILUDES.

Selon cette dernière, soutenue par tous les médias complaisants, les minorités de conviction seraient un fléau pour le pays. Toute personne bien informée sait que ce postulat est une mascarade politicienne dénoncée fermement par tous ceux qui souhaitent protéger les libertés fondamentales ainsi que le vivier d’idées nouvelles que constituent la plupart de ces minorités dans une civilisation moribonde. 

Le CICNS assure une veille indispensable dans le domaine de la liberté de conviction depuis 7 ans.

Nous faisons un bilan satisfaisant de notre travail d’information qui a contribué à initier un débat alors inexistant et à équilibrer les allégations des associations antisectes, absolument ignares sur ce sujet de société et d’une rare grossièreté dans leurs discours. Le travail de sape du « spirituel » et de l’alternatif a cependant fait son œuvre profondément dans toutes les couches de la société française. Le CICNS subit toujours la suspicion d’une partie de la population qui a été convaincue (« diffamez, diffamez, il en restera toujours quelque chose ») que nous étions « à la solde des sectes ».

Même si la MIVILUDES, les ADFI et le CCMM ont dû revoir leur copie (voir le « niveau » des rapports annuels avant 2004 ou les propos de Roger Ikor, par exemple, comparés aux précautions oratoires prises aujourd’hui), leur posture terroriste étant  devenue indéfendable face à nos arguments, il reste que la population française a globalement peur des « sectes » sans vraiment savoir de quoi il est question ni ce qui est entrepris pour résoudre cet hypothétique problème. Il n’existe probablement aucun autre sujet de société qui soit aussi flou, autant au niveau de la législation (puisque juridiquement, une « secte », ça n’existe pas) que dans l’esprit des gens.

Notre constat le plus dramatique, celui qui présente la menace la plus grave dans notre démocratie, est que les procureurs et les juges ont subi le même « lavage de cerveau » sur ce sujet et que beaucoup d’entre eux (ils hésitent de moins en moins à ordonner de violentes descentes policières sur une simple rumeur) tranchent souvent de façon injuste dans les litiges où le mot « secte » est prononcé.  

L’orientation pacifique et respectueuse des interlocuteurs est une caractéristique de notre association. Nous avons parfois eu des différends avec d’autres individus ou groupes de défense de libertés sur ce sujet parce que nous avons la conviction que l’agressivité de certaines actions peut discréditer les causes que nous défendons. Jusqu'avant l’arrivée de M. Fenech, nous avions même fait le choix du dialogue avec la MIVILUDES. Nous sommes évidemment résolus à maintenir cette direction non violente, sans laquelle notre action serait contradictoire avec les valeurs que nous voulons promouvoir, mais une réflexion est en cours au sein de notre équipe devant le trop faible impact de notre plaidoyer auprès des autorités (notre campagne pour la création d’un observatoire indépendant et compétent des minorités spirituelles, thérapeutiques et éducatives n’a reçu aucune réponse de la part du gouvernement, pas même un accusé de réception). Le CICNS, bien qu’étant clairement l’objet de surveillance, nous semble toléré principalement parce que notre choix pacifique ne présente réellement aucune menace au désordre établi.  

Il est assez triste de constater qu’une révolution ne peut pas se produire par le seul dialogue. L’actualité nous le confirme d’ailleurs dans les pays arabes qui se soulèvent dans le sang et les larmes. Nous aimerions qu’il en soit autrement et nous savons que ce souhait est partagé par une grande partie de l’humanité mais il semble inévitable qu’un groupe défendant des droits bafoués par un système autoritaire radicalise ses positions quand il constate son impuissance en n'agissant que sur le plan du dialogue. Comment concilier une orientation pacifique avec une action plus affirmée en évitant d'entrer en guerre ? Comment interpeller un gouvernement qui ne se sent pas obligé de répondre à ceux qui ne pèsent d’aucun poids dans le lobbying politique ?  

Il est évident que nous sommes appelés à passer à un autre mode d’action.  

Un sociologue nous a dit, un jour : « Cessez de vous plaindre, portez plainte ! ». Cette petite phrase a fait tinter une cloche annonciatrice d’une nouvelle direction. On nous dira certainement que nous avons été naïf de croire qu’il suffirait de dénoncer l’injustice pour la voir disparaître. Nous avons surtout voulu faire le pari d’un sursaut humaniste des autorités et de la population. Mais il ne s’est pas produit. Les autorités ne raisonnent qu’en termes d’intérêts et la population est tenue en laisse et conditionnée à des réflexes pavloviens d’autodéfense chaque fois qu’on lui parle de « différences ».   

Il va donc falloir porter plainte et le faire encore et encore jusqu’à ce que la voix de la raison et de la tolérance reprenne sa place. Mais cette « plainte » formelle ne pourra pas non plus venir du CICNS seul. Il y a aujourd’hui suffisamment de groupes et d'individus ayant subi la violence, l’ostracisme et les sanctions du système pour révéler le scandale. Nous connaissons également un certain nombre d’avocats très compétents qui sont prêts à s’engager dans de telles actions. Enfin, nous ferons tout pour que ceux qui s’engageront dans ce combat légal soient soutenus moralement autant que financièrement (sur ce dernier point, notre idée étant de rassembler des fonds de soutien pour que les actions en Justice ne soient freinées à aucun stade par manque de moyens).  

Il nous semble aujourd’hui que cette action est celle qui permet de concilier nos engagements pacifiques avec la nécessité d’une démarche plus affirmée et concrète.  

Nous connaissons peu de personnes engagées dans les démarches alternatives qui sont enchantées à l’idée de se frotter à la machine judiciaire et cette réalité est sans doute aussi à l’origine de notre frilosité à cet égard, mais si notre action est solidaire [1], si nous nous soutenons mutuellement (par le contact, la discussion, l’ouverture de forums spécialisés sur Internet, la centralisation des actions), la tâche sera moins lourde et l’impact plus grand sans y perdre notre âme et notre énergie. 

Nous attendons donc des personnes concernées par ce message qu’elles se manifestent rapidement (à l’adresse contact@cicns.net, par courrier postal à CICNS BP7 82270 Montpezat de Quercy ou par téléphone) afin que nous puissions coordonner leurs actions, apporter un conseil et mettre enfin, avec elles, un terme à cette tragique orientation française contre les minorités de conviction qui ne donne aucun signe de progrès. Les années à venir doivent entendre notre voix car nous avons une place à prendre dans le processus d’amélioration de nos sociétés. Cessons donc de nous plaindre et portons plainte, avec dans le cœur l’assurance de notre bon droit, la force de notre solidarité et l’enthousiasme de ceux qui ne travaillent pas que pour eux-mêmes mais pour un projet de civilisation.


André Tarassi est né en 1961, il est le fondateur du CICNS. Chercheur indépendant, il étudie les « Nouvelles Spiritualités » depuis 30 ans. Il a étudié le journalisme et la télévision aux États-Unis.  Il a publié, sous un autre nom, plusieurs ouvrages sur la démarche spirituelle.


[1] Un mouvement solidaire est le premier appel que j’ai lancé en 2004 à la création du CICNS.

 

 

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